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Biographies des papes - Catholic Encyclopedia 1913

Léon X

(JEAN DE MEDICIS)

Né à Florence le 11 décembre 1475; décédé à Rome le 1er décembre 1521. Il était le second fils de Laurent le Magnifique (1449-1492) et Clarice Orsini, et dès sa prime jeunesse il fut destiné à l'Eglise. Il reçut la tonsure en 1482 et en 1483 fut nommé Abbé à Font-Douce dans le diocèse Français de Saintes et nommé protonotaire Apostolique par Sixte IV. Tous les bénéfices que les Médicis pouvaient obtenir étaient à sa disposition; c'est ainsi qu'il put disposer de la riche Abbaye de Passignano en 1484 et du Mont Cassin en 1486. Sous la pression constante exercée par Laurent et ses envoyés, Innocent VIII, en 1489, dut créer cardinal l'enfant de treize ans, à la condition qu'il devrait se dispenser de l'insigne et du privilège de sa charge pendant trois ans. Durant cette période, son éducation fut complétée par les plus remarquables humanistes et professeurs, Angelo Poliziano, Marsilio Ficino, et Bernardo Dovizi (plus tard Cardinal Bibbiena). De 1489 à 1491, Jean de Médicis étudia la théologie et le droit canon, à Pise, sous Filippo Decio et Bartolomeo Sozzini. Le 9 mars 1492, à Fiesole, il fut investi de l'insigne de cardinal, et le 22 mars entra à Rome. Le jour suivant, le pape le reçut en consistoire selon le cérémonial coutumier. Les Romains trouvèrent le jeune cardinal plus mûr qu'ils ne s'y attendaient étant donné son âge. Son père lui envoya une lettre impressionnante de conseils marquée par le bon sens et la connaissance de la nature humaine et comportant, en outre, une apologie des sentiments élevés et vertueux auxquels revint le vieux Laurent vers la fin de sa vie. Dans sa lettre, il enjoignait à son fils de suivre certaines règles de conduite, et l'admonestait afin d'être honorable, vertueux et exemplaire, d'autant plus que le Collège des Cardinaux était à cette époque déficient dans ces bonnes qualités.

Juste le mois suivant, la mort de Laurent rappela le cardinal à Florence. Il retourna encore à Rome pour l'élection papale, qui résulta, contre son approbation, dans l'élévation de l'indigne Alexandre VI, après quoi Jean demeura à Florence d'Août 1492 jusqu'à l'expulsion des Médicis en 1494, quand il s'enfuit de sa ville natale sous l'habit d'un moine Franciscain. Après plusieurs tentatives infructueuses pour restaurer la suprématie de sa famille, il mena une vie d'amateur d'art de de littérature. Le mécénat, les libéralités et une malheureuse administration financière le réduisirent fréquemment aux expédients les plus désespérés; en réalité, il demeura un mauvais gestionnaire jusqu'à la fin. Mais bien que sa manière de vivre pût sembler très mondaine, il surpassait en dignité, en bienséance et en droiture de conduite la plupart des cardinaux. Vers la fin du pontificat de Jules II (1503-1513), la fortune sourit à nouveau à Jean de Médicis. En Août 1511, le pape tomba gravement malade et le cardinal Médicis aspirait déjà à sa succession. En Octobre 1511, il devint légat pour Bologne et la Romanie, et chérit l'espoir que sa famille pourrait à nouveau gouverner Florence. Les Florentins avaient pris le parti des schismatiques de Pise (Voir Jules II), raison pour laquelle le pape supporta les Médicis. Pourtant le Cardinal subit un autre revers. L'armée, espagnole et papale, avec laquelle il faisait campagne, fut défaite en 1512 à Ravenne par les Français et il fut fait prisonnier. Mais ce fut une victoire à la Pyrrhus, car bientôt les Français perdirent leurs possessions en Italie, et le cardinal, qui avait été emmené en France, parvint à s'échapper. La suprématie des Médicis sur Florence fut rétablie en septembre 1512, et ce changement inattendu dans la fortune de la famille n'était que le prélude à des honneurs plus élevés.

Jules II mourut le 21 février 1513, et le 11 mars, Jean de Médicis, âgé seulement de trente-sept ans, fut élu pape. Lors du premier scrutin, il ne reçut qu'une voix. Ses partisans, les jeunes cardinaux, gardèrent de côté sa candidature jusqu'au moment opportun. L'élection rencontra l'approbation jusqu'en France, bien qu'ici et là une méfiance naturelle s'élevât pour se demander si le jeune pape se révèlerait à la hauteur de sa charge. Dans beaucoup de gouvernements, de grands espoirs étaient mis en lui par des politiciens qui se félicitaient de sa souplesse d'esprit, par des intellectuels et des artistes dont il était déjà le protecteur, et par des théologiens qui attendaient un chef pacifique qui mènerait dans l'Eglise des réformes énergiques; Malheureusement, en fait d'espoirs, il ne réalisa que ceux des artistes, des écrivains et des mondains qui considéraient la cour papale comme un centre d'amusement.

L'apparence personnelle de Léon nous a été conservée par la célèbre peinture de Raphaël à la Galerie Pitti de Florence, qui le représente avec les Cardinaux Médicis et Rossi. Il n'était pas bel homme. Son allure grasse, luisante, effeminée avec de petits yeux domine l'image de ce visage enserré sous son chapeau. Le corps mal proportionné est soutenu par de maigres jambes. Ses gestes étaient mous et, pendant les offices ecclésiastiques, sa corpulence le contraignait à s'essuyer constamment le visage et les mains, au désespoir des assistants. Mais quand il parlait ou riait, la déplaisante impression s'évanouissait. Il avait une voix agréable, savait s'exprimer avec élégance et vivacité, et ses manières étaient simples et grâcieuses. « Sachons apprécier le pontificat, puisque Dieu nous l'a donné », aurait-il dit après son élection. L'ambassaseur de Venise qui rapporta cela de lui n'était pas impartial, et il n'était pas non plus à Rome lors de l'élection, néanmoins cette phrase illustre assez bien la nature épicurienne de ce pape, et le manque de sérieux qui le caractérisait. Il ne prêtait aucune attention aux dangers qui menaçaient la papauté, et se donnait sans compter aux divertissements, qui lui était fournis avec prodigalité. Il était possédé par un insatiable amour du plaisir, ce trait distinctif de sa famille. La musique, le théâtre, l'art et la poésie l'attiraient comme un petit mondain gâté. Bien que tempéré lui-même, il aimait donner des banquets et des soirées coûteuses, accompagnés de spectacles et de beuveries et, malgré son indolence, il avait une passion pour la chasse, qu'il organisait chaque année sur une grande échelle. Dès sa jeunesse il fut un amoureux enthousiaste de la musique et attira à sa cour les musiciens les plus distingués. A table, il aimait entendre des improvisations et bien que cela soit difficile à croire, étant donné sa dignité et ses goûts artistiques, le fait demeure qu'il appréciait aussi les plaisanteries grasses et absurdes des bouffons. Leur langage débridé et leurs incroyables appétits l'enchantaient. Dans le ridicule et la caricature il était lui-même un maître. L'apparat, cher aux Romains amateurs de plaisirs, les combats de taureaux et autres n'étaient pas en reste. Chaque année il s'amusait durant le carnaval avec des masques, de la musique, des représentations théâtrales, des danses, et des courses. Même durant les années troubles, vers 1520, il prit part à des festivités d'un faste exceptionnel. Les représentations théâtrales accompagnées de belle musique et de danse constituaient son divertissement favori. Le palais papal devint un théâtre et le pape n'hésita pas à y regarder des pièces aussi déplacées que l'immoral Calendra de Bibbiena et l'indécent Suppositi d'Ariosto. Ses contemporains louaient et admiraient tous l'inébranlable bon caractère de Léon, qu'il ne perdit jamais, même dans le trouble et l'adversité. Joyeux lui même, il souhaitait voir les autres joyeux. Il était de nature enjouée et libérale, et ne refusait jamais une faveur à ses proches ni à ses compatriotes florentins, qui vinrent en nombre à Rome et se firent attribuer toutes les fonctions officielles, ou aux nombreux autres quémandeurs, artistes et poètes. Sa générosité était sans limite, comme son plaisir à poser pour une vaine gloire, cela venait du cœur . Il n'était jamais cérémonieux et n'attachait pas d'importance au protocole. Il fut prodigue envers les oeuvres de charité; et les couvents, les hôpitaux, les soldats sans charge, les étudiants pauvres, les pèlerins, les exilés, les infirmes, les aveugles, les malades, les infortunés de toute sorte n'étaient pas oubliés, et plus de 6000 ducats étaient distribués chaque année en aumônes.

Dans de telles circonstances il n'est pas surprenant que le grand trésor laissé par Jules II ait été entièrement dilapidé en deux ans. Au printemps 1515 les caisses étaient vides et, par la suite, Léon ne se sortit jamais de ses embarras financiers. Diverses méthodes douteuses et répréhensibles furent employées pour faire rentrer de l'argent. Il créa de nouvelles dignités et de nouvelles charges, et les dignités les plus élevées étaient mises en vente. Les jubilés et les indulgences furent presque entièrement transformés en transactions financières, pourtant bien inutilement, puisque le trésor était ruiné. Les revenus du pape se montaient entre 500 000 et 600 000 ducats. La maison du pape à elle seule, que Jules II avait maintenue à un train de 48 000 ducats, coûtait maintenant le double. En tout, Léon X dépensa environ quatre millions et demi de ducats dans tout son pontificat, et laissa une dette de 400 000 ducats. Lors de sa mort inattendue, ses créanciers firent face à la ruine. Une satire proclama que « Léon X avait consommé trois pontificats: le trésor de Jules II, les revenus de son propre règne, et ceux de son successeur ». Il est juste cependant de faire crédit aux bonnes qualités de Léon. Il était hautement cultivé, sensible à toute forme de beauté, un orateur policé et un écrivain intelligent, doué d'une bonne mémoire et d'un bon jugement, digne et majesteux dans ses manières. Il est généralement reconnu, même par ceux qui ne l'aimaient pas, qu'il était sincèrement religieux et qu'il remplit strictement ses devoirs spirituels. Il entendait la messe et lisait son bréviaire chaque jour et jeûnait trois fois par semaine. Sa piété ne peut être décrite comme vraiment profonde ou spirituelle, mais cela ne justifie pas la continuelle répétition de la remarque qu'on lui prête: « Combien nous et notre famille avons profité de la légende du Christ, cela est suffisamment évident pour tous les âges ». John Bale, Carmélite Anglais apostat, le premier à avoir donné cours à ces paroles au temps de la reine Elizabeth Iere, n'était même pas contemporaion de Léon. Parmi les nombreuses paroles de Léon X qui nous sont parvenues, il n'y en a aucune de nature sceptique. Dans sa vie privée, il conserva comme pape l'irréprochable réputation qu'il avait acquise lorsqu'il était cardinal. Son caractère montre un remarquable mélange de bons et de mauvais traits.

Le célébrité de Léon X est due à sa promotion de la littérature, de la science et de l'art. Sous son règne, Rome devint plus que jamais le centre du monde littéraire. « De tous côtés », écrivit le cardinal Riario en 1515 à Erasme à Rotterdam, « les hommes de lettres se précipitent vers la Cité Eternelle, leur patrie commune, leur soutien et leur bienfaitrice ». Les poètes furent particulièrement nombreux à Rome et peu de princes ont été aussi loués en vers que ne le fut Léon X. Il prodiguait dons, faveurs, postes, titres, non seulement aux vrais poètes et aux intellectuels, mais souvent aussi aux rimailleurs et aux bouffons. Il estimait particulièrement les secrétaires d'Etat Bembo et Sadoleto, qui étaient tous deux poètes et écrivains reconnus. Bembo charmait tout le monde par sa politesse et son esprit. Ses classiques lettres cicéroniennes tracent un parallèle remarquable avec les célébrités de son temps. Entre autres choses, il préparait une édition critique des travaux de Dante, et fut un zélé collectionneur de manuscrits, livres et oeuvres d'art. Sa conduite n'était pas en relation avec sa position de notaire papal, comte palatin, et titulaire de nombreux bénéfices, car il était mondain et très complaisant envers lui-même. Sadoleto était un tout autre type d'homme. Il vivait une vie pure et sans tache, était un prêtre modèle, faisait en sa personne la synthèse des cultures ancienne et moderne et il était un ardent défenseur de l'antiquité. En élégance et en politesse il n'était pas inférieur à Bembo. Parmi les poètes latins de la Rome Médicienne, nous pouvons mentionner brièvement Vida, qui composa un poème de grand mérite, la Christiade, et fut honoré par ses contemporains comme le Virgile Chrétien; Sannazaro, auteur d'un poème épique sur la naissance du Christ qui est un modèle du genre; le Carmélite Spagnolo Mantovano avec son Calendrier des fêtes; Ferreri, qui de la façon la plus naïve relança les hymnes du Bréviaire en termes, allusions et images profanes. Le nombre total de ces poètes dépasse cent, et un bouffon de 1521 dit qu'ils étaient plus nombreux que les étoiles du ciel. La plupart d'entre eux sont tombés dans un oubli mérité.

Cela est également vrai de la poésie italienne contemporaine - plus prolifique que mémorable. Parmi les poètes Italiens, Trissino écrivit une tragédie, Sophonisba, et une épopée, L'Italia liberata dai Gothi, mais n'eut de vrai succès avec aucune de ces deux pièces en dépit d'un sujet méritoire et de la beauté de son langage. Rucellai, un parent du pape, dont le poème didactique et intelligent sur les abeilles fut salué avec enthousiasme par ses contemporains, dut sa réputation principalement à un ouvrage mineur, la tragédie Rosmonda. Le célèbre improvisatore, Tebaldeo, écrivait à la fois en Latin et en Italien. Envers Ariosto, le pape fut particulèrement sévère. L'archéologie reçut un grand encouragement. Un de ses plus éminents représentants fut Manetti. En 1521 sortit la première collection de topographie Romaine, qui introduisit une ère nouvelle. Des progrès importants sont dus à l'érudit de l'antiquité, Fulvio. Fulvio, Calvo, Castiglione, et Raphaël avaient commencé un plan archéologique de la Rome ancienne, accompagné d'un texte explicatif. La mort prématurée de Raphaël interrompit brutalement ce travail, qui fut poursuivi par Fulvio et Calvo. La langue Grecque trouva aussi faveur et encouragement; Aldus Manutius, l'éditeur Vénitien, dont les excellentes et correctes éditions des classiques Grecs devinrent si populaires, fut l'un des protégés de Léon. Andreas Johannes Lascaris et Musurus furent appelés de Grèce à Rome et fondèrent un collège Grec, l' Académie Medicienne. De plus, le pape encouragea la collecte de manuscrits et de livres. Il recouvra sa bibliothèque familiale qui avait été vendue aux moines de San Marcos par les Florentins en 1494; il la fit venir à Rome, et fit respecter les règles de Sixte IV concernant la Bibliothèque du Vatican. Le plus distingué de ses bibliothécaires fut Inghirami; moins en réalité par des travaux d'érudit que pour son don d'éloquence. On l'appelait le Cicéron moderne et il joua un rôle important à la cour. En 1516, il eut comme successeur l'humaniste bolognais Beroaldo. Léon tenta, comme Nicolas V l'avait fait avant lui, d'accroître les trésors de la bibliothèque du Vatican, et dans ce but il envoya des émissaires dans toutes les directions, jusqu'en Scandinavie et en Orient, pour découvrir les trésors littéraires et même pour les acquérir, ou les emprunter en vue d'en faire des copies. Les résultats, cependant, ne furent pas importants. L'université Romaine, déclinante, fut réformée, mais ne fut pas longtemps florissante. Globalement, Léon, comme mécène littéraire, fut exagérément crédité par son biographe Giovio et les panégyristes qui lui succédèrent. Relativement peu de chose fut accompli, en partie à cause du constant manque d'argent et en partie à cause de l'inconséquence et de la hâte que le pape montra souvent en distribuant ses faveurs. Il n'était en réalité qu'un dilettante. Cependant il donna une réelle impulsion à la vie littéraire et scientifique, et fut un facteur notable dans le développement culturel de l'Occident.

Des résultats plus importants suivirent sa promotion des arts, bien qu'il fût indiscutablement inférieur en goût et en jugement à son prédécesseur, Jules II. Léon encouragea la peinture et toutes les autres branches des arts, la prééminence dans cette classe revenant aux immortelles productions de Raphaël. En 1508 il était venu à Rome, appelé par Jules II, et y resta jusqu'à sa mort en 1520. La protection accordée au maître génial est le plus grand mérite posthume de Léon. Les oeuvres de Raphaël, déjà nombreuses et importantes, prirent encore plus de dignité et de grandeur sous Léon. Il peignait, dessinait et sculptait d'après des modèles antiques, modelait dans la glaise, dessinait des palais, dirigeait les travaux d'autres artistes sur les ordres du pape, donnait conseil et assistance à des maîtres d'oeuvre et à leurs ouvriers. « En tout ce qui concerne l'art, le pape se tourne vers Raphaël » écrivit un ambassadeur en 1518. Ce n'est pas ici l'endroit, bien sûr, de traiter de l'activité prodigieuse de Raphaël. Nous nous limiterons à une brève mention de quelques-unes de ses oeuvres. Il acheva la décoration des halls du Vatican ou Stanze commencée sous Jules II, et dans la troisième salle, en référa intelligemment à Léon pour introduire des scènes des pontificats de Léon III et Léon IV. Une mission plus importante lui fut confiée: la peinture des esquisses des tapisseries de la Chapelle Sixtine, la plus grande des oeuvres de Raphaël, la plus magnifique étant La pêche miraculeuse de Saint Pierre et Saint Paul prêchant à Athènes. Une troisième entreprise célèbre fut la décoration de la Loggia du Vatican, faite par les élèves de Raphaël sous sa direction, et principalement d'après ses croquis. La plus exquise de ses peintures est la merveilleuse Madone de la chapelle Sixtine et la Transfiguration. La sculpture marqua un net déclin sous Léon X. Michel-Ange offrit ses services et travailla de 1516 à 1520 sur une façade de marbre pour l'église Saint-Laurent à Florence, mais il ne put la finir. D'un autre côté, le pape accordait une attention spéciale et son encouragement aux arts mineurs, par exemple la sculpture décorative, et encouragea les arts industriels. La tâche la plus grande et la plus difficile menée par Léon fut dans le domaine de l'architecture, où il avait hérité de son prédecesseur le dessein de bâtir la nouvelle basilique Saint-Pierre. Bramante demeura son architecte en chef jusqu'à sa mort en 1514. Raphaël lui succéda , mais pendant ses six ans de charge sur ce projet, peu de travail fut accompli, à son grand regret, par manque de moyens.

Nous pouvons maintenant nous tourner vers les événements politiques et religieux du pontificat de Léon. Ici, la brillante splendeur qui se dégage de ses patronages artistiques et littéraires, se change bientôt en une nuit épaisse. Ses inclinations pacifiques bien connues firent de la situation politique un héritage déplaisant, et il essaya de maintenir la tranquillité par des exhortations que cependant personne n'écoutait. La France désirait se venger de la défaite de 1512, et reconquérir Milan. Venise s'allia avec elle, tandis que l'Empereur Maximilien, l'Espagne et l'Angleterre conclurent une sainte Ligue contre la France. Le pape souhaita d'abord rester neutre mais une telle position l'aurait isolé, aussi il décida d'être fidèle à la politique de ses prédécesseurs et chercha dans ce but à s'opposer aux desseins de la France, tout en évitant l'affrontement. En 1513, les Français furent mis en déroute à Novara et forcés de se réconcilier avec Rome. Les cardinaux schismatiques (voir Jules II) se soumirent et furent pardonnés, et la France prit alors part au concile du Latran que Léon avait poursuivi.

Mais le succès fut bientôt assombri par l'incertitude. La France tenta de former une alliance avec l'Espagne pour obtenir Milan et Gênes par une alliance matrimoniale. Léon craignit pour l'indépendance des états pontificaux et pour la soi-disant liberté de l'Italie. Il négocia de tous côtés sans se compromettre, et en 1514 réussit à former une alliance Franco-Anglaise. La crainte de l'Espagne faisait maintenant place à l'épouvantail de la suprématie Française et le pape commença à négocier de façon décevante et déloyale avec la France et ses ennemis simultanément. Avant qu'il eût décidé de se ranger d'un côté ou de l'autre, Louis XII mourut et le jeune et ardent François Ier lui succéda. Une fois de plus Léon chercha à gagner du temps. Il supporta la Ligue contre la France, mais jusqu'au dernier moment il espéra trouver un arrangement avec François Ier. Mais ce dernier, peu de temps après sa marche vers l'Italie, gagna la grande bataille de Marignan, les 13 et 14 septembre 1515, et le pape s'interrogeait maintenant sur l'opportunité de se jeter dans les bras du Roi Très-Chrétien en lui demandant pardon.Il fut obligé de réviser complètement sa politique et de céder au roi français Parme et Plaisance, qui avaient été réunies à Milan. Une entrevue avec le roi François à Bologne eut pour résultat le Concordat Français (1516), qui comportait de si importantes conséquences pour l'Eglise. La Pragmatique Sanction de Bourges (1438), profondément inamicale envers la papauté, fut révoquée, mais le pape paya le prix fort pour cette concession, quand il garantit au roi le droit de nomination à tous les sièges, abbayes et prieurés de France. A travers cette concession et d'autres, par exemple le rattachement de juridiction ecclésiastique, l'influence royale sur l'Eglise de France était assurée. Il en résulta en France un grand mécontentement parmi le clergé et les parlements. L'abolition de la Pragmatique Sanction, qui avait été prise en conformité avec les décrets du concile de Bâle, affecta les partisans du système conciliaire de gouvernement de l'Eglise. L'abolition des élections ecclésiastiques libres toucha gravement les intérêts de beaucoup et l'opposition au concordat se maintint pendant des siècles. L'avantage que tirèrent et l'Eglise et le pape d'un si grand sacrifice fut que la France, jusque-là schismatique dans son attitude, demeurait désormais fermement arrimée au Saint Siège, qui ainsi écartait tout danger d'un complet étranglement. Cependant, la façon dont la couronne française abusa de son contrôle sur l'Eglise mena, dans une période ultérieure, à de plus grands maux.

Pendant que le concile du Latran, continué par Léon après son élévation à la papauté, approchait de son terme, on avait abouti à de nombreux et opportuns décrets, par exemple contre les faux enseignements philosophiques du professeur padouan, Pietro Pompanazzi, qui niait l'immortalité de l'âme. Les empiètements de l'humanisme païen sur la vie spirituelle s'accompagnèrent de la montée, simultanément, d'un nouvel ordre d'études philosophiques et théologiques. Dans la neuvième session fut promulguée une bulle qui traitait exclusivement des réformes de la Curie et de l'Eglise. Abbayes et bénéfices ne devaient être désormais confiés qu'à des personnes méritantes et selon le droit canon. Les dispositions des bénéfices et des mesures consistoriales furent régularisées, les dépositions ecclésiastiques et les transferts rendus plus difficiles; les bénéfices commanditaires furent interdits; et les unions et réservations de bénéfices, ainsi que les dispenses pour les obtenir, furent restreints. Des mesures furent aussi prises pour réformer l'administration de la Curie et la vie des cardinaux, des clercs et des croyants. L'instruction religieuse des enfants fut déclarée être un devoir. Les ecclésiastiques blasphémateurs et incontinents, négligents, ou simoniaques devaient être sévèrement punis. Les revenus de l'Eglise ne devaient plus être utilisés à des fins séculières. Les immunités du clergé devraient être respectées, et toutes sortes de superstitions abolies. La onzième session s'occupa du soin des âmes, particulièrement à travers la prédication. Ces mesures, malheureusement, ne furent pas totalement mises en application, et c'est pourquoi l'authentique réforme si nécessaire n'eut pas lieu. Vers la fin du concile (1517) le noble et très cultivé laïc, Jean-François Pic de la Mirandole, délivra un remarquable discours sur la nécessité d'une réforme de la morale; son rapport sur la condition morale du clergé est attristant, et révèle les nombreuses et graves difficultés qui se dressaient sur le chemin d'une authentique réforme. Il conclut sur l'avertissement que si Léon X laissait de telles offenses plus longtemps impunies et refusait d'appliquer les remèdes curatifs à ces blessures de l'Eglise, il était à craindre que Dieu Lui-même n'en vienne à couper les membres pourris et à les détruire par le feu et l'épée. Cette même année, cet avertissement prophétique fut vérifié. La salutaire réforme du concile du Latran ne trouva pas d'application pratique. Le pluralisme des charges, les bénéfices commanditaires et l'octroi de dignités ecclésiastiques aux enfants restèrent monnaie courante. Léon lui-même n'eut aucun scrupule à ignorer de façon répétée les décrets du concile. La Curie Romaine, alors très méprisée et contre laquelle tant s'indignaient avec violence, demeura aussi mondaine que jamais. Ou bien le pape n'avait pas le désir ou il n'était pas en position de réguler la conduite indigne et immorale de beaucoup de courtisans romains. La situation politique absorbait son attention et se trouva largement responsable de la clôture prématurée du concile.

En mars 1516, l'Empereur Maximilien traversa les Alpes pour faire la guerre aux Français et à leurs alliés Vénitiens. Le pape joua son rôle habituel d'esquive et de dissimulation. D'abord, quand les événements semblaient favorables aux Français, il soutint François. Mais son traditionnel double-jeu avait laissé François d'humeur si suspicieuse qu'il adhérait maintenant à la politique anti-papale, tandis que Léon adopta une attitude inamicale envers le roi. Leurs relations furent ensuite tendues à propos du duché d'Urbino. Durant l'invasion française le Duc d'Urbino avait honoré le devoir d'assistance qu'il avait envers le pape, qui ensuite l'exila et donna le titre à son neveu, Laurent de Médicis. Le roi Français fut grandement déçu de la politique papale, et quand François Ier et Maximilien formèrent une alliance à Cambrai en 1517 et s'entendirent sur une partition de l'Italie Septentrionale et Centrale, le pape Léon lui-même se trouva en mauvaise posture. En partie à cause de ses constantes oscillations, il avait dérivé vers une dangereuse isolation, à quoi s'ajouta que le Duc d'Urbino reconquit son duché, et pour couronner le tout vint une conspiration de cardinaux contre la vie du pape. Le chef de la conspiration, le Cardinal Petrucci, était un jeune ecclésiastique mondain qui ne pensait qu'au plaisir et à l'argent. Lui et d'autres cardinaux, qui avaient favorisé l'élection de Léon eurent ensuite des exigences si nombreuses et si importantes que Léon ne put les satisfaire. D'autres causes de mécontentement se trouvaient dans la guerre malheureuse contre Urbino et l'abolition des capitulations et des excessifs privilèges des cardinaux. Petrucci vouait une haine implacable au « pape ingrat », qui avait enlevé à son frère le gouvernement de Sienne. Il essaya de faire empoisonner le pape par un médecin, mais l'on eut des soupçons et le complot fut découvert par une lettre. L'enquête impliquait les cardinaux Sauli, Riario, Soderini et Castellini; ils avaient été coupables au moins d'avoir écouté Petrucci, et peut être avaient-ils souhaité son succès, bien que leur pleine complicité ne fût pas réellement prouvée. Petrucci fut exécuté et les autres punis d'amendes. Riario paya l'énorme somme de 150 000 ducats.

L'affaire jette une lumière terrible sur le degré de corruption des plus hauts cercles ecclésiastiques. Insouciant du scandale qu'il donnait en spectacle, Léon tira avantage de cette affaire en créant trente-et-un nouveaux cardinaux, obtenant ainsi un collège entièrement soumis et aussi de l'argent pour soutenir sa guerre malheureuse contre Urbino. Une bonne part de ces cardinaux furent choisis en fonction des larges sommes d'argent qu'ils apportaient. Mais cette nomination massive apporta aussi plusieurs hommes vertueux et distingués dans le Sacré Collège, et ce fut plus tard important parce que cela établit définitivement la supériorité du pape sur les cardinaux. La guerre avec Urbino, encouragée par François Ier et Maximilien dans le but d'accroître les difficultés de Léon, trouva finalement une issue, après avoir coûté d'énormes sommes et vidé le trésor papal. Laurent de Médicis resta en possession du duché (1517). Fidèle à l'ancienne tradition du Saint Siège depuis le début de son règne, Léon se fit l'avocat zélé d'une croisade contre les Turcs, et à la fin de la guerre avec Urbino, embrassa cette cause avec une détermination renouvelée. En novembre 1517, il soumit un rapport approfondi à tous les princes d'Europe, et tenta de les unir dans un commun effort, mais en vain. Les réponses des Puissances se montrèrent très variées. Ils se soupçonnaient mutuellement et chacun cherchait naturellement à réaliser divers objectifs secondaires à son profit. Léon répondit à une lettre menaçante du sultan par des efforts actifs. Des processions religieuses furent tenues, une trêve de cinq ans fut proclamée dans toute la Chrétienté et la Croisade fut prêchée (1518). Le pape se montra vraiment ardent, mais son grand plan échoua par manque de coopération de la part des puissances. De plus, le Cardinal Wolsey, Lord Chancellor d'Angleterre, contrecarra les efforts de paix du pape et porta ainsi un coup dur au prestige international de la papauté. Quand la croisade fut prêchée en Allemagne, elle trouva une large faction de gens fortement prédisposés contre la Curie et leur fournit l'occasion d'exprimer leurs vues en termes crûs. On croyait simplement que la Curie cherchait seulement à faire de l'argent. Un des nombreux pamphlets venimeux publié à cette occasion affirmait que les vrais Turcs étaient en Italie et que ces démons ne pouvaient être apaisés que par des fleuves d'or. La bonne cause fut progressivement mêlée à une importante question politique: la succession du trône impérial. Maximilien recherchait l'élection de son petit-fils, Charles d'Espagne. Un rival apparut dans la personne de François Ier, et lui comme Charles rivalisèrent dans la recherche de la faveur du pape par des assurances répétées de leur volonté d'en découdre avec les Turcs. L'événement de l'élection relégua la croisade à l'arrière-plan. En 1519 le pape réalisa qu'il n'y avait plus aucune perspective pour mener à bien son dessein.

L'attitude de Léon envers la succession impériale fut influencée d'abord par son anxiété concernant le pouvoir et l'indépendance du Saint Siège et la soi-disant indépendance de l'Italie. Aucun candidat n'était acceptable pour lui, Charles si possible moins que François, étant donnée la prépondérance de puissance qui devait résulter de son accession. Le pape aurait préféré un prince électoral allemand, celui de Saxe ou, plus tard, l'électeur de Brandebourg. Comme de coutume, « il navigua avec deux compas », tenant à distance les deux rivaux par un double jeu parfaitement maîtrisé, et réussit même à conclure une alliance avec les deux. La duplicité et l'insincérité de son jeu politique ne peut être entièrement excusée, même par la position difficile où il se trouvait ni par l'exemple de ses contemporains séculiers. La mort de Maximilien (Janvier 1519) mit fin à l'irrésolution du pape. D'abord il chercha à défaire les deux candidats en soutenant un électeur allemand. Puis il travailla avec zèle pour François Ier dans l'espoir de s'assurer sa ferme amitié pour le cas où Charles deviendrait empereur, une issue qui devenait chaque jour plus probable. Ce n'est qu'au dernier moment, quand l'élection de Charles fut certaine et inévitable que Léon se rangea de son côté; après l'élection il surveilla avec anxiété quelle allait pouvoir être l'attitude du nouvel empereur à son égard.

Le plus grave événement du pontificat de Léon et celui qui eut les plus graves conséquences pour l'Eglise fut la Réforme, qui commença en 1517. Nous ne pouvons pas entrer dans le détail minutieux de ce mouvement, dont les causes lointaines sont les conditions religieuses, politiques et sociales de l'Allemagne. Il est certain, cependant, que les racines du mécontentement sur lequel Luther jeta son brûlot avaient germé depuis des siècles. La cause immédiate fut rattachée à l'odieux besoin d'argent affiché par la Curie Romaine, et montre combien les efforts de réforme avaient fait long feu. Albert de Brandebourg, déjà archevêque de Magdebourg, reçut en plus l'archevêché de Mayence et l'évêché de Hallerstadt mais, en retour, fut obligé de collecter 10 000 ducats, dont il fut taxé en plus des droits usuels de confirmation. Pour le dédommager, et pour lui offrir la possibilité de se décharger de ses obligations, Rome lui permit de prêcher dans ses territoires les indulgences plénières promises à tous ceux qui contribueraient à l'élévation de la nouvelle basilique Saint-Pierre; il fut autorisé à garder la moitié des recettes, une transaction qui portait le déshonneur sur tout son contenu. En plus de cela, des abus furent commis lors de la prédication de l'Indulgence. Les contributions financières, de simple accessoire devinrent fréquemment l'objet principal, et les « indulgences pour les morts » constituèrent la base d'enseignements inacceptables. Que Léon X, dans la plus sérieuse des crises qui menacèrent jamais l'Eglise, manquât de se révéler pour elle le guide approprié, c'est suffisamment clair d'après ce qui est relaté plus haut. Il ne comprit ni la gravité de la situation ni les causes souterraines de la révolte. De vigoureuses mesures de réforme auraient pu constituer un antidote efficace, mais le pape était profondément empêtré dans des affaires politiques et autorisa l'élection impériale à occulter la révolte de Luther; de plus, il s'adonnait sans retenue à ses plaisirs et manqua à l'accomplissement des devoirs de sa haute charge.

Les derniers efforts politiques du pape furent dirigés vers l'expansion des Etats de l'Eglise, en établissant une puissance dominatrice en Italie grâce à l'acquisition de Ferrare. En 1519 il conclut un traité avec François Ier contre l'empereur Charles-Quint. Mais l'égoïsme et les empiètements des Français sur le traité, et la lutte contre le mouvement Luthérien, l'amenèrent rapidement à s'unir à Charles, après qu'il eut ressorti une fois de plus sa méthode de double-jeu en traitant avec les deux rivaux. En 1521, le pape et l'empereur signèrent une alliance défensive dans le but de chasser les Français d'Italie. Après quelques difficultés, les alliés occupèrent Milan et la Lombardie. Au milieu des réjouissances qui couronnaient ces succès, le pape mourut soudainement d'une malaria maligne. Ses ennemis sont accusés à tort de l'avoir empoisonné. Ce pape épris de grandeur eut des funérailles ordinaire, et il fallut attendre le règne de Paul III pour qu'un monument fût élevé à sa mémoire dans l'Eglise Santa Maria sopra Minerva. Il est froid, prosaïque, et indigne d'un connaisseur des arts tel que le fut Léon.

Le seul verdict possible sur le pontificat de Léon X est qu'il fut malheureux pour l'Eglise. Sigismondo Tizio, dont la dévotion au Saint Siège est indubitable, écrit en toute sincérité: « De l'avis général il était indigne de l'Eglise que son Chef se délecte dans le théâtre, la musique, la chasse et les sottises, au lieu d'accorder une sérieuse attention aux besoins de ses ouailles et de se lamenter sur leurs infortunes. » Von Reumont dit avec pertinence: « Léon X est en grande mesure à blâmer pour le fait que la foi dans l'intégrité et les mérites de la papauté, dans ses pouvoirs moraux et régénérateurs, et même dans ses bonnes intentions, pût tomber si bas que des hommes purent déclarer éteint l'ancien esprit authentique de l'Eglise ».


PASTOR, History of the Popes, VII (St. Louis, 1908); Leonis X. P. M. Regesta, ed. HERGENRNRÖTHER, Fasc. I-VIII (jusqu'au 16 Octobre 1515), (Fribourg, 1884-91); JOVIUS, De vita Leonis X (Florence, 1548, 1551); FABRONIUS, Leonis X. P. M. vita (Pise, 1707); ROSCOE, Life and Pontificate of Leo X (Liverpool, 1805, Londres, 1883); traduction italienne enrichie de nouveaux éléments par BOSSI (Milan, 1816); AUDIN, Histoire de Léon X. et de son siècle (Paris, 1844); NITTI, Leone X et la sua politica (Florence, 1892); CONFORTI, Leone X ed il suo secolo (Parme, 1896); VON REUMONT, Geschichte der Stadt Rom, III (Berlin, 1870), part ii; GREGOROVIUS, Geschichte der Stadt Rom, VIII (Stuttgart, 1896); GEIGER, Renaissance und Humanismus in Deutschland und Italien (Berlin, 1882).

KLEMENS LÖFFLER
Tiré de "Catholic Encyclopedia", copyright © 1913 by the Encyclopedia Press, Inc. Traduction française : Bertrand Blochet, 1999.