Moteur de recherche catholique portant sur la Bible et sur une bibliothèque d'ouvrages, d'articles et de conférences.
Le serrant avec la ceinture, il y adapta le pectoral, sur lequel était : La Doctrine et la Vérité.
Biographies des papes - Catholic Encyclopedia 1913

Boniface VIII

(BENEDETTO GAETANI)

Né à Anagni vers 1235; décédé à Rome le 11 octobre 1303. Il était le fils de Loffred, un descendant d'une famille issue de la noblesse espagnole, mais établie depuis longtemps en Italie (D'abord à Gaeta puis à Anagni). Par sa mère, il était lié à la maison des Segni, qui avait déjà donné à l'Eglise trois fils illustres, Innocent III, Grégoire IX et Alexandre IV. Benoît avait étudié à Todi et à Spolète en Italie, peut-être aussi à Paris, avait obtenu un doctorat en droit canon et en droit civil, et avait été fait chanoine successivement à Anagni, Todi, Paris, Lyon puis Rome. En 1265, il accompagna le cardinal Ottobuono Fieschi en Angleterre, où ce prélat avait été envoyé pour rétablir l'harmonie entre Henry III et les barons rebelles. Ce n'est qu'en 1276 que Gaetani entama une carrière à la Curie, où il fut, pendant quelques années, activement engagé comme avocat au consistoire et notaire apostolique, et acquit rapidement une influence considérable. Sous Martin IV, en 1281, il fut fait cardinal-prêtre du titre des SS Sylvestre et Martin des Monts. Comme légat papal, il servit avec une remarquable habileté en France et en Sicile (H. Finke, Aus den Tagen Bonifaz VIII, Münster, 1902, 1 sqq., 9 sqq.).

Le 13 décembre 1294, le saint mais totalement incompétent pape-ermite Célestin V qui, cinq mois auparavant, connu sous le nom de Pierre de Murrone, avait été enlevé à son obscure caverne de montagne dans les Abruzzes sauvages pour être élevé à la plus haute dignité qui soit dans la chrétienté, démissionna de la charge pour lui insoutenable de la papauté. L'acte était sans précédent et a été fréquemment attribué à l'influence néfaste et à la pression exercée sur lui par le cardinal Gaetani. Que cette élévation d'un ermite inexpérimenté et d'esprit simple ne fût pas du goût d'un homme de la trempe de Gaetani, considéré comme le plus grand juriste de son temps et bien versé dans l'art de la diplomatie curiale, cela est très probable. Mais Boniface lui-même déclara, par l'intermédiaire d'Aegidius Colonna, qu'il avait d'abord dissuadé Célestin de franchir le pas. Et il a maintenant été établi avec une quasi-certitude que l'idée de démission est apparue dans l'esprit de Célestin lui-même, et que le rôle que joua Gaetani fut tout au plus celui d'un conseiller, suggérant au pontife de publier une constitution soit avant, soit en même temps que son abdication, affirmant la légalité de la résignation papale et la compétence du collège des cardinaux pour l'accepter [Voir en particulier H. Schulz, Peter von Murrone—Papst Celestin V—in Zeitschrift für Kirchengeschichte, xvii (1897), 481 sqq.; également Finke, op. cit., 39 sqq.; et R. Scholz, Die Publizistik zur Zeit Philipps des Schönen und Bonifaz VIII, Stuttgart, 1903, 3.] . Dix jours après le gran rifuto de Célestin, les cardinaux se réunirent en conclave à Castel Nuovo en Naples et, le 24 décembre 1294, le cardinal Benoît Gaetani fut élu à la majorité, prenant le nom de Boniface VIII (Pour les détails de l'élection cf. Finke, op.cit., 44-54). Avec l'approbation des cardinaux, le nouveau pontife annula immédiatement (27 décembre 1294) toutes les faveurs extraordinaires et les privilèges que « dans la plénitude de sa simplicité » Célestin V avait distribués avec une prodigalité sans borne. Puis, au début janvier de l'année suivante, malgré la rigueur de la saison, Boniface partit pour Rome, résolu à soustraire dès que possible la papauté à l'influence de la cour napolitaine. La cérémonie de sa consécration et de son couronnement eut lieu à Rome le 23 janvier 1295, dans des scènes de splendeur et de magnificence inégalées. Le roi Charles II de Naples et son fils Charles Martel, roi titulaire et prétendant de Hongrie tenant les rênes de son palefroi blanc comme neige et somptueusement accoutré alors qu'il se rendait à Saint Jean du Latran et, plus tard, avec leurs couronnes sur la tête, servirent au pape les premiers plats du dîner avant de prendre place parmi les cardinaux. Le jour suivant le pontife publia sa première lettre encyclique dans laquelle, après avoir annoncé l'abdication de Célestin et sa propre accession au trône, il dépeignit de la plus brillante façon la sublime et indéfectible nature de l'Eglise.

La voie inhabituelle prise par Célestin V avait suscité beaucoup d'opposition, en particulier parmi les partis religieux d'Italie. Entre les mains des Spirituels, ou Fraticelli, et des Célestiniens – dont beaucoup n'étaient pas aussi désintéressés que leur saint fondateur – l'ancien pontife, s'il était autorisé à se déplacer librement, pourrait se révéler un instrument dangereux pour l'éclatement d'un schisme dans l'Eglise. C'est pourquoi Boniface VIII, avant de quitter Naples, ordonna que Célestin V fût conduit à Rome pour être emprisonné dans l'abbaye du Mont Cassin. En chemin vers sa prison, le saint se sauva et retourna à son ermitage près de Sulmona. Appréhendé une seconde fois, il s'échappa encore et après de fatigantes semaines à parcourir les forêts d'Apulie, il put atteindre la côte et s'embarqua à bord d'un vaisseau pour se rendre en Dalmatie. Mais un orage renvoya le malheureux fugitif accoster à Vieste en Capitanata, où les autorités le reconnurent et le capturèrent. Il fut amené à Boniface dans son palais d'Anagni où il fut retenu quelque temps, et finalement il fut transféré à la forteresse de Fumone à Ferentino. Il y resta jusqu'à sa mort dix mois plus tard le 19 mai 1296. La détention de Célestin fut une simple mesure de prudence pour laquelle Boniface ne mérite aucun blâme; mais le traitement rigoureux auquel le vieil homme de quatre-vingts ans fut soumis – qui qu'en soit le responsable – est difficilement acceptable. A ce sujet, il n'y a plus de controverse aujourd'hui. Le lieu où Célestin fut enfermé était si étroit que «le point sur lequel le saint se tenait lorsqu'il disait sa messe était celui-là même où il s'allongeait pour se reposer» (quod, ubi tenebat pedes ille sanctus, dum missam diceret, ibi tenebat caput, quando quiescebat), et ses deux compagnons étaient fréquemment obligés de changer de place parce que le confinement et l'étroitesse du lieu les rendait malades. (Sur ce sujet, voir le très important et intéressant document St. Pierre Célestin et ses premiers Biographes in Analecta Bolland., XVI, 365-487; cf. Finke, op. cit., 267.)

Parfaitement imprégné des principes de ses grands et héroïques prédécesseurs, Grégoire VII et Innocent III, le successeur de Célestin V entretenait les notions les plus exaltées sur la suprématie papale aussi bien en matière écclésiastique que civile, et fut de plus en plus virulent dans l'affirmation de ses droits. Par sa profonde connaissance des canons de l'Eglise, son subtil instinct politique, une grande expérience pratique de la vie et un grand talent dans la conduite des affaires, Boniface VIII semblait exceptionnellement bien qualifié pour maintenir intacts les droits et privilèges de la papauté, tels qu'il lui avaient été transmis. Mais il échoua, soit à reconnaître l'esprit changeant de son époque, soit à mesurer avec acuité la force des volontés qui se dressaient contre lui, et quand il s'essaya à exercer son autorité suprême dans les affaires temporelles, sur les princes et les peuples, il rencontra presque partout une résistance déterminée. Ses desseins de paix universelle et de coalition chrétienne contre les Turcs ne se réalisèrent pas, et durant les neuf années de son règne troublé il ne connut jamais de véritable triomphe. Bien qu'il fût certainement l'un des plus remarquables pontifes qui aient jamais occupé le trône papal, Boniface fut aussi l'un des plus infortunés. Son pontificat marque dans l'histoire le déclin du pouvoir et de la gloire médiévale de la papauté.

Boniface tenta d'abord de régler le sort de la Sicile, qui était dans une situation très incertaine depuis l'époque des Vêpres Siciliennes (1282). Deux rivaux renvendiquaient l'île: Charles II, roi de Naples, comme successeur de son père Charles d'Anjou, qui l'avait reçue de Clément IV, et Jaques II, roi d'Aragon, qui tenait ses prétentions des Hohenstaufen, par sa mère Constance, la fille de Manfred. Jacques II avait été couronné roi de Sicile à Palerme en 1286 et avait, par cet acte, encouru la sentence d'excommunication pour avoir osé usurper un fief du Saint-Siège. Lors de sa succession sur le trône d'Aragon après le décès de son frère Alphonse III en 1291, Jacques accepta de restituer la Sicile à Charles II à la condition qu'il prenne pour épouse sa fille, Blanche de Naples, avec un douaire de 70 000 livres d'argent. Boniface VIII, en tant que seigneur-lige du pays, ratifia cet accord le 21 juin 1295 et chercha ensuite à réconcilier les parties en conflit en restaurant Jacques II dans la communion de l'Eglise, en le confirmant dans sa possession de l'Aragon et en lui octroyant les îles de Sardaigne et de Corse, qui étaient des fiefs du Saint-Siège, en compensation de sa perte de la Sicile. Par ces mesures, Boniface VIII se conformait simplement à la politique traditionnelle du Saint-Siège dans le règlement des affaires siciliennes; toutefois, il n'y a pas de preuve qu'il aurait pris dès le début de son pontificat l'engagement de restituer la Sicile à la maison d'Anjou. Cependant, la Sicile ne fut pas pacifiée par son accord obtenu entre les rois d'Aragon et de Naples. Menacés par le renouvellement d'un règne français détesté, les habitants de cette île affirmèrent leur indépendance, et offrirent la couronne à Frédéric, le plus jeune frère de Jacques II. Dans une entrevue avec Frédéric à Velletri, le pape chercha à le dissuader d'accepter l'offre en lui faisant miroiter des perspectives de succession au trône de Constantinople et un mariage avec la princesse Catherine de Courtenay, petite fille et héritière de Baudouin II, le dernier empereur latin d'Orient. Mais le jeune prince ne se laissa pas dissuader. Le légat papal fut chassé de l'île et, en dépit des protestations de Boniface VIII, Frédéric fut couronné roi de Sicile à Palerme le 25 mars 1296. Il fut aussitôt excommunié et l'île placée sous interdit. Ni le roi ni son peuple ne prirent en considération cette censure. A l'instigation du pape, une guerre s'ensuivit, dans laquelle Jacques d'Aragon, comme Capitaine-Général de l'Eglise, fut obligé de prendre part contre son propre frère. Le conflit trouva une issue (1302) à travers les efforts du prince Charles de Valois, que le pape avait appelé à l'aide en 1301. Frédéric devait être absous des censures qu'il encourait, épouser Eléonore, la jeune fille de Charles II, et conserver la Sicile durant sa vie. Après sa mort l'île devait revenir au Roi de Naples. Bien que frustré de ses espérances, Boniface VIII ratifia le traité le 12 juin 1203, et accepta de reconnaître Frédéric comme vassal du Saint-Siège.

Pendant ce temps, Boniface avait aussi dirigé son attention vers le nord de l'Italie où, pendant une période de quarante ans, les deux républiques rivales de Venise et de Gênes avaient poursuivi une lutte amère pour la suprématie du commerce au Levant. Une croisade était quasiment impossible sans la collaboration étroite de ces deux puissances. C'est pourquoi le pape ordonna une trêve jusqu'au 24 juin 1296, et ordonna aux deux opposants d'envoyer à Rome des ambassadeurs en vue de préparer un arrangement de paix. Les Vénitiens avaient tendance à accepter sa médiation, mais pas les Génois, enflammés par leurs récents succès. La guerre continua jusqu'en 1299, quand les deux républiques furent finalement obligées de conclure la paix par pur épuisement, mais même à ce moment l'intervention du pape fut rejetée.

Les efforts faits par Boniface VIII pour restaurer l'ordre à Florence et en Toscane s'avérèrent tout aussi vains. Durant les dernières années du treizième siècle, la grande cité des Guelfes était déchirée entre les violentes dissensions des Blancs et des Noirs: Les Blancs, apparentés aux Gibelins, représentaient le parti populaire et comptaient dans leurs rangs quelques hommes parmi les plus distingués de Florence – Dante Alighieri, Guido Cavalcanti et Dino Compagni. Les Noirs, professant les vieux principes des Guelfes, représentaient la noblesse de la cité. Chaque parti, lorsqu'il eut l'ascendant sur la ville, envoya ses opposants en exil. Après une vaine tentative pour réconcilier les chefs des deux partis, Vieri dei Cerchi et Corso Donati, le pape envoya le cardinal Matteo d'Acquasparta comme légat papal et médiateur chargé d'établir la paix à Florence. Le légat rencontra les partis sans obtenir de succès et rentra bientôt à Rome en laissant la ville sous interdit. Vers la fin de 1300, Boniface VIII appela à son aide Charles de Valois, frère de Philippe le Bel. Nommé Capitaine-général de l'Eglise et investi du gouvernement de la Toscane (par suite de la vacance de l'empire), le prince français obtint les pleins pouvoirs pour obtenir la pacification de la ville. Valois arriva à Florence le 1er novembre 1301. Mais au lieu d'agir en tant que pacificateur mandaté par le pape, il se conduisit comme un destructeur impitoyable. Après cinq mois de son administration partisane, les Noirs tenaient leur revanche et les Blancs se trouvaient exilés et ruinés – et parmi eux Dante Alighieri. Non content d'attirer sur le pape et lui-même la haine des Florentins, Charles n'avait rien accompli (Levi, Bonifazio VIII e le sue relazioni col commune di Firenze, in Archiv. Soc. Rom. di Storia Patria, 1882, V, 365-474. Cf. Franchetti, Nuova Antologia, 1883, 23-38.) . On peut noter que beaucoup d'intellectuels de renom mettent sérieusement en doute la fameuse ambassade de Dante à Boniface VIII vers la fin de 1301. Le seul fait contemporain qui tienne en faveur de la mission du poète est un passage de Dino Compagni, et même ce passage est considéré par certains comme une simple conjecture.

Alors qu'il tentait ainsi de promouvoir des relations de paix entre divers états du nord et du sud de l'Italie, Boniface s'était lui-même engagé à Rome dans une lutte désespérée contre deux membres rebelles du Sacré Collège, Jacopo Colonna et son neveu Pietro Colonna. Les cardinaux Colonna étaient des princes romains de la plus haute noblesse et appartenaient à une puissante famille italienne qui possédait de nombreux palais et places-fortes à Rome et en Campanie. La dispute qui eut lieu entre eux et Boniface, vers le début de 1297, avait deux causes: Jacopo Colonna, à qui l'administration des vastes possessions de la famille Colonna avait été confiée, avait violé les droits de ses frères, Matteo, Ottone et Landolfo, en s'appropriant les biens qui leur revenaient de droit, pour en faire don à ses neveux. Pour obtenir justice, ils s'adressèrent au pape, qui trancha en leur faveur, et admonesta à plusieurs reprises le cardinal pour qu'il traitât ses frères avec justice. Mais le cardinal et ses neveux prirent ombrage de l'intervention du pape et refusèrent obstinément de se soumettre à sa décision. De plus, les cardinaux Colonna s'étaient sérieusement compromis en maintenant des relations coupables avec les ennemis politiques du pape – d'abord avec Jacques II d'Aragon, plus tard avec Frédéric III de Sicile. Des avertissements répétés contre cette alliance étant restés sans effet, Boniface, dans l'intérêt de sa propre sécurité, ordonna aux Colonna de recevoir une garnison papale à Palestrina – foyer ancestral de la famille - et dans leurs forteresses de Zagarolo et Colonna. Ils refusèrent d'obéir à ces mesures et cessèrent alors toute relation avec le pape. Le 4 mai 1297, le pape convoqua les cardinaux à paraître en sa présence et quand, deux jours plus tard (6 mai), ils parurent, il leur ordonna trois choses: Restituer les sommes d'or et d'argent que leur parent Stefano Colonna avait volées au neveu du pape, Pietro Gaetani, alors qu'il emportait cet argent d'Anagni à Rome; de livrer Stefano comme prisonnier au pape; et de soumettre Palestrina avec les forteresses de Zagarolo et Colonna. Ils se conformèrent à la première de ces demandes, mais refusèrent de se plier aux deux autres. Là-dessus, Boniface publia, le 10 mai 1297, une bulle, « In excelso throno », qui privait les cardinaux rebelles de leurs dignités en prononçant contre eux une sentence d'excommunication et leur ordonnant, dans un délai de dix jours, de se soumettre sous peine de confiscation de leurs biens. Le matin du même jour (10 mai), les Colonna placardèrent aux portes de plusieurs églises romaines, et même au-dessus du maître-autel de Saint Pierre, un manifeste dans lequel ils déclaraient invalide l'élection de Boniface VIII pour la raison que l'abdication de Célestin V n'était pas canonique, accusèrent Boniface d'avoir circonvenu son saint prédécesseur, et appelèrent de leurs voeux un concile général pour juger des mesures qui seraient prises contre eux par le pape. Cette protestation rédigée à Longhezza avec l'assistance de Fra Jacopone da Todi et un ou deux autres Spirituels, avait quelque peu anticipé la bulle papale, en réponse à laquelle toutefois les Colonna publièrent un second manifeste (16 mai) contenant de nombreuses charges contre Boniface et appelant de nouveau à un concile général. Le pape traita cette effronterie avec une sévérité accrue. Le 23 mai 1297, une seconde bulle « Lapsis abscissus », confirma la précédente excommunication et l'étendit aux cinq neveux de Jacopo ainsi qu'à leurs héritiers, les déclara schismatiques, les déchut de leurs droits et propriétés, et menaça d'interdit tous les lieux qui voudraient bien les accueillir. Boniface montra en même temps comment les cardinaux Colonna avaient favorisé son élection (lors du conclave ils avaient d'abord voté pour Gaetani, de même qu'ils étaient de ceux qui avaient conseillé à Célestin d'abdiquer), l'avaient publiquement reconnu comme pape, avaient assisté à son couronnement, l'avaient reçu comme un hôte à Zagaralo, avaient pris part à ses consistoires, avaient signé avec lui de nombreux documents d'Etat, et avaient été pendant près de trois ans ses fidèles ministres à l'autel. Les rebelles répilquèrent par un troisième manifeste (15 juin) et organisèrent aussitôt leurs forteresses pour la défense.

Boniface alors se retirait de Rome pour Ovieto d'où, le 4 septembre 1297, il déclara la guerre et confia le commandement des troupes pontificales à Landolfo Colonna, frère de Jacopo. En décembre de la même année il proclama même une croisade contre ses ennemis. Les forteresses et châteaux des Colonna furent pris sans grande difficulté. Palestrina (Praeneste), la meilleure de leurs places-fortes, fut la seule à résister quelque temps, mais en septembre 1298, elle dût se rendre elle aussi. Dante dit qu'elle fut prise par tricherie, par de grandes promesses et de piètres manoeuvres, comme le suggéra Guido de Montefeltro, mais le conte de l'implacable Gibelin a depuis longtemps perdu tout crédit. Habillés de noir, la corde au cou, les deux cardinaux, ainsi que d'autres membres de leur famille rebelle, vinrent à Rieti pour se jeter aux pieds du pontife et implorer sa clémence. Boniface reçut les captifs au milieu des splendeurs de la cour papale, leur accorda le pardon et l'absolution, mais refusa de les restaurer dans leurs dignités. Palestrina fut entièrement rasée et labourée et du sel fut répandu sur ses ruines. Une nouvelle ville – la Città Papale – y fut plus tard construite. Quand peu après les Colonna organisèrent une nouvelle révolte (qui fut toutefois rapidement matée), Boniface bannit et excommunia de nouveau ce clan turbulent. Leurs biens furent confisqués, et la plus grande part en fut distribuée à la noblesse romaine, et plus particulièrement à Landolfo Colonna, aux Orsini et aux parents du pape. Les cardinaux Colonna et les principaux membres de leur famille se retirèrent alors des Etats de l'Eglise – quelques-uns d'entre eux trouvant refuge en France, d'autres en Sicile. (Denifle, cf.infra, et Petrine, Memorie Prænestine, Rome, 1795.)

Vers le début du règne de Boniface, Eric VIII de Danemark avait injustement emprisonné Jens Grand, Archevêque de Lund. Isarnus, archiprêtre de Carcassonne, fut commissionné en 1295 par Boniface pour menacer le roi de sanctions spirituelles, à moins que l'archevêque ne fût libéré en attendant l'enquête de Rome, à laquelle le roi fut prié d'envoyer ses représentants. Ces derniers furent effectivement envoyés, mais furent accueillis à Rome par l'archevêque Grand, qui entretemps s'était échappé. Boniface se prononça en faveur de l'archevêque et comme le roi refusa de céder, il l'excommunia et mit son royaume sous interdit en 1298. En 1303, Eric céda, bien que son adversaire fût transféré à Riga et son siège donné au légat Isarnus (1304). En Hongrie, Chambert ou Canrobert de Naples revendiqua le trône vacant comme descendant de Saint Etienne du côté maternel, et fut soutenu par le pape en sa qualité de suzerain et protecteur de la Hongrie. Les nobles, cependant, élurent André III et, après sa rapide démission (1301) choisirent Ladislas, fils de Wenceslas de Bohême. Ils ne prêtèrent aucune attention à l'interdit du légat papal, et l'arbitrage de Boniface fut finalement refusé par les envoyés de Wenceslas. Ce dernier avait accepté le trône que lui offraient les nobles de Pologne, vacant depuis le bannissement (1300) de Ladislas Ier. L'avertissement solennel du pape et ses protestations contre la violation de son droit comme suzerain de Pologne furent sans effet sur Wenceslas qui, de plus, s'allia bientôt avec Philippe le Bel.

En Allemagne, à la mort de Rodolphe de Habsbourg (1291), son fils Albert, Duc d'Autriche, se déclara roi. Les électeurs, toutefois, choisirent (1292) le comte Adolphe de Nassau, choix auquel Albert se soumit. Le gouvernement d'Adolphe s'avérant décevant, trois des électeurs le déposèrent à Mayence le 23 juin 1298, et intronisèrent Albert. Les rois rivaux en appelèrent aux armes; à Goellheil, près de Worms, le 2 juillet 1298, Adolphe perdit et la couronne et la vie. Albert fut réélu roi par la Diète de Francfort et couronné à Aix-La-Chapelle le 24 août 1298. Les électeurs avaient régulièrement cherché à obtenir la reconnaissance par Boniface de leur choix et de la consécration impériale. Il refusa les deux, au prétexte qu'Albert était le meurtrier de son seigneur-lige. Très vite, Albert se trouva en guerre contre les les trois archevêques-électeur rhénans et, en 1301, le pape le convoqua à Rome pour répondre de différentes accusations. Victorieux à la guerre (1302), Albert envoya à Boniface des agents munis de lettres par lesquelles il niait avoir tué le roi Adolphe, ni avoir cherché volontairement la bataille, ni porté le titre royal tant qu'Adolphe était en vie, etc. Boniface finit par reconnaître son élection le 30 avril 1303. Un peu plus tard (17 juillet), Albert renouvela le serment de fidélité de son père à l'Eglise Romaine, reconnut l'autorité papale en Allemagne comme Boniface le demandait (mai 1300), et promit de n'envoyer aucun vicaire impérial en Toscane ni en Lombardie durant les cinq années à venir sans l'accord du pape, et à défendre l'Eglise Romaine contre ses ennemis. Dans sa tentative pour préserver l'indépendance de l'Ecosse, Boniface ne connut pas le succès. Après le renversement et l'emprisonnement de John Baliol et la défaite de Wallace (1298), le conseil de la régence des Ecossais envoya des émissaires au pape pour contester la supériorité féodale de l'Angleterre. Boniface, dirent-ils, était le seul juge dont la juridiction s'étendait sur les deux royaumes. Leur royaume appartenait de droit au siège romain et à personne d'autre. Boniface écrivit à Edouard (27 juin 1299) pour lui rappeler, dit Lingard, « presque dans les termes mêmes du mémorial écossais », que l'Ecosse avait appartenu au Siège de Rome depuis les temps antiques, et qu'elle lui appartenait encore; le roi devait cesser toute agression injuste, libérer ses captifs et défendre à la cour de Rome dans les six mois à venir toute prétention éventuelle sur l'Ecosse. Cette lettre parvint au roi avec beaucoup de retard, par les mains de Robert de Winchelsea, Archevêque de Canterbury, et le roi en discuta devant un parlement qu'il avait convoqué à Lincoln. Dans sa réponse (27 septembre 1300), ce dernier contestait, au nom des 104 seigneurs présents, la revendication papale de suzeraineté sur l'Ecosse, et affirmait qu'un roi d'Angleterre n'avait jamais plaidé devant aucun juge, ecclésiastique ou séculier, la question de sa suzeraineté sur l'Ecosse ni aucune autre question temporelle, et qu'ils ne lui permettraient jamais de le faire, même si d'aventure son inclination l'y poussait (Lingard, II, ch. vii). Cependant, le 7 mai 1301, le roi ajouta à cet acte un mémoire dans lequel il présentait sa vision royale des relations historiques entre l'Angleterre et l'Ecosse. Dans leur réponse à ce plaidoyer, les représentants de l'Ecosse ré-affirmèrent la suzeraineté immémoriale de l'Eglise Romaine sur l'Ecosse « Propriété, possession particulière du Saint-Siège »; dans toute controverse, dirent-ils, entre ces royaumes égaux et indépendants, c'est à leur supérieur commun, l'Eglise de Rome, que devait être adressé tout recours. Ce conflit quelque peu académique parut désespéré à Rome, en raison de la violence mutuelle et des querelles internes du plus faible parti (Bellesheim, Hist. of the Cath. Church of Scotland, London, 1887, II, 9-11) et il ne fit qu'aviver les tensions entre Boniface et Edouard, à propos de l'injuste taxation du clergé.

En 1294, de sa propre autorité, Edouard séquestra tout l'argent qu'il put trouver dans les trésors de toutes les églises et de tous les monastères. Après quoi Il exigea et obtint du clergé la moitié de ses revenus, quelle qu'en fût l'origine. L'année suivante, il demanda le tiers ou le quart, mais ils refusèrent de payer plus du dixième. Quand, à la Convocation de Canterbury (Nomvembre 1296), le roi exigea le cinquième de leurs revenus, l'archevêque, Robert de Winchelsea, en conformité avec la nouvelle législation de Boniface, proposa de consulter le pape, sur quoi le roi mit hors-la-loi le clergé régulier comme séculier, et s'empara de tous ses biens, fortunes et possessions. Au nord, la province d'York céda; dans la province de Canterbury, beaucoup résistèrent un temps, parmi lesquels le courageux archevêque, qui se retira dans une paroisse rurale. Finalement il se réconcilia avec le roi et ses biens lui furent restitués, mais bientôt Edouard exigea pour lui-même le tiers des revenus ecclésiastiques, ce qui faisait paraître bien évanescente sa reconnaissance de la bulle Clericis laicos.

Le mémorable conflit avec Philippe le Bel commença vers le début du règne de Boniface et ne s'acheva même pas avec la fin tragique de son pontificat. Le principal but du pape était la paix générale en Europe, dans l'intérêt d'une croisade qui briserait à jamais, à un moment qui semblait favorable, la puissance de l'Islam. Le principal obstacle à une telle paix résidait pour l'instant dans la guerre qui opposait la France et l'Angleterre, causée par la prise injuste de la Gascogne par Philippe (1294). Les principaux combattants poursuivirent la guerre aux dépens de l'Eglise, dont ils taxèrent lourdement les représentants. Une telle taxation avait souvent été permise dans le passé par les papes, mais seulement dans le but (réel ou allégué) d'une croisade; maintenant elle était utilisée aux fins d'une simple guerre. Les légats envoyés par Boniface aux deux rois quelques semaines après son intronisation n'obtinrent pas grand chose; les efforts ultérieurs furent rendus vains par l'attitude butée de Philippe. Entre-temps, de nombreuses protestations de la part du clergé français poussèrent le pape à agir et, avec l'approbation de ses cardinaux, il publia, le 24 février 1296, la bulle Clericis laicos, par laquelle il interdisait aux laïcs d'exiger ou de recevoir, et aux clercs d'abandonner, les revenus ecclésiastiques de leurs propriétés, sans la permission du Siège Apostolique; les princes qui imposaient de telles extorsions et les ecclésiastiques qui s'y soumettaient étaient déclarés excommuniés. D'autres papes du treizième siècle, ainsi que le troisième et quatrième conciles du Latran (1179 et 1215), avaient pris de semblables mesures contre les oppresseurs du clergé, mais sans toutefois contenir l'introduction de la bulle, qui semblait s'en prendre à la laïcité en général (Clericis laicos infensos esse oppido tradit antiquitas, c-à-d « Toute l'Histoire montre clairement l'inimitié de la laïcité envers le clergé » - ce qui était en réalité une devise enseignée dans les écoles et prise à des sources anciennes), mais il ne s'y trouvait, sous des termes très généraux, rien qui pût particulièrement provoquer la colère royale. Philippe, cependant, fut indigné, et répliqua bien vite par une ordonnance royale (17 août) interdisant l'exportation de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, des armes ou de la nourriture en dehors de son royaume. Ces mesures affectèrent immédiatement l'Eglise de Rome, car elle tenait de la France une grande partie de ses revenus, y compris l'argent des croisades, dont les nombreux collecteurs papaux se trouvaient ainsi hors-la-loi. Le roi fit aussi préparer une proclamation (jamais promulguée) concernant l'obligation faite aux ecclésiastiques de porter le fardeau public et le caractère provisoire des immunités ecclésiastiques (Pour la généreuse contribution du clergé français aux charges nationales, voir les statistiques exhaustives de Bourgain in Rev. des quest. hist., 1890, XLVIII, 62.). Dans la bulle Ineffabilis Amor (20 septembre), Boniface protesta vigoureusement contre ces actes royaux, et expliqua qu'il n'avait jamais voulu empêcher les dons volontaires du clergé ni les contributions nécessaires à la défense du royaume, dont le roi et son conseil étaient seuls juges de la nécessité. Durant l'année 1297, le pape chercha de différents manières à apaiser l'amertume du roi, notamment par la bulle Etsi de Statu (31 juillet), et avant tout par la canonisation (11 août 1297) du grand-père du roi, Louix IX. L'ordonnance royale fut retirée, et le douloureux incident semblait oublié. Pendant ce temps, la trève que Boniface avait essayé d'imposer en 1296 aux rois Philippe et Edouard, fut finalement acceptée par les deux rois au début de 1298, pour une période de deux ans. Boniface fut pris en médiateur des questions litigieuses, bien que Philippe le considérât en cette matière non comme pape, mais comme une personne privée, comme Benedetto Gaetano. Le jugement, favorable à Philppe, fut publié le 27 juin par Boniface au cours d'un consistoire public.

Dans le Jubilé de 1300, l'esprit élevé de Boniface pouvait bien reconnaître une compensation et une consolation aux humiliations précédentes. Cette célébration unique, l'apogée de la splendeur temporelle de la papauté (Zaccaria, De anno Jubilæi, Rome, 1775), fut formellement inaugurée par le pape lors de la fête des Saints Pierre et Paul, le 29 juin. Giovanni Villani, un témoin oculaire, rapporte dans sa chronique florentine que près de 200 000 pèlerins se trouvaient constamment dans la ville, près du Tibre. Il fut nécessaire de pratiquer une ouverture dans le mur de la Cité Léonine, près du Tibre, pour que la multitude puisse jouir d'une plus grande liberté de mouvement. Il y avait des pèlerins de tous les pays d'Europe et même de la lointaine Asie. Chose assez inquiétante cependant, si on fait exception du fils aîné du Roi de Naples, aucun roi ni prince d'Europe ne vint présenter ses respects au Vicaire du Christ. On dit que la seconde couronne de la tiare papale, qui symbolise le pouvoir temporel, date du règne de Boniface, et elle pourrait avoir été ajoutée en cette occasion.

Pendant ce temps, Philippe poursuivait impitoyablement son oppression fiscale de l'Eglise, et abusait plus que jamais du droit dit régalien ou privilège royal de percevoir les revenus d'un diocèse durant sa vacance. Depuis le milieu de 1297, les Colonna en exil avaient trouvé refuge et compréhension à la cour de Philppe, où ils se répandaient en propos calomnieux sur Boniface, et intriguaient pour obtenir un concile général visant à le déposer. L'absolutisme royal était maintenant encouragé par les suggestions d'une domination universelle de la chrétienté sous l'hégémonie de la France. Le nouvel Etat était supposé assurer la sécurité de la Terre Sainte, mais mieux encore, une paix universelle. Les deux empires, byzantin et germanique, devraient lui être incorporés, et la papauté ne serait plus qu'un partriarcat purement spirituel, dont les temporalités seraient administrées par le roi de France, qui paierait au pape un salaire annuel en rapport avec sa charge. Tel était le nouveau byzantinisme promu par un plan de reconquête de la Terre Sainte (De recuperatione terræ sanctæ, in Bongars, Gesta Dei per Francos, II, 316-61, ed. Langlois, Paris, 1891), et bien qu'il ne fût qu'un travail privé de Pierre Dubois, fonctionnaire de Philippe, il reflétait probablement quelque plan fantastique imaginé par le roi (Finke, Zur Charakteristik, 217-18).

Dans la première moitié de 1301, Boniface commissionna Bernard de Saisset, évêque de Pamiers (Languedoc), comme légat auprès de Philippe. Il devait protester contre la constante oppression du clergé, et demander au roi d'affecter consciencieusement à la croisade les dîmes ecclésiastiques collectées par les envoyés pontificaux. Pour diverses raisons, de Saisser ne fut pas un envoyé bien accueilli (Langlois, Hist. de France, ed. Lavisse, III, 2, 143). A son retour à Pamiers, il fut accusé de tenir des discours séditieux et d'inciter à l'insurrection; il fut alors conduit à Paris (12 juillet 1301), puis de là à Senlis, où il fut déclaré coupable au terme d'un procès dirigé par Pierre Flote, et connu des historiens modernes (Von Reumont) comme « un modèle d'injustice et de violence ». De Saisset clama en vain son innocence et réfuta la compétence de la cour civile, il fut confié temporairement aux soins de l'évêque de Narbonne, tandis que Pierre Flote et Guillaume de Nogaret se rendirent à Rome pour obtenir du pape la dégradation de son légat et son abandon à l'autorité séculière. Boniface agit avec détermination. Il exigea du roi la libération immédiate de Saisset et écrivit à l'archevêque de Narbonne de relâcher immédiatement son prisonnier. Par la bulle Salvator Mundi, il retira les indulgences par lesquelles le roi de France collectait les revenus canoniques de l'Eglise pour la défense du royaume, il remit en vigueur Clericis Laicos et, dans la célèbre bulle Ausculta Fili (« Ecoute, mon fils ») du 5 décembre 1301, il s'élevait comme le porte-parole de la papauté médiévale, et comme l'authentique successeur des Grégoire et des Innocent. Dans cette bulle, il enjoint au roi d'écouter le vicaire du Christ, qui se tient au-dessus des rois et des royaumes (cf. Jer., i, 10). Il est le gardien des clés, le juge des vivants et des morts, et il est assis sur le trône de justice, avec le pouvoir d'extirper toute iniquité. Il est la tête de l'Eglise, qui est une et sans tache, et non un monstre à plusieurs têtes, et il est investi de l'autorité divine pour arracher et jeter, pour construire et planter. Que le roi ne s'imagine pas qu'il n'a pas de supérieur, qu'il n'est pas sujet de la plus haute autorité de l'Eglise. Le pape est soucieux du bien-être de tous les royaumes et de leurs princes, mais particulièrement de la maison de France. Il continue alors en relevant ses nombreux griefs contre le roi, le détournement des biens ecclésiastiques à des fins séculières, la procédure despotique visant à traduire des ecclésiastiques devant une cour civile, l'entrave à l'autorité épiscopale, l'irrespect des provisions et bénéfices de la papauté et l'oppression du clergé. Il ne sera désormais plus responsable de la protection de l'âme du roi, mais il a décidé, après avoir consulté ses cardinaux, de convoquer à Rome pour le 4 novembre 1302 les évêques et les docteurs en théologie de France, les abbés principaux, etc... pour « prendre les mesures convenables pour corriger les abus, et pour l'amendement du roi et de son royaume ». Il invite le roi à se présenter personnellement ou à envoyer des réprésentants, le met en garde contre ses mauvais conseillers, et lui rappelle enfin avec éloquence sa négligence royale envers la croisade. Un lecteur impartial, dit Von Reumont, verra que le document n'est qu'une répétition des remontrances précédentes et qu'il résume l'enseignement des théologiens médiévaux les plus estimés sur la nature et les prérogatives de l'autorité pontificale. Il fut présenté au roi le 10 février 1302 par Jacques de Normans, Archidiacre de Narbonne. Le comte d'Artois le déchira des mains de l'archidiacre et le jeta au feu; une autre copie, destinée au clergé de France, fut supprimée (Hefele, 2d ed., VI, 329). A la place d' Ausculta Fili, circula aussitôt une fausse bulle Deum time (Crains Dieu), composée très probalement par Pierre Flote, et tout aussi probablement approuvée par le roi. Ses cinq ou six lignes hautaines furent réellement extraites pour inclure la phrase fatale, Scire te volumnus quod in spiritualibus et temporalibus nobis subes ( Nous souhaitons que tu saches que tu es notre sujet aussi bien en matière spirituelle qu'en matière temporelle). Il fut aussi ajouté (chose odieuse pour un petit-fils de Saint Louis) que quiconque niait cela était hérétique.

C'est en vain que le pape et les cardinaux protestèrent contre la falsification, en vain que le pape expliqua, un peu plus tard, que la sujétion mentionnée dans la bulle était seulement ratione peccati c'est à dire que la moralité de tout acte royal, privé ou public, relevait de la prérogative papale. Le ton général d' Ausculta Fili, ses admonestations personnelles couchées dans un sévère langage scriptural, sa proposition d'assurer depuis Rome une bonne et prospère administration du Royaume de France, n'étaient pas faits pour calmer les esprits d'hommes français déjà agités par les événements des années précédentes. Il est aussi improbable que Boniface fût personnellement très populaire parmi le clergé séculier français, dont il avait rejeté de manière sarcastique la pétition de 1290 contre les empiètements des ordres réguliers alors qu'il était légat à Paris (Finke in Römische Quartalschrift, 1895, IX, 171; Journal des Savants, 1895, 240). Le souci national d'indépendance et de l'honneur du roi français fut encore augmenté par une fausse réponse du roi à Boniface, connue sous le nom de Sciat maxima tua fatuitas. Cela commence ainsi:« Philippe, roi des Francs par la grâce de Dieu, à Boniface qui agit en suprême pontife. Que ta très grande fatuité sache qu'en matière temporelle, nous ne sommes le sujet de personne... » Un tel document, quoiqu'il ne fût probablement jamais officiellement présenté à Rome (Hefele), y fit sans doute son chemin. Après avoir interdit au clergé français de se rendre à Rome ou d'y envoyer le moindre argent, et installé une garde sur toutes les routes, ports et chemins menant en Italie, Philippe devança le concile de novembre voulu par le pape par une assemblée nationale à Paris, le 10 avril 1301, dans la cathédrale Notre-Dame. La fausse bulle fut lue devant les représentants des trois ordres; le pape fut violemment accusé par Pierre Flote de chercher à exercer la souveraineté temporelle sur la France; le roi supplia l'assemblée, en tant qu'ami et en tant que souverain, de l'aider de ses conseils. Les nobles et les bourgeois offrirent de verser leur sang pour le roi; ler clergé, confus et hésitant, chercha à temporiser, mais céda finalement jusqu'au point d'écrire au pape dans le sens du roi. Le Tiers-Etat adressa aux cardinaux un manifeste de protestation, dans lequel il déniait à Boniface le titre de pape, rappelait les services rendus par la France à l'Eglise Romaine, et reprenait les griefs habituels du roi, et avant tout la convocation à Rome des principaux ecclésiastiques de la nation. La lettre des évêques fut envoyée à Boniface en le suppliant de maintenir la concorde en retirant l'appel au concile; elle suggérait la prudence et la modération, puisque la laïcité était préparée à défier toutes les censures papales. Dans leur réponse au Tiers-Etat, les cardinaux affirment leur parfaite harmonie avec le pape, dénoncent les faux documents suscités, et maintiennent que le pape n'a jamais prétendu au droit de souveraineté temporelle sur la France.

Dans sa réponse, Boniface tançait les évêques pour leur couardise, leur respect humain et leur égoïsme; en même temps, il fait usage, selon son habitude, de bien des expressions offensantes pour la fierté des ecclésiastiques français et se répand en sarcasmes sur la personne du puissant Pierre Flote (Hefele). Finalement, à l'issue d'un consistoire public tenu an août 1302, auquel assistèrent les envoyés du roi, le Cardinal-Evêque de Porto nia formellement que le pape ait jamais prétendu à la souveraineté temporelle sur la France et affirma que la bulle authentique (Ausculta Fili) avait été bien pesée et qu'elle était un acte d'amour, malgré la sévérité paternelle de certaines expressions. Il affirma que le roi n'était pas plus libre que tout autre chrétien au regard de la suprême juridiction ecclésiastique pontificale, et réaffirma l'unité de l'autorité ecclésiastique. Le Siège Apostolique, dit-il, n'était pas un territoire étranger, et ses envoyés ne pouvaient être considérés comme étrangers. Pour le reste, le pape avait pleine autorité en matière temporelle ratione peccati, c'est à dire pour autant que la moralité des actes humains était en jeu. Il poursuivit, toutefois, en disant qu'en termes de juridiction temporelle il convient de distinguer le droit (de jure) de son usage et de son exécution (usus et executio). Le premier appartenait au pape comme vicaire du Christ et de Pierre, nier cela c'était nier un article de foi, à savoir que le Christ juge les vivants et les morts. Cette affirmation, dit Hefele (2d ed., VI, 346), « doit être apparue aux Français comme tout à fait destructive de la limitation ratione peccati alléguée auparavant . Grégoire IX avait maintenu (1232,1236) dans son conflit avec les Grecs et avec Frédéric II, que Constantin le Grand avait donné aux papes le pouvoir temporel, et que les empereurs et les rois n'étaient que ses auxiliaires, destinés à employer le glaive matériel sous sa direction » (Conciliengesch., 2d ed., V, 102, 1044). « Cette théorie, toutefois, n'avait jamais encore été officiellement avancée auprès des rois de France, et se trouvait tout au plus susceptible de susciter l'opposition dans cette nation, puisque c'était maintenant non une question de théorie, mais une situation pratique, à savoir l'inculpation du gouvernement de Philippe et la menace de sa déposition. » Il se réfère à la conclusion du discours que Boniface ajouta que à celui du cardinal-évêque de Porto, rappelant que ses prédécesseurs avaient déposé trois rois de France et, quoiqu'indigne de ces papes, il n'hésiterait pas, même d'un cœur lourd, à déposer le Roi Philippe, sicut unum garcionem (comme un serviteur) ; il pense qu'il n'est pas impossible (Hergenröther, Kirche und Staat, 229; Hefele, IV, 344) que cette conclusion acerbe du discours de Boniface soit une des nombreuses falsifications de Pierre Flote et Nogaret. Dans la première moitié de son discours, le pape insiste sur le grand développement de la France sous la protection papale, les honteuses falsifications de Pierre Flote, la nature exclusivement ecclésiastique de l'octroi (collatio) des bénéfices, et la préférence papale pour les docteurs en théologie contre le népotisme laïc en matière de bénéfices. Il s'emporte contre l'affirmation qu'il aurait réclamé la France comme fief pontifical. « Nous sommes docteur des deux droits (civil et canon) depuis quarante ans, et qui peut croire qu'une pareille folie ait pu entrer dans notre tête ? » Boniface exprima aussi sa bonne volonté en acceptant la médiation du duc de Bourgogne ou du duc de Bretagne, les efforts du premier toutefois ne s'étant pas avérés très fructueux lorsque les cardinaux insistèrent pour obtenir que soient brûlés les faux documents pontificaux et les attaques contre Boniface. Le roi répondit en confisquant les biens des ecclésiastiques qui s'étaient rendus au concile de Rome, qui se réunit le 30 octobre 1302.

Il s'y trouva quatre archevêques, trente-cinq évêques, six abbés et plusieurs docteurs. Ses actes ont disparu, probablement durant le procès contre la mémoire de Boniface (1309-1311). Deux bulles cependant furent publiées à l'issue de ce concile. L'une excommuniait quiconque entravait, emprisonnait ou maltraitait les personnes en voyage pour Rome ou revenant de Rome. L'autre, publiée le 18 novembre 1802, est la célèbre Unam Sanctam, probablement composée par Aegidius Colonna, archevêque de Bourges et membre du concile, et qui empruntait de larges passages à des théologiens aussi fameux que Saint Bernard, Hugo de Saint Victor, Saint Thomas d'Aquin et bien d'autres. Ses principales idées sont les suivantes (Hergenröther-Kirsch, 4th ed., II, 593):

  • 1. Il n'y a q'une véritable Eglise, hors de laquelle il n'est pas de salut; un seul corps du Christ, avec une seule tête et non deux.
  • 2. Cette tête est le Christ et Son représentant, le pape de Rome; quiconque refuse les soins pastoraux de Pierre n'appartient pas au troupeau du Christ.
  • 3. Il y a deux glaives (pouvoirs), le spirituel et le temporel; le premier est porté par l'Eglise, le second pour l'Eglise.; le premier par la main du prêtre, le second par celle du roi, mais sous la direction du prêtre (ad nutum et patientiam sacerdotis).
  • 4. Puisqu'il doit y avoir coordination entre les membres du plus petit au plus grand, il suit que le pouvoir spirituel est au-dessus du pouvoir temporel et a le droit d'instruire (ou établir – instituere) celui-ci sur ses fins dernières et de le juger quand il commet le mal; quiconque résiste au plus haut pouvoir institué par Dieu résiste à Dieu lui-même.
  • 5. Il est nécessaire au salut que tous les hommes soient sujets du pontife romain ("Porro subesse Romano Pontifici omni humanæ creaturæ declaramus, dicimus, definimus et pronunciamus omnino esse de necessitate salutis").

Philippe fit rédiger une réfutation de la bulle par le dominicain Jean Quidort (Joannes Pariensis) dans son Tractatus de potestate regiâ et papali (Goldast, Monarchia, ii, 108 sq.), et le conflit passa aussitôt du domaine des principes à la personne de Boniface. Le roi rejetait maintenant le pape comme médiateur dans ses conflits avec l'Angleterre et les Flandres, et fit une réponse courtoise mais évasive au légat, Jean Lemoine, que le pape envoya en mission de paix en février 1303, mais avec l'exigence, entre autres conditions, de la reconnaissance des droits précités de la papauté. Lemoine fut encore commisionné pour déclarer à Philippe que, à défaut d'une réponse plus satisfaisante sur les douze points de la lettre papale, le pape lancerait contre lui une procédure spiritualiter et temporaliter , c'est à dire que le roi se trouverait excommunié et déposé. Boniface envoya aussi à Lemoine (13 avril 1303) deux brèves, l'une dans laquelle il déclarait le roi déjà excommunié, et l'autre où il ordonnait à tous les prélats français de se rendre à Rome dans les trois mois.

Pendant ce temps, Paris était dans l'agitation des prémices de l'orage désastreux dans lequel le pontificat de Boniface allait s'achever. Philippe conclut la paix avec l'Angletere, temporisa avec les Flamands, et fit des concessions à ses sujets. Boniface, de son côté reconnut, comme il est dit plus haut, l'élection d'Albert d'Autriche, et mit un terme à son conflit désespéré avec le roi aragonais de Sicile. Autrement dit, il semblait politiquement désespéré et ne pouvait plus compter, comme il le dit publiquement, que sur son sens du droit et du devoir. Les événements ultérieurs montrèrent qu'il ne pouvait même pas s'appuyer sur la loyauté dans sa propre maison. Dans une session extraordinaire du Conseil d'Etat de France tenu le 12 mars 1303, Guillaume de Nogaret appelait Philippe à protéger la sainte Eglise contre l'usurpateur et faux pape, Boniface, simonique, voleur et hérétique, soutenant que le roi devrait, de plus, convoquer une assemblée des prélats et des pairs de France, dont les efforts conjugués devraient aboutir à la tenue d'un concile général, devant lequel il apporterait la preuve de ses charges. Cette assemblée fut convoquée le 13 juin, et se réunit au Louvre, à Paris. Le messager papal muni des brèves destinées au légat et mentionnées plus haut fut capturé à Troyes et emprisonné; Lemoine lui-même, après avoir protesté contre une pareille violence, s'enfuit. A cette assemblée, constituée d'amis et de créatures de Philippe, le chevalier Guillaume de Plaisians (du Plessis) soumit une accusation solennelle contre le pape, en vingt-neuf points, offrit de les démontrer un par un, et pria le roi d'obtenir la tenue d'un concile général. Les Colonna fournirent le matériau des ces accusations infâmantes, admises depuis longtemps par les historiens comme calomnieuses (Hefele, Conciliengesch., 2nd ed., VI, 460-63; Giovanni Villani, son contemporain, dit que le Concile de Vienne, en 1312, l'absolut formellement de l'accusation d'hérésie (Cf. Muratori, SS. Rer. Ital., XIV, 454; Raynaldus, ad an. 1312, 15-16). Pratiquement aucun crime possible ne fut oublié – infidélité, hérésie, simonie, immoralité grossière et contre nature, idolâtrie, magie, perte de la Terre Sainte, mort de Célestin V, etc... Le roi affirma que ce n'était que pour satisfaire sa conscience et protéger l'honneur du Saint Siège qu'il coopérait à l'appel au concile, demanda l'aide des prélats, et en appela (contre toute action possible de Boniface) au futur concile, au futur pape, et à tous ceux à qui cet appel pouvait être lancé. Cinq archevêques, vingt-et-un évêques et quelques abbés appuyèrent le roi. Les résolutions de l'assemblée furent lues au peuple, et plusieurs centaines d'adhésions furent obtenues des chapitres, monastères et cités provinciales, principalement par violence et intimidation. L'abbé de Citeaux, Jean de Pontoise, protesta, mais il fut emprisonné. Des lettres royales furent envoyées aux différents princes d'Europe, ainsi qu'aux cardinaux et aux évêques, mettant en avant le nouveau zèle du roi pour le bien de la Sainte Eglise.

Dans un consistoire public tenu à Anagni en août 1303, Boniface se lava par un serment solennel des charges portées contre lui à Paris et procéda aussitôt à la protection de l'autorité apostolique. Des citations devant le Saint Siège furent déclarées valides par le simple fait d'être apposées sur les murs des églises du siège de la curie romaine, et il excommuniait tous ceux qui entraveraient lesdites citations. Il suspendit l'archevêque Gérard de Nicosie (Chypre), premier signataire des résolutions schismatiques. Tardant à faire justice au pape, l'université de Paris perdit le droit de conférer des diplômes de théologie et de droit canon et civil. Il suspendit temporairement pour la France le droit d'élection des corps ecclésiastiques, réserva pour le Saint Siège tous les bénéfices vacants, déclara comme blasphèmes les charges calomnieuses de Plaisians, disant Qui a jamais entendu dire que nous soyons un hérétique? (Raynaldus, ad an. 1311, 40), et dénonça tout appel à un concile général qui serait convoqué par toute autre personne que lui-même, le pape légitime. Il déclara qu'à moins que le roi ne se repente, il lui infligerait les punitions les plus sévères de l'Eglise. La bulle Super Petri Solio fut prête pour la publication le 8 septembre. Elle contenait, dans la forme traditionnelle, l'excommunication solennelle et la libération de ses sujets de leurs serments de fidélité. Philippe, toutefois, et ses conseillers, avaient pris des mesures pour empêcher que ce pas ne soit franchi, ou plutôt pour empêcher qu'il n'advînt à un moment décisif. Ils avaient envisagé de longue date de se saisir de la personne de Boniface pour le forcer à abdiquer ou, au cas où il refuserait, de le traîner devant un concile général qui aurait lieu en France pour qu'il y soit condamné et déposé. Depuis avril, Nogaret et Sciarra Colonna s'étaient employés, en Toscane, à la formation d'une bande de mercenaires aux frais de Philippe, forte de 2000 hommes, fantassins ou cavaliers. Très tôt, le matin du 7 septembre, la bande apparut subitement devant Anagni, sous les lis de France, aux cris de « Longue vie au roi de France et à Colonna! ». Des complices installés dans la ville les accueillirent, et ils attaquèrent aussitôt les palais du pape et de son neveu. Les citoyens ingrats fraternisèrent avec les assiégeants du pape, qui obtint pendant ce temps une trève jusqu'à trois heures de l'après-midi, après laquelle il rejeta les conditions de Sciarra, à savoir la réhabilitation des Colonna, l'abdication et la reddition à Sciarra de la personne du pape. Vers six heures, toutefois, une forteresse papale fut envahie par la cathédrale mitoyenne. Les soldats, Sciarra à leur tête, sabre à la main (car il avait juré de pourfendre Boniface) , remplirent aussitôt la salle où le pape les atendait avec cinq de ses cardinaux, parmi lesquels son neveu bien-aimé, Francesco, et qui tous s'enfuirent bien vite; seul un Espagnol, le cardinal de Sainte Sabine, resta à ses côtés jusqu'à la fin.

Pendant ce temps, le palais pontifical fut totalement dévasté; même les archives furent détruites. Dino Compagni, le chroniqueur florentin, rapporte que quand Boniface comprit que toute résistance était devenue inutile, il s'exclama: « Puisque je suis trahi comme le Sauveur et que ma fin est proche, au moins je mourrai comme un pape ». Là-dessus, il monta sur son trône, vêtu des ornements pontificaux, la tiare sur la tête, les clés dans une main, une croix dans l'autre, tenue contre sa potrine. Ainsi il fit face aux soldats excités. On dit que Nogaret empêcha Sciarra Colonna de tuer le pape. Nogaret lui-même fit connaître à Boniface les résolutions de Paris et le menaça de l'emmener enchaîné jusqu'à Lyon, où il serait déposé. Boniface le regarda avec dédain, certains disent qu'il ne répondit rien d'autres qu'il répliqua: « Voici ma tête, voici mon cou; je supporterai patiemment que moi, un pontife catholique et loyal vicaire du Christ, je sois condamné et déposé par les Paterini [hérétiques, en référence aux parents du toulousain Nogaret]; je désire mourir pour la foi du Christ et de son Eglise.» Von Reumont affirme qu'il n'y a pas de preuve de mauvais traitement que Sciarra ou Nogaret eussent infligé au pape. Dante (le Purgatoire, XX,86) accorde plus de crédit à la violence morale, bien que ses mots puissent se prêter facilement à la notion de douleur physique. « Je vois la fleur-de-lis entrer dans Anagni, et le Christ fait captif en son propre vicaire; Je le vois humilié encore une fois; je vois renouvelés le vinaigre et la bile, et entre des larrons vivants je le vois pourfendu ». Boniface fut retenu trois jours prisonnier dans son palais dévasté. Nul ne se soucia de lui apporter à boire ou à manger, tandis que les bandits se querellaient à son sujet, comme ils l'auraient fait d'un butin. Au petit matin du 9 septembre, les bourgeois d'Anagni avaient changé d'avis, lassés peut-être de la présence des soldats, et honteux à l'idée que le pape, citoyen de leur ville, puisse périr entre ses murs des mains des Français qu'ils haïssaient. Ils chassèrent Nogaret et sa bande, et confièrent Boniface aux soins des deux cardinaux Orsini, qui étaient arrivés de Rome avec quatre cents cavaliers; il rentra à Rome avec eux. Avant de quitter Anagni, il pardonna à plusieurs des bandits capturés par les citoyens, sauf aux pillards des biens de l'Eglise, à moins qu'ils ne les rendissent dans les trois jours. Il arriva à Rome le 13 septembre, mais ce ne fut que pour tomber sous la surveillance étroite des Orsini. Nul ne s'étonnera d'apprendre que son esprit audacieux s'évanouissait maintenant sous le poids du chagrin et de la mélancolie. Il mourut d'une violente fièvre le 11 octobre, en pleine possession de ses sens et en présence de huit cardinaux et des principaux dignitaires de la maison papale, après avoir reçu les sacrements et fait sa profession de foi. Sa vie semblait destinée à s'achever sombrement, car, en raison d'un orage d'une violence inhabituelle, il fut enterré, dit un ancien chroniqueur, avec moins de décence qu'il n'était devenu pape. Son corps repose dans la crypte de Saint-Pierre, dans un grand sarcophage de marbre, sur lequel figure cette inscription laconique: «BONIFACIUS PAPA VIII». Quand sa tombe fut ouverte (le 9 octobre 1605), le corps fut retrouvé parfaitement intact, particulièrement ses belles mains, ce qui anéantissait ainsi une autre calomnie, disant qu'il était mort en délirant, rongeant ses mains, frappant sa tête contre les murs et tout à l'avenant. (Wiseman).

Boniface fut un patron des beaux-arts comme Rome n'en avait encore jamais connu avant lui, bien que, comme nous le fit remarquer Guiraud, il n'est pas toujours facile de distinguer ce qu'on lui doit de ce qui revient à son neveu, le cardinal Stefaneschi, grand amateur d'art. Les historiens modernes de l'art de la Renaissance (Muentz, Guiraud), font remonter ses prémisses au temps de Boniface. L'accusation d'idolâtrie des Colonna vient des statues de marbre que les villes reconnaissantes, comme Anagni et Pérouse, lui élevèrent sur des lieux publics, « où il y eut autrefois des idoles », dit un libelle contemporain anti-bonifacien. (Guiraud, 4). La statue d'Anagni se trouve encore dans la cathédrale de cette ville, qu'il restaura. Il restaura aussi et fortifia le palais Gaetani à Anagni et améliora de la même façon plusieurs autres villes des environs. A Rome, le palais du Sénateur fut agrandi, le Château Saint-Ange fut fortifié, et l'Eglise Saint-Laurent-à-Panisperna fut reconstruite. Il encouragea les travaux de la cathédrale de Pérouse, tandis que ce joyau de l'ornementation gothique qu'est la cathédrale d'Orvieto (1290-1309) fut largement finie durant son pontificat. Pour le grand jubiilé de 1300, il fit restaurer et décorer les églises de Rome, notamment Saint-Jean-du-Latran, Saint-Pierre et Sainte-Marie-Majeure. Il appela à Rome Giotto et l'y occupa constamment. On trouve encore un portrait de Boniface par Giotto à Saint-Jean-du-Latran; à notre propre époque, M.Müntz a restauré le concept original, et l'on y voit le noble balcon de Cassetta d'où, durant le Jubilé, le pontife avait coutume d'adresser à la foule la bénédiction du vicaire du Christ. Au temps de Boniface, les Cosimati poursuivirent et améliorèrent leur travail et, sous l'influence de Giotto, s'élevèrent, comme Cavallini, aux plus hauts concepts artistiques. Les délicats miniaturistes français furent bientôt égalés par les scribes du Vatican; deux glorieux missels d'Oderisio da Gubbio, « l'honneur d'Agubbio », peuvent encore être admirés au Vatican, où vécut et travailla son disciple, lui aussi immortalisé par Dante (Purg., XI, 79), qui parle des « riantes feuilles touchées par le pinceau de Franco de Bologne ». Finalement, la sculpture fut honorée par Boniface en la personne d'Arnolfo di Cambio, qui lui construisit la « Chapelle de la Crèche » dans Sainte-Marie-Majeure, et exécuta le sarcophage dans lequel il fut enterré. Boniface fut aussi un ami des sciences. Il fonda, le 6 juin 1303, l'université de Rome, connue sous le nom de Sapienza, et, la même année, l'université de Fermo. Enfin, c'est Boniface qui fonda la nouvelle bibliothèque du Vatican, dont les trésors avaient été éparpillés, avec les archives papales, en 1227, quand les Frangipani de Rome passèrent du côté de Frédéric II et emportèrent avec eux les turris chartularia c'est à dire l'ancien dépôt des documents du Saint-Siège. Les trente-trois manuscrits grecs de la bibliothèque du Vatican référencés en 1311 sont déclarés par Fr. Ehrle comme les plus anciens connus, et de loin la plus importante collection d'ouvrages grecs en Occident. Boniface honora avec une solennité croissante (1298) les fêtes des quatre évangélistes, des douze apôtres et de quatre docteurs de l'Eglise (Ambroise, Augustin, Jérôme et Grégoire le Grand, egregios ipsius doctores Ecclesiæ) en les élevant au rang de « doubles-fêtes ». Il fut l'un des plus éminents canonistes de son temps, et en tant que pape, il enrichit la législation ecclésiastique par la promulgation (Sacrosanctæ, 1298) d'un grand nombre de ses propres constitutions et de celles de ses prédécesseurs, depuis 1234, quand Grégoire IX promulga ses cinq livres de décrétales. En référence à cela, la collection de Boniface fut intitulée Liber Sextus, c'est à dire sixième livre de publications pontificales (Laurin, Introd. in Corp. Juris can., Freiburg, 1889), car construit sur le même modèle. Peu de papes ont suscité des appréciations aussi diverses et contradictoires. Les historiens protestants, généralement, et même des écrvains catholiques modernes, écrivit le cardinal Wiseman en 1844, le classent parmi les mauvais papes, comme ambitieux, hautain, implacable, également décevant et tricheur, et font de tout son pontificat un record de malfaisance. Pour dissiper cette vue grossière et même calomnieuse, il est bon de distinguer ses interventions et exploits comme pape, de son caractère personnel qui, même de son vivant, semblait antipathique à beaucoup de gens. L'examen minutieux des sources de ses discours publics les plus célèbres a montré qu'ils se constituent en grande partie d'une mosaïque des enseignements de théologiens antérieurs, ou de renforcements solennels des canons de l'Eglise et des bulles bien connues de ses prédécesseurs. Ses buts principaux, la paix en Europe et la reconquête de la Terre Sainte, furent ceux de tous les papes précédents. Il ne fit rien de plus que son devoir en défendant l'unité de l'Eglise et la suprématie de l'autorité ecclésiastique quand elle fut menacée par Philippe le Bel. Ses affaires politico-ecclésiastiques avec les princes d'Europe seront évidemment blâmées par les Erastiens et par ceux qui ignorent, d'un côté, la rapacité d'un Edouard et la roublardise vindicative et l'égoïsme obtus d'un Philippe et de l'autre, l'office paternel suprême du pape médiéval et la tête respectée d'une puissante famille de peuples, dont les institutions civiles fusionnaient lentement parmi la décadence du féodalisme et de l'ancienne barbarie (Gosselin, Von Reumont) et qui étaient conscients que dans le passé ils durent à la seule Eglise (c'est à dire au pape) une justice sûre et prompte, des cours et des procédures équitables, et le contrepoids à l'absolutisme féodal justifié mieux que par aucun service public. « La vision la plus haute, la plus vraie du caractère et de la conduite des papes à souvent été ignorée » , dit le cardinal Wiseman (op.cit) « L'instinct divinatoire qui les animait, la destinée immortelle qui leur était allouée, la cause céleste qui leur était confiée, l'aide surhumaine qui leur donnait leur force ne sauraient être appréciés que par un esprit catholique, et sont trop généralement exclus par les historiens protestants, ou sont transformés en capacités humaines analogues, en politiques, en énergies ou en vertus. » Il poursuit en disant que, après examen de plusieurs affirmations populaires au sujet de la conduite morale et ecclésiastiques de Boniface, ce pape lui apparut sous un nouveau jour, comme un pontife qui commença son règne sous les plus glorieuses promesses et qui l'acheva au milieu de tristes épreuves; qui consacra, à travers tout ce règne, les énergies d'un grand esprit imprégné d'une profonde culture et mûri par la longue expérience des affaires ecclésiastiques, jusqu'au paroxysme d'une fin vraiment noble; et qui, à travers sa carrière, manifesta de nombreuses et grandes vertus, et pourrait plaider en expiation de ses fautes l'état convulsif des affaires publiques, la rudesse de son époque, et le caractère violent et impie de beaucoup parmi ceux avec qui il avait à traiter. Ces circonstances, agissant sur un esprit naturellement droit et inflexible, le conduisirent à une sévérité dans ses manières comme dans sa conduite qui, vues à travers les sentiments modernes, peuvent paraître extrêmes, et presque injustifiables. Mais après avoir exploré les pages de ses historiens les plus hostiles, nous sommes satisfaits de conclure que c'est le seul point sur lequel une charge plausible peut être retenue contre lui.

La mémoire de Boniface, assez curieusement, a souffert le plus de la part de deux grands poètes, porte-parole d'un impossible catholicisme ultra-spirituel, Fra Jacopone da Todi et Dante. Le premier fut « le sublime fou » de l'amour spirituel, auteur du « Stabat Mater » et maître de chant des Spirituels ou extrémistes Franciscains, mis en prison par Boniface, que pour cette raison il ridiculisa par une satire dans la langue et la musique populaires de la péninsule. Le dernier, comme Gibelin, c'est à dire un opposant politique au pape guelfe à qui, de plus, il attribuait toute sa propre infortune , et que pour cette raison il mit au pilori devant la barre de sa propre justice, mais dans les lignes frémissantes d'une invective immortelle dont la malicieuse beauté troublera toujours le jugement du lecteur. Les historiens catholiques comme Hergenröther-Kirsch (4th ed., II, 597-98) louent la droiture des motivations du pape et ce courage de ses convictions qui, presque à la veille de sa mort, lui faisaient compter comme brins de paille tous les puissants de la terre, pour autant qu'il avait avec lui la justice et la vérité. (op. cit., II, 597, note 4). Ils admettent toutefois la violence explosive et la phraséologie blessante de certaines de ses publications, et l'imprudence, à l'occasion, de ses mesures politiques; il marcha dans les traces de ses prédécesseurs immédiats, mais les nouveaux ennemis étaient bien plus féroces et méthodiques que les défunts Hohenstaufen, et plus prompts à utiliser et pervertir l'opinion publique de nations jeunes et fières. Un de ses contemporains et témoin oculaire, Giovanni Villani, a laissé dans sa chronique florentine (Muratori, XIII, 348 sqq.) un portrait de Boniface que le judicieux Von Reumont semble considérer comme tout a fait fiable. Selon ce portrait, Boniface, le plus fin canoniste de son temps, fut un homme généreux et au grand coeur et aimant la magnificence, mais aussi arrogant, fier et rude dans ses manières, plus craint qu'aimé, trop occupé des affaires du monde pour la hauteur de sa charge, et aimant trop l'argent, aussi bien pour l'Eglise que pour sa famille. Son népotisme était déclaré. Il fonda la maison romaine des Gaetani, et dans sa démarche d'élévation de sa propre famille, il s'attira la haine des Colonna et de leur puissant clan. Gröne, un historien catholique allemand des papes, dit de Boniface (II,164), que, tandis que ses interventions publiques égalèrent en importance celles de Grégoire VII et d'Innocent III, ces derniers étaient toujours plus prompts à agir, Boniface à discourir; Ils s'en remettaient à la force divine de leur charge, Boniface à l'intelligence des déductions canoniques. Pour le procès de sa mémoire, voir Clément V.


Documents originaux – L'histoire de Boniface la meilleure est celle de Digard, Faucon et Thomas, Les registres de Boniface VIII (Paris, 1884, sqq.); DU PUY (Gallican), Hist. du différend du pape Boniface VIII. avec Philippe le Bel (Paris, 1655), avec une sélection partielle de documents valables, mais mal édité ; BAILLET (Janséniste violent), Hist. des désmelez du pape Boniface VIII. avec Philippe le Bel (Paris, 1718). Du côté romain, voir: VIGOR, Historia eorum qua acta sunt inter Philippe, Pulcher, et Bonif. VIII. (Rome, 1639); RUBEUS, Boniface VIII et Familia Caietanorum (Rome, 1651). La jeunesse et le couronnement du pape sont racontés (en vers) par le CARDINAL STEPANESCHI (STEPHANESIUS) in Acta SS. (May, IV, 471). RAYNAULDUS, Ann. Eccl. (1294-1303), où beaucoup de documents importants sont donnés in extenso. Chroniqueurs contemporains —VILLANI, Hist. Fiorentine, in Muratori SS. Rer. Ital., XIII, 348; DINO COMPAGNI, Chronica, ed. DE LONGO (Florence, 1879-87); Les chroniqueurs italiens cités dans HERGENRÖTHER-KIRSCH (4th ed.) sont dans MURATORI, Scriptores. Pour l'élection de Boniface, voir HEFELE, Conciliengesch.; SOUCHON, Die Papstwahlen von Bonifaz VIII. bei Urban VI., etc. (Brunswick, 1888); FINKE, Aus den Tagen etc., 44- 76; DENIFLE, Das Denkschrift der Colonna gegen Bonifaz VIII., u. der Kardinäle gegen die Colonna, in Archiv für Litt. u. Kircheng. des M. A. (1892), V, 493. Pour l'incident d'Anagni, voir : KERVYN DE LETTENHOVE, in Rev. der quest. hist. (1872), XI, 411; DIGARD, ibid. (1888), XXIII, 557

Biographie catholique – Outre les historiens généralistes, FLEURY (Gallican), ROSENBACHER, CHRISTOPHER, cf CHANTREL, Boniface VIII (Paris, 1862), et l'excellent travail de TOSTI, Storia de Bonifazio VIII e de’ suoi tempi (Mont Cassin, 1846). Les contributions critiques modernes les plus importantes sont celles de FINKE, op. cit. (Munich, 1902), résultat des dernières découvertes d'archives médiévales, en particulier à Barcelone, parmi les archives du règne de Jacques II, roi d'Aragon et contemporain de Boniface (rapports des agents royaux à Rome , etc.). Cf. Anal. Bolland. (1904), XXIII, 339; Rev. des quest. hist. (1903), XXVI, 122; Lit. Rundschau (1902), XXVIII, 315; et Canoniste Contemporain (1903), XXVI, 122. voir aussi FINKE, Bonifaz VIII., in Hochland (1904), I; IDEM, Zur Charakteristik Philipps des Schönen in Mittheil. des Inst. f. æst. Geschichtsforschung (1905), XXIV, 201-14. Une excellente apologie est celle de (CARDINAL) WISEMAN, Pope Boniface VIII, in Dublin Review (1844), rééditée dans Historical Essays; HEMMER, in Dict. de théol cath., II, i, 982-1003 (bonne bibliographie); et la sérieuse étude de HEFELE, op. cit. (2nd ed., Fribourg, 1890), VI, 281 passim; JUNGMANN, Diss. selectæ in hist. eccl. (Ratisbonne, 1886), VI. L'ouvrage (non-Catholique) de DRUMANN, Geschichte Bonifaz VIII. (Königsberg, 1852), est érudit mais partisan.

Situation politique et attitude des papes médiévaux — Voir le solide travail de GOSSELIN, Le pouvoir des papes au Moyen-Age, tr. KELLY (Londres, 1883); le travail érudit de HERGENRÖTHER, Kath. Kirche und christ. Staat (Fribourg, 1873); trad. Londres, 1876); BAUDRILLARD, Des idées qu'on se faisait au XIVe siècle sur le droit d'interven. du Souv. Pont. dans les affaires polit., in Revue d'hist. et de litt. relig. (Paris, 1898); PLANCK, Hist. de la const. de la soc. eccl. chrét. (1809), V, 12-154 (favourable).

Les plus notables des écrivains français modernes favorables à Philippe sont : LECLERCQ et RENAN, in Hist. Litt. de la France au XIVe siècle (Paris, 1865); [cf RENAN, Etudes sur la polit. relig. du règne de Philippe le Bel (Paris, 1889)]; et LANGLOIS, Hist. de France, ed. LAVISSE (Paris, 1901), III, II, 127-73; cf. l'étude équitable de BOUTARIC, La France sous Philippe le Bel (Paris, 1861); ainsi que VON REUMONT, Gesch. der Stadt Rom (Berlin, 1867), II, i, 614-71; GREGOROVIUS (non-Catholique), Gesch. d. Stadt Rom (3e éd., Stuttgart, 1878), V, 501, tr. par Hamilton; HÖFLER, Rückblick auf Papst Bonifaz VIII., in Abhandl. d. bayrisch. Akad. d. Wiss. hist. Kl. (Munich, 1843), III, iii, 32 sqq.; ROCQUAIN,La Cour de Rome et l'esprit de réforme avant Luther (Paris, 1895), II, 258-512; LAURENT, L'Eglise et l'Etat, Moyen-âge et Réforme (Paris, 1866), violent et injuste.

Littérature. Pamphlétaire — pour les deux côtés, voir SCHOLZ, Die Publizistik zur Zeit Ph. des Schönen und Bonif. VIII. (Stuttgart, 1903); également SCADUTO, Stato e Chiesa negli scriti politici, 1122-1347 (Florence, 1847); et RIEZLER, Die literarischen Widersacher der Päpste zur Zeit Ludwigs des Bayern (Munich, 1874). D'importantes monographies concernant les chiffres-clés du conflit ont été publiées par HOLTZMANN, Wilhelm von Nogaret (Fribourg, 1898); et HUYSKINS, Kardinal Napoleon Orsini, ein Lebensbild, etc. (Marburg, 1902). Parmi les plus récentes études basées sur les recherches décrites ci-dessus, cf. Dr. Finke : SCHOLZ, Zur Beurteilung Bonifaz VIII. und seines sittlich-religiosen Charakters, in Hist. Vierteljahrschrift (1906), IX, 470-506; WENCK, War Bonifaz VIII. ein Ketzer? in Hist. Zeitschrift (1905), 1-66 (soutenant qie Boniface fut un Averroiste), et la bonne réfutation de HOLTZMANN, Papst Bonifaz VIII., ein Ketzer? in Mittheil. d. Inst. f. æst. Gesch. (1905), 488-98; cf. la réponse de WENCK, ibid. (1906), 185-95.

La Bulle Unum Sanctam: BERCHTOLD, Die Bulle Unam Sanctam, etc., und ihre wahre Bedeutung für Kirche und Staat (1887); cf. GRAVERT in Hist. Jahrbuch (1887). MUMET, in Rev. des quest. hist. (Juillet 1887), abandonna sa thèse (et celle de DANBERGER'S) que cette bulle fût une contrefaçon (ibid., 1879), 91-130. Sur le sens exact du très discuté instituere (instruire ou établir?) in Unam Sanctam, voir FUNK, Kirchengesch. Abhandlungen (Paderborn, 1897), I, 483- 89.

Pour les services rendus par Boniface aux sciences et aux beaux-arts, voir EHRLE, Zur Gesch. des Schatzes, der Bibl. und des Archivs der Päpste in 14. Jahrh., in Archiv für Litt. u. Kircheng. des M. A. (1885), I, i, 228; IDEM, Hist. Biblioth. Avenionen. (Rome, —); MOLINIER, Inventaire du trésor du Saint-Siège sous Boniface VIII., in Bibl. de l'Ecole des Chartes (1882-85); Les travaux de l'historien des arts, MÜNTZ, et GUIRARD, L'Eglise et les Origines de la Renaissancea (Paris, 1904).

THOMAS OESTREICH
Tiré de "Catholic Encyclopedia", copyright © 1913 by the Encyclopedia Press, Inc. Traduction française : Bertrand Blochet, Septembre 2004.