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Biographies des papes - Catholic Encyclopedia 1913

Urbain II

(OTHON ou OTTON ou ODON DE LAGERY)

Né d'une famille de chevaliers à Châtillon-sur-Marne dans la province de Champagne, aux environs de 1042; mort le 29 juillet 1099. Sous Saint Bruno (qui fonda ensuite les Carthusiens), Odon étudia à Reims, où il devint ensuite archidiacre. Vers 1070 il se retira à Cluny et y reçut l'enseignement du grand abbé saint Hugues. Après avoir exercé la charge de Prieur, il fut envoyé à Rome par saint Hugues parmi un groupe de moines demandé par Grégoire VII, et fut d'un grand secours à Grégoire dans sa tâche difficile de réforme de l'Eglise. En 1078 il devint évêque-cardinal d'Ostie et principal aide et conseiller de Grégoire. Durant les années 1082 à 1085, il fut légat en France et en Allemagne. Lorsqu'il revint à Rome en 1083, il fut fait prisonnier par l'empereur Henry IV, mais fut rapidement libéré. Pendant qu'il résidait en Saxe (1084-5) , il pourvut de nombreux sièges vacants en hommes fidèles à Grégoire et déposa ceux que le pape avait condamnés. Il tint un grand synode à Quedlinburg en Saxe au cours duquel l'antipape Guibert de Ravenne et ses affidés furent nommément anathémisés. Victor III avait déjà été élu quand Odon retourna à Rome en 1085. Il semble qu'au début, Odon se soit opposé à Victor, non par animosité ni par manque de bonne volonté, mais parce qu'il crut meilleur, à une heure si critique, que Victor abdiquât d'un honneur qu'il ne souhaitait pas tenir; Après la mort de Victor, une convocation fut envoyée aux évêques du parti grégorien pour assister à une réunion à Terracina. On fit savoir, à cette réunion, qu'Odon avait été suggéré comme successeur possible par Grégoire et Victor. En conséquence, le 12 mars 1088, il fut élu à l'unanimité, et prit le nom d'Urbain II. Son premier acte fut de proclamer son élection au monde, et d'exhorter les princes et les évêques qui avaient été loyaux envers Grégoire de persévérer dans leur allégeance: Il déclara son intention de poursuivre la politique et l'exemple de son grand prédécesseur - « Tout ce qu'il rejeta, je le rejette; tout ce qu'il condamna, je le condamne; tout ce qu'il aima, je l'embrasse; tout ce qu'il considéra comme catholique, je le confirme et l'approuve ».

Le nouveau pape était confronté à une tâche difficile. Entrer dans Rome était impossible. Les Normands, les seuls, avec Matilde, sur qui il pouvait se reposer, étaient engagés dans une guerre civile. Il fallait réconcilier Roger et Bohémond avant de pouvoir agir, et dans ce but le pape se rendit en Sicile. Il rencontra Roger à Troina mais l'histoire ne dit pas ce qui sortit de cette rencontre. L'année suivante, cependant, vit se faire la paix entre les deux princes, et Urbain entra dans Rome pour la première fois en novembre 1088, grâce à l'appui des troupes normandes selon certains chroniqueurs. Sa situation dans Rome était pitoyable, partiquement toute la ville étant aux mains de l'antipape, et Urbain dut se réfugier sur l'île Saint Barthélémy, l'entrée en étant gardée par Pierleone, qui avait transformé en forteresse le théâtre de Marcellus sur la rive gauche de la rivière. En Allemagne non plus, la perspective d'un triomphe du parti du pape n'était pas très probable, ses plus vaillants partisans étaient morts, et Henry gagnait régulièrement du terrain. Du milieu de la pauvreté et de l'indigence sur son île misérable, Urbain lança une sentence d'excommunication contre l'empereur et l'antipape réunis. Guibert rétorqua en tenant un synode à Saint-Pierre, devant lequel il cita Urbain à comparaître. Les troupes du pape et de l'antipape s'affrontèrent en un combat désespéré qui dura trois jours; Guibert fut poussé hors de la ville et Urbain entra en triomphe dans Saint-Pierre. Il était maintenant déterminé à unir ses partisans en Allemagne et en Italie. La comtesse Matilde avait perdu son mari, Godefroy de Lorraine. Elle était maintenant bien avancée en âge, mais cela n'empêcha pas son mariage avec le Comte Welf de Bavière, un jeune homme de dix-huit ans dont le père, le Duc Welf IV de Bavière, était en guerre contre Henry. Urbain tourna alors de nouveau ses pas vers le sud. A l'automne 1089, soixante-dix évêques le rencontrèrent en synode à Melfi, où des décrets contre la simonie et le mariage clérical furent promulgués. En décembre il retourna à Rome, non sans avoir établi une paix durable entre Roger et Bohémond et reçu d'eux pleine allégeance. Les inconstants Romains l'abandonnèrent encore à la nouvelle des succès de Henry contre Matilde dans le Nord de l'Italie, et avaient appelé au retour de Guibert. Ce dernier célébra Noël à Saint-Pierre tandis qu'Urbain l'anathémisait depuis l'extérieur des murs.

Pendant trois ans Urbain fut condamné à errer en exil dans l'Italie du Sud. Il passa son temps à tenir des conseils et à améliorer le caractère de la discipline ecclésiastique. Pendant ce temps, Henry subit enfin une défaite contre les forces de Matilde à Canossa, la même forteresse qui avait vu son humiliation devant Grégoire. Son fils Conrad, consterné, dit-on, par la dépravation de son père, et refusant de devenir son complice dans le péché, passa dans le camp de Matilde et Welf. La ligue Lombarde – Milan, Lodi, Plaisance et Crémone - lui firent bon accueil et le couronnèrent roi de Milan, le centre du pouvoir impérial en Italie. La voie était donc maintenant libre pour qu'Urbain pût rentrer à Rome, mais toutefois les partisans de Guibert tenaient encore des places importantes dans la cité. Cette fois le pape prit résidence à la forteresse des Frangipani, une famille qui lui était toujours restée fidèle, et qui était retranchée sous le Palatin, près de l'Eglise Sainte-Marie-Nouvelle. Sa condition était pitoyable, car il vivait de la charité et était déjà criblé de dettes. Un abbé Français, Grégoire de Vendôme, apprenant la détresse d'Urbain, se rendit en hâte à Rome, « afin de partager ses souffrances et ses travaux et de le soulager de sa misère ». En retour de cela, il fut fait cardinal-diacre de Sainte-Prisca. Peu avant Pâques 1094, le gouverneur du palais du Latran offrit de le rendre à Urbain contre une forte somme d'argent. Cet argent, Grégoire de Vendôme le fournit en vendant certaines possessions de son monastère. Urbain entra au Latran juste à temps pour les solennités pascales, et s'assit pour la première fois sur le trône papal juste six ans après son élection à Terracina.

Mais ce n'était pas le moment de s'attarder à Rome. La cause d'Henry s'affaiblissait toujours, et Urbain se précipita au Nord pour tenir un concile à Plaisance dans les intérêts de la paix et de la réforme. La malheureuse Praxède, seconde femme d'Henry, avait subi des torts qui étaient maintenant le bien commun de la Chrétienté. Sa cause fut entendue, Henry ne cherchant même pas à se défendre lui-même. Elle fut publiquement déclarée innocente et absoute de toute censure. Puis le cas de Philippe de France, qui avait répudié sa femme Berthe et épousé Bertrada, la femme de Foulque d'Anjou, vint en question. Plusieurs évêques avaient reconnu l'union, mais Hugues, l'archevêque de Lyon, avait eu le courage d'excommunier Philippe pour adultère. Le roi et l'archevêque furent tous deux convoqués au concile, et tous deux y firent défaut. Philippe se vit accorder un nouveau répit, mais Hugues se vit suspendre de sa charge. A ce concile, Urbain put aborder le sujet des croisades. L'empereur d'Orient, Alexis Ier, avait envoyé au pape une ambassade lui demandant secours contre les Turcs Seldjoukides, qui constituaient une sérieuse menace contre l'Empire de Constantinople. Urbain réussit à entraîner beaucoup de ceux qui étaient présents à promettre de l'aide à Alexis, mais il ne fit aucun pas décisif avant quelques mois de là, où il convoqua le plus célèbre de ses conciles, celui de Clermont en Auvergne. Le concile se réunit en novembre 1095; treize archevêques, deux-cent vingt-cinq évêques et plus de quatre-vingts abbés répondirent à la convocation du pape. Le synode se réunit en l'église Notre-Dame du Port et commença par renouveler les décrets grégoriens contre la simonie, l'investiture et le mariage des clercs. La sentence qui avait, pendant plusieurs mois, menacé Philippe de France, fut maintenant prononcée contre lui, et il fut excommunié pour adultère. Puis la brûlante question d'Orient fut soulevée. L'accueil d'Urbain en France avait été débordant d'enthousiasme, et l'enthousiasme pour la croisade s'était répandu pendant que le pape montait d'Italie. Des milliers de nobles et de chevaliers s'étaient rassemblés pour le concile. Il fut décidé qu'une armée de cavaliers et de fantassins marcherait sur Jérusalem et les Eglises d'Asie pour les secourir contre les Sarrasins. Une indulgence plénière fut garantie à tous ceux qui entreprrendraient le voyage pro sola devotione puis, pour aider le mouvement, la trêve de Dieu fut étendue, et les biens de ceux qui avaient pris la croix devaient être considérés comme sacrés. Ceux qui n'étaient pas aptes à cette expédition s'en virent interdire l'accès, et les croyants furent exhortés à prendre le conseil de leurs prêtres ou de leurs évêques avant de partir. S'avançant à la tête de l'Eglise, le pape s'adressa à l'immense multitude. Il utilisa ses merveilleux dons d'éloquence de façon exceptionnelle, dépeignant la captivité de la Cité Sacrée où le Christ avait enduré la souffrance et subi la mort. - « Qu'ils tournent leurs armes souillées du sang de leurs frères contre les ennemis de la Foi Chrétienne. Que ces oppresseurs d'enfants et de veuves, ces meurtriers et violateurs d'églises, ces voleurs du bien d'autrui, ces vautours attirés par l'odeur du carnage, qu'ils se hâtent, s'ils aiment leurs âmes, de se ranger sous leur capitaine, le Christ, pour secourir Sion. » Quand le pape cessa de parler, un puissant cri de Deus lo volt s'éleva de la foule. Même dans ses espoirs les plus vifs, il n'avait pas imaginé qu'un tel enthousiasme aurait maintenant prévalu. On lui demanda avec insistance de diriger en personne la croisade, mais il nomma Adémar, évêque du Puy, à sa place, et en quittant Clermont, il s'arrêta de ville en ville à travers la France pour prêcher la croisade. Des lettres furent envoyées aux évêques qui n'avaient pu assister au concile, et des prédicateurs furent envoyés dans toute l'Europe pour susciter l'enthousiasme. De toutes les façons possibles, Urbain encouragea les gens à prendre la croix, et il ne dispensa pas facilement de leurs obligations ceux qui s'étaient d'abord engagés à entreprendre l'expédition.

En mars 1096, le pape tint un synode à Tours et confirma l'excommunication du roi de France, que certains membres de l'épiscopat français avaient tenté de lever. En juillet 1096, le roi, ayant congédié Bertrada, fut absous par Urbain au cours d'un synode tenu à Nîmes, mais, ayant récidivé, il fut excommunié de nouveau par le légat du pape en 1097. Quelques-uns des plus grands prélats de France devaient alors faire allégeance au pape, parmi lesquels l'archevêque de Vienne, qui avait refusé de se soumettre à la décision papale concernant la juridiction de l'évêque de Grenoble, et l'archevêque de Sens, qui avait refusé de reconnaître l'archevêque de Lyon comme légat du pape. Après un parcours triomphal à travers la France, Urbain retourna en Italie. Sur la route de Rome, il rencontra des princes en préparation pour la croisade à Lucca, et consacra la bannière de Saint-Pierre sur Hugues de Vermandois. D'aucuns prétendent que c'est cet hôte croisé qui permit à Urbain de rentrer dans Rome, qui à ce moment était retombée aux mains de l'antipape. Si c'est vrai, l'entrée dans Rome paraît pourtant, selon le récit de témoins oculaires, avoir eu lieu sans combat. Nul doute que la présence de troupes bien disciplinées, sous l'autorité de chevaliers parmi les plus distingués de toute la Chrétienté, frappa de terreur les farouches partisans de Guibert. Mais le triomphe final d'Urbain sur « l'imbécile » était maintenant assuré. Le centre et le Nord de l'Italie étaient aux mains de Matilde et de Conrad, et Henry fut enfin forcé de quitter l'Italie. Un concile eut lieu au Latran en 1097 et, avant la fin de l'année, Urbain fut à même de se rendre au Sud de l'Italie pour y solliciter l'aide des Normands en vue de reprendre le château Saint-Ange. Le château capitula en août 1098. Il pouvait maintenant apprécier une brève période de repos après une vie d'activité incessante et de combats féroces, qui l'avaient conduit à l'exil et à l'indigence. Son amitié avec les Normands fut renforcée par la nomination du Comte Roger comme légat du pape en Sicile, ou l'Eglise avait été presque balayée par les Sarrasins. L'antipape était dans son archevêché de Ravenne, et le pouvoir d'Henry, bien que renforcé par le Comte Welf, qui avait abandonné Matilde, n'était plus assez fort pour constituer à nouveau une menace sérieuse.

En octobre 1098, le pape tint un concile à Bari avec l'intention de réconcilier les Grecs et les Latins sur la question du filioque; cent quatre-vingts évêques y assistèrent, parmi lesquels se trouvait saint Anselme de Canterbury, qui s'était enfui auprès d'Urbain pour lui adresser ses plaintes contre le Roi Rouge. A la fin novembre, le pape était de retour à Rome; ce fut son dernier retour dans la ville. Il y tint son dernier concile en avril 1099. Encore une fois, il éleva sa voix éloquente pour la cause de la Croisade, et beaucoup répondirent à son appel. Le 15 juillet 1099, Jérusalem tomba sous les attaques des croisés, mais Urbain ne vécut pas assez pour en apprendre la nouvelle. Il mourut dans la maison de Pierleone, qui l'avait si souvent abrité. Ses cendres ne purent être enterrées au Latran à cause des partisans de Guibert qui étaient toujours dans la cité, mais furent conduites en procession à la crypte de Saint-Pierre, où elles furent enterrées près de la tombe d'Adrien Ier. Guibert de Nogent affirme que des miracles furent opérés sur la tombe d'Urbain, qui apparaît comme saint dans de nombreux martyrologes. Ainsi il semble y avoir eu un culte d'Urbain II depuis l'heure de sa mort, bien que sa fête (29 juillet) n'ait jamais été étendue à l'Eglise Universelle. Parmi les figures peintes dans l'abside de l'oratoire construit par Calixte II au Palais du Latran se trouve celle d'Urbain II avec les mots sanctus Urbanus secundus inscrits dessous. La tête est recouverte d'une auréole carrée, et le pape est représenté aux pieds de Notre-Dame. L'acte formel de béatification n'eut lieu que sous le pontificat de Léon XIII. La cause fut introduite par Monseigneur Langenieux, archevêque de Reims, en 1878, et après avoir parcouru les différentes étapes, la décision fut rendue par Léon XIII le 14 juillet 1881.


R. URBAN BUTLER
Tiré de "Catholic Encyclopedia", copyright © 1913 by the Encyclopedia Press, Inc. Traduction française : Bertrand Blochet, Pentecôte 1999.