Conspiration des Juifs.
Parfums répandus sur la tête de Jésus-Christ.
Trahison de Judas.
Dernière cène.
Institution de l’Eucharistie.
Renoncement de saint Pierre prédit.
Prière de Jésus dans le jardin des Oliviers.
Il est pris, conduit chez Caïphe, accusé, condamné, outragé.
Renoncement et pénitence de saint Pierre.
1 Or il arriva que lorsque Jésus eut achevé tous ces discours, il dit à ses disciples :2 Vous savez que la pâque se fera dans deux jours, et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié.Note Matth. 26,2 : Voir
Marc, 14, 1 ;
Luc, 22, 1. ―
La Pâque, la fête la plus solennelle des Juifs, se célébrait en mémoire de la délivrance du peuple juif de la servitude de l’Egypte, par la manducation de l’agneau pascal, figure de Notre-Seigneur, voir
1 Corinthiens, 5, 7. Elle se célébrait le 14 nisan (mars-avril) et durait sept jours.
3 Alors les princes des prêtres et les anciens du peuple s'assemblèrent dans la salle du grand prêtre appelé Caïphe,Note Matth. 26,3 : Les princes des prêtres, les chefs des vingt-quatre familles sacerdotales. ― Les anciens du peuple, les membres du sanhédrin. ― Du grand prêtre appelé Caïphe. Caïphe, qu’on appelait aussi Joseph, fut nommé grand prêtre par le procurateur romain Valérius Gratus vers l’an 27 ou 28 de notre ère, à la place de Simon, fils de Camith. Il conserva ses fonctions pendant toute l’administration de Pilate, mais il fut déposé en l’an 36 ou 37 par le proconsul Vitellius et remplacé par Jonathan, fils du pontife Ananus ou Anne.
4 Et tinrent conseil pour se saisir de Jésus par ruse, et le faire mourir.5 Mais ils disaient: Non pas un jour de la fête, de peur qu'il ne s'élevât du tumulte parmi le peuple.
6 Or, comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux,Note Matth. 26,6 :
Simon le lépreux ; c’est-à-dire qui avait été lépreux. ― « Le repas décrit par saint
Jean, 12, 2, est-il différent de celui qui eut lieu chez Simon le lépreux, voir
Matthieu, 26, 6, et de celui que décrit saint
Luc, 7, 36 ? ― Il est probable que le repas décrit par saint Jean est le même que saint Matthieu nous dit avoir eu lieu chez Simon. Les deux Evangélistes placent la scène à Béthanie ; les récits présentent les mêmes circonstances et se rapportent à la même époque. Le Sauveur revint dans ce bourg six jours avant Pâques, comme le dit saint Jean, le samedi soir par conséquent, un peu avant le repas, ou le vendredi, si l’on compte les six jours à partir du jeudi soir où la fête commençait. Si saint Matthieu parle de
deux jours avant Pâques, quelques versets plus haut, c’est à propos d’un autre fait, de la résolution prise par le Sanhédrin de faire mourir Jésus ; et cette anticipation n’empêche pas qu’il ne dérive ensuite très naturellement ce repas de Béthanie, qui a fourni à Judas l’occasion de quitter son Maître et de le vendre aux Juifs. Que Lazare et ses sœurs assistent à ce repas, ce n’est pas une preuve qu’il eut lieu chez eux. Celui qui l’offrait ne pouvait-il pas être de leurs parents ou de leurs amis ? C’est même probablement parce qu’on n’était pas chez eux que saint Jean crut devoir signaler leur présence et surtout le zèle de Marthe à servir les convives. Ici comme ailleurs, le dernier évangile complète les précédents, en ajoutant à leur récit de nouveaux traits. Saint Matthieu et saint Marc disent : une femme ; saint Jean dit : Marie, sœur de Lazare. Ils parlent de l’onction de la tête seulement ; lui signale l’onction des pieds.
7 Vint auprès de lui une femme ayant un vase d'albâtre plein d'un parfum de grand prix, et elle le répandit sur sa tête, lorsqu'il était à table.Note Matth. 26,7 : Voir
Marc, 14, 8 ;
Jean, 11, 2 ;
12, 3. ― «
Une femme ayant un vase d’albâtre. On croit que c’est Marie Madeleine. Le sentiment commun est qu’il n’y a point de distinction à faire entre la pécheresse de saint Luc, Marie-Madeleine, délivrée de sept démons, Marie, sœur de Marthe, et Marie de Béthanie. Ce sentiment paraît bien fondé. En effet : 1° Tel est l’avis des docteurs et des Pères les plus anciens, celui que l’Eglise romaine a toujours suivi dans sa liturgie. S’il s’agissait, dans ces passages, de personnes différentes, serait-il possible que les Apôtres n’en eussent pas instruit les premiers fidèles ou qu’il se fût établi dès les premiers temps une tradition opposée à leur enseignement ? ― 2° Lorsqu’on lit simplement l’Evangile, l’idée de ces distinctions ne s’offre pas à l’esprit. ― Après avoir rapporté la conversion de la pécheresse chez Simon, saint Luc parle aussitôt de plusieurs femmes qui avaient été guéries ou délivrées du démon par le Sauveur, et qui l’assistaient de leurs biens : or, la première de toutes est Marie, surnommée Madeleine. ― Quand saint Jean parle de Marie, sœur de Lazare et de Marthe, il ajoute, pour la faire connaître, que c’est la personne qui a essuyé de ses cheveux les pieds du Sauveur. A qui peut-on penser, sinon à la pécheresse qu’on sait avoir fait à Naïm cet acte d’humilité et de religion ? ― On ne peut pas la méconnaître davantage chez Simon où cette action est renouvelée, ni aux pieds du Sauveur, à la maison de Marthe, ni au pied de la croix, ni au tombeau où elle paraît sous le nom de Marie-Madeleine. Si ce n’était pas là, en effet, Marie de Béthanie, comment s’expliquer son absence, l’absence de la sœur de Lazare, en pareille circonstance ? D’ailleurs, ce sont les mêmes habitudes qui se manifestent partout, et l’identité du caractère indique l’identité de la personne. Mais si Marie de Béthanie est Marie-Madeleine, délivrée de sept démons, peut-on douter que ce ne soit la pécheresse de Naïm, celle qui a témoigné à Notre-Seigneur tant de repentir et tant d’amour ? ― 3° On ne peut opposer à ce sentiment aucune difficulté réelle. ― Une même personne ne peut-elle pas s’être trouvée en Galilée, chez Simon le pharisien, avoir possédé un bien à Magdala, et être venue chez sa sœur à Béthanie ? ― Il est des esprits qui répugnent à croire que le Sauveur ait témoigné tant de bonté à une pécheresse, même après sa conversion. Mais n’a-t-il pas dit lui-même à Simon ce qu’on doit penser d’un tel sentiment ? N’est-ce pas pour les pécheurs qu’il est venu sur la terre et ne voulait-il pas qu’on connût ses dispositions ? Ce qu’il a fait pour Madeleine, ne l’a-t-il pas fait pour la Samaritaine et pour une infinité d’autres ? N’était-ce pas un présage, une figure de la grâce qu’il destinait à toute la gentilité ? Ne l’a-t-il pas aussi convertie ? Ne l’a-t-il pas régénérée, honorée du nom d’épouse et mise à la place de la synagogue infidèle ? ― Enfin, si Marie, sœur de Marthe, n’était pas Marie-Madeleine, ne faudrait-il pas dire que l’Eglise est loin de remplir les intentions du Sauveur, qu’elle ne comprend même pas la prédiction qu’il a faite au repas de Béthanie, puisqu’elle attribue à sainte Madeleine et qu’elle honore particulièrement en sa personne l’acte de religion qu’il a signalé en Marie comme devant être pour elle la source de tant de gloire ? ― Le caractère de Madeleine contraste admirablement avec celui de Judas à Béthanie, comme il contraste avec celui de Simon à Naïm. » (L. BACUEZ.) ―
Un vase d’albâtre. On a trouvé de nombreux échantillons de ces vases à parfums dans des tombeaux. Ceux qui ont été découverts dans les tombeaux des rois de Sidon, en Phénicie, et qui remontent à une époque un peu antérieure à Notre-Seigneur, sont tous en albâtre égyptien ; ils ont la forme d’une poire ; leur hauteur est de 25 centimètres ; l’orifice a 3 centimètres ; l’épaisseur n’est guère que d’un centimètre. Ces vases faits au tour, sont donc très fragiles.
8 Ce que voyant, ses disciples s'indignèrent, disant : Pourquoi cette perte?9 Il pouvait, en effet, ce parfum, se vendre très cher et être donné aux pauvres.10 Mais Jésus le sachant, leur dit : Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme? c'est une bonne œuvre qu'elle a faite envers moi.11 Car vous avez toujours les pauvres avec vous ; mais moi, vous ne m'avez pas toujours.12 Cette femme, en répandant ce parfum sur mon corps, l'a fait pour m'ensevelir.
Matthieu 26, 13-29 : Le repas pascal - Gravure de Gustave Doré
13 En vérité, je vous le dis, partout où sera prêché cet évangile, dans le monde entier, on dira même, en mémoire d'elle, ce qu'elle vient de faire.
14 Alors un des douze, appelé Judas Iscariote, alla vers les princes des prêtres,15 Et leur dit : Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai? Et ceux-ci lui assurèrent trente pièces d'argent.Note Matth. 26,15 :
Trente pièces d’argent ; c’est-à-dire trente sicles, qui font environ quarante-huit francs de notre monnaie (en 1900) ; c’était le prix ordinaire d’un esclave. Voir
Exode, 21, 32.
16 Et de ce moment il cherchait une occasion favorable pour le leur livrer.
17 Or, le premier jour des azymes, les disciples s'approchèrent de Jésus, disant : Où voulez-vous que nous vous préparions ce qu'il faut pour manger la pâque?Note Matth. 26,17 : Voir
Marc, 14, 12 ;
Luc, 22, 9. ―
Les azymes ; c’est-à-dire la fête des pains sans levain. ―
La pâque ; l’agneau pascal.
18 Jésus répondit : Allez dans la ville, chez un tel, et dites-lui : Le maître dit : Mon temps est proche, je veux faire chez toi la pâque avec mes disciples.Note Matth. 26,18 :
Je veux faire chez toi la pâque. Dans le cénacle. Voir sur le
cénacle, Marc, 14, 15.
19 Et les disciples firent comme Jésus leur commanda, et ils préparèrent la pâque.Note Matth. 26,19 :
Ils préparèrent la pâque, l’agneau pascal et tout ce qui était nécessaire pour le manger selon les rites. Voir
Exode, 12, 3-20.
20 Le soir donc étant venu, il était à table avec ses douze disciples.21 Et pendant qu'ils mangeaient, il dit : En vérité, je vous dis qu'un de vous doit me trahir.22 Alors, grandement contristés, ils commencèrent à lui demander chacun en particulier : Est-ce moi, Seigneur?23 Mais Jésus répondant, dit : Celui qui met avec moi la main dans le plat, celui-là me trahira.Note Matth. 26,23 : Dans le plat, en grec, trublion, plat très grand. En Orient, les assiettes sont inconnues ; chacun prend immédiatement dans le plat, à mesure qu’il mange, chacun de ses morceaux, en se servant de son pain en guise de cuiller et de fourchette. Tous les Apôtres mettaient donc la main dans le plat avec le Sauveur, et ces paroles ne désignaient pas le traître mais signifiaient seulement : C’est un de ceux qui mangent ici avec moi qui me trahira.
24 Pour ce qui est du Fils de l'homme, il s'en va, selon ce qui a été écrit de lui; mais malheur à l'homme par qui le Fils de l'homme sera trahi; il vaudrait mieux pour cet homme qu'il ne fût pas né.25 Mais prenant la parole. Judas qui le trahit, dit : Est-ce moi, maître? Il lui répondit : Tu l'as dit.
26 Or, pendant qu'ils soupeaient, Jésus prit le pain, le bénit, le rompit, et le donna à ses disciples, et dit : Prenez et mangez; ceci est mon corps.Note Matth. 26,26 : Voir
1 Corinthiens, 11, 24. ―
Ceci est mon corps.
Jésus ne dit pas : Ceci est la figure de mon corps ; ni : Dans ceci ou avec ceci est mon corps ; mais absolument :
Ceci est mon corps, ce qui implique clairement la transsubstantiation.
27 Et, prenant le calice, il rendit grâces, et le leur donna, disant : Buvez-en tous.Note Matth. 26,27 :
Buvez-en tous. Cela fut dit aux douze apôtres, qui tous étaient alors présents ; mais il ne s’ensuit nullement qu’il soit ordonné à tous les fidèles de boire de ce calice, pas plus qu’il ne leur est ordonné de consacrer, d’offrir et d’administrer ce sacrement, parce que Jésus-Christ, dans le même moment, commanda à ses apôtres de faire cela, selon ces paroles de saint Luc (voir
Luc, 22, 19) :
Faites ceci en mémoire de moi.
28 Car ceci est mon sang, le sang du nouveau testament, qui sera répandu pour un grand nombre en rémission des péchés.Note Matth. 26,28 :
Le sang du nouveau testament.
Comme l’ancien testament était consacré avec le sang des victimes (voir
Exode, 24, 8) par ces paroles :
Ceci est le sang du testament (voir
Hébreux, 9, 20), de même se trouve ici la consécration et l’institution du nouveau testament dans le sang de Jésus-Christ, répandu d’une manière mystique par ces paroles :
Ceci est le sang du nouveau Testament.
―
Pour un grand nombre. Voir
Matthieu, 20, 28.
29 Or, je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père.

Matthieu 26, 30-46 : Prière de Jésus au jardin des Oliviers - Gravure de Gustave Doré
30 Et l'hymne dit, ils s'en allèrent à la montagne des Oliviers.Note Matth. 26,30 : Et l’hymne dit ; c’est-à-dire, selon les uns, après le chant des Psaumes 112 à 117, consacrés dans les rituels des Juifs, pour la cène pascale ; ou, selon d’autres, après le chant du cantique composé par le Sauveur lui-même pour la circonstance. ― Comme Jésus-Christ et les Apôtres suivaient ordinairement les coutumes juives, l’opinion des premiers est la plus probable. « La nuit pascale, les Juifs avaient coutume de chanter deux hymnes eucharistiques, appelés Hallel, l’un qui commence par Halleluia et qui se compose des Psaumes 112 à 117 ; l’autre qu’on appelle grand, parce qu’on y dit vingt-six fois : Car sa miséricorde est à jamais (voir, Psaumes, 136, 1 en hébreu ; 135, 1 dans la Vulgate) qui se compose du Psaume 136. On divise le Hallel en deux parties : les Psaumes 112 et 113 avant de se mettre à table, le reste à la fin de la Cène pascale. » (H.-J. MICHON.)
31 Alors Jésus leur dit : Vous tous vous prendrez du scandale à mon sujet pendant cette nuit; car il est écrit : Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées.32 Mais, après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée.33 Or, Pierre répondant, lui dit : Quand tous se scandaliseraient de vous, pour moi jamais je ne me scandaliserai.34 Jésus lui répondit : En vérité, je te dis que cette nuit même, avant qu'un coq chante, tu me renieras trois fois.35 Pierre lui dit : Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renierai point. Et tous les disciples dirent aussi de même.
36 Alors Jésus vint avec eux à une maison de campagne qui est appelée Gethsémani, et il dit à ses disciples : Asseyez-vous ici, pendant que j'irai là et que je prierai.Note Matth. 26,36 : Gethsémani. « Au bord même et presque à la naissance du torrent de Cédron, à l’est de Jérusalem, est Gethsémani ou le jardin des Oliviers. On y voit la grotte où Notre-Seigneur répandit une sueur de sang. Cette grotte est irrégulière, profonde et haute, et divisée en deux cavités qui communiquent par une espèce de portique souterrain ; on y a pratiqué des autels. Le jardin même est entouré d’un petit mur de pierres sans ciment, et huit oliviers espacés de trente à quarante pas les uns des autres le couvrent presque tout entier de leur ombre. Ces oliviers sont au nombre des plus grands arbres que j’ai jamais rencontrés, dit Lamartine ; la tradition fait remonter leurs années jusqu’à la date mémorable de l’agonie de l’Homme-Dieu qui les choisit pour cacher ses divines angoisses. [L’olivier est pour ainsi dire immortel, a observé Châteaubriand, parce qu’il renaît de sa souche.] Leur aspect confirmerait au besoin la tradition qui les vénère ; leurs immenses racines, comme les accroissements séculaires, ont soulevé la terre et les pierres qui les recouvraient, et, s’élevant de plusieurs pieds au-dessus du niveau du sol, présentent au pèlerin des sièges naturels, où il peut s’agenouiller ou s’asseoir pour recueillir les saintes pensées qui descendent de leurs cimes silencieuses. Un tronc noueux, cannelé, creusé par la vieillesse comme par des rides profondes, s’élève en large colonne sur ces groupes de racines, et, comme accablé et penché par le poids des jours, s’incline à droite ou à gauche et laisse pendre ses vastes rameaux entrelacés, que la hache a cent fois retranchés pour les rajeunir. Ces rameaux, vieux et lourds, qui s’inclinent sur le tronc, en portent d’autres plus jeunes, qui s’élèvent un peu vers le ciel, et d’où s’échappent quelques tiges d’une ou deux années, couronnées de quelques touffes de feuilles et noircies de quelques petites olives bleues, qui tombent, comme des reliques célestes, sur les pieds du voyageur chrétien. » (LAMARTINE.)
37 Et ayant pris avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée, il commença à s'attrister et à être affligé.38 Alors il leur dit : Mon âme est triste jusqu'à la mort; demeurez ici, et veillez avec moi.39 Et, s'étant un peu avancé, il tomba sur sa face, priant et disant : Mon Père, s'il est possible, que ce calice passe loin de moi ; toutefois, non ma volonté, mais la vôtre.Note Matth. 26,39 : Nous avons copié Bossuet, afin d’imiter le plus possible l’admirable concision du texte sacré, qui porte à la lettre : Toutefois, non comme je veux, mais comme vous voulez.
40 Ensuite il vint à ses disciples, et il les trouva endormis, et Il dit à Pierre : Ainsi, vous n'avez pu veiller une heure avec moi.41 Veillez et priez, afin que vous n'entriez point en tentation ; à la vérité, l'esprit est prompt, mais la chair est faible.42 Il s'en alla encore une seconde fois, et pria, disant : Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté se fasse.43 Il vint de nouveau, et les trouva dormant, car leurs yeux étaient appesantis.44 Et les ayant laissés, il s'en alla encore, et pria une troisième fois, disant les mêmes paroles.45 Alors il revint à ses disciples, et leur dit : Dormez maintenant, et reposez-vous : voici que l'heure approche, et le Fils de l'homme sera livré aux mains des pécheurs.Note Matth. 26,45 : Dormez maintenant, etc. Ces paroles se prennent généralement dans un sens ironique. Ce n’est pas une permission que le Sauveur donne à ses apôtres, mais un reproche qu’il leur fait de ce qu’ils se mettaient si peu en peine de l’approche du péril qu’il leur avait annoncé.
46 Levez-vous, allons; voici qu'approche celui qui me livrera.

Matthieu 26, 47-54 : Le baiser de Judas - Gravure de Gustave Doré
47 Jésus parlant encore, voici que Judas, l'un des douze, vint, et, avec lui, une troupe nombreuse armée d'épées et de bâtons, envoyée par les princes des prêtres et par les anciens du peuple.48 Or celui qui le livra, leur donna un signe, disant : Celui que je baiserai, c'est lui-même, saisissez-le.49 Et aussitôt, s'approchant de Jésus, il dit : Je vous salue, maître. Et il le baisa.Note Matth. 26,49 :
Maître. Dans le texte latin
Rabbi. Voir sur ce mot,
Jean, note 1.38.
50 Et Jésus lui répondit : Mon ami, dans quel dessein es-tu venu? Alors ils s'avancèrent, mirent la main sur Jésus et se saisirent de lui.51 Et voilà qu'un de ceux qui étaient avec Jésus, étendant la main, tira son épée, et, frappant le serviteur du prince des prêtres, lui coupa l'oreille.52 Alors Jésus lui dit : Remets ton épée en son lieu; car tous ceux qui se serviront de l'épée périront par l'épée.53 Penses-tu que je ne puisse pas prier mon Père, et qu'il ne m'enverra pas à l'heure même plus de douze légions d'anges?Note Matth. 26,53 : Dans la milice romaine, la légion était composée de six mille hommes.
54 Comment donc s'accompliront les Ecritures, disant qu'il doit en être ainsi?55 En cette heure-là, Jésus dit à la troupe : Vous êtes sortis comme contre un voleur avec des épées et des bâtons afin de me prendre ; j'étais tous les jours assis parmi vous, enseignant dans le temple, et vous ne m'avez point pris.56 Or tout cela s'est fait, pour que s'accomplissent les Ecritures des prophètes. Alors tous les disciples l'abandonnant, s'enfuirent.
57 Mais les autres, se saisissant de Jésus, l'emmenèrent chez Caïphe, prince des prêtres, où s'étaient assemblés les scribes et les anciens du peuple.Note Matth. 26,57 : Voir
Luc, 22, 54 ;
Jean, 18, 24. ― Selon le récit plus ample de saint Jean (voir
Jean, 18, verset 13 et suivants), ils le menèrent d’abord chez Anne, beau-père de Caïphe, et ensuite chez Caïphe. ― D’après la tradition, la maison de Caïphe, soit que ce fût sa propre maison, soit que ce fût celle des grands prêtres, était sur le mont Sion, dans la ville haute, à l’endroit où est aujourd’hui un petit couvent qui appartient aux Arméniens. Ce couvent occupe un emplacement triangulaire, en dehors de la porte actuelle qui porte le nom de Bab-es-Sioun ou Porte de Sion. On remarque au milieu une petite cour. C’est là, croit-on, que saint Pierre se trouvait pendant qu’on jugeait son maître et qu’il le renia trois fois. Nicéphore nous apprend que sainte Hélène avait bâti en ce lieu une église dédiée au Prince des Apôtres.
58 Or Pierre le suivit de loin, jusque dans la cour du prince des prêtres ; et y étant entré, il s'assit avec les serviteurs, pour voir la fin.
59 Cependant les princes des prêtres et tout le conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus, pour le livrer à la mort.Note Matth. 26,59 :
Tout le conseil, le sanhédrin. Le sanhédrin, qui est souvent désigné dans les Evangiles par la périphrase :
les princes des prêtres, les scribes et les anciens du peuple (voir
Marc, 14, vv. 43, 53) parce que c’étaient là les membres qui le constituaient, était le conseil et le tribunal suprême des Juifs. Il était composé de soixante-douze membres ; le grand-prêtre en était le président ; les vingt-quatre chefs des familles sacerdotales ou princes des prêtres (voir
Matthieu, 2, 4) y représentaient l’élément sacerdotal ; les scribes, la science juridique de la loi (voir
Matthieu, 2, 4) ; les anciens du peuple, le reste d’Israël. Les Juifs faisaient remonter à Moïse l’origine du sanhédrin (voir
Exode, 18, 17-26) ; mais on ne le voit constitué comme il l’était du temps de Notre-Seigneur qu’après la captivité. Même sous Pilate, le sanhédrin jugeait les causes graves, et il avait le droit de prononcer la peine de mort, à la condition que la sentence fût confirmée par le procurateur romain.
60 Et ils n'en trouvèrent point, quoique beaucoup de faux témoins se fussent présentés. En dernier lieu, vinrent deux faux témoins,61 Et ils dirent : Celui-ci a dit : Je puis détruire le temple de Dieu, et, après trois jours, le rebâtir.62 Alors le prince des prêtres se levant, lui dit : Tu ne réponds rien à ce que ceux-ci témoignent contre toi?63 Mais Jésus se taisait. Et le prince des prêtres lui dit : Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu.64 Jésus lui répondit : Tu l'as dit. De plus, je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l'homme assis à la droite de la majesté de Dieu, et venant dans les nuées du ciel.65 Aussitôt le prince des prêtres déchira ses vêtements, disant : Il a blasphémé; qu'avons-nous encore besoin de témoins? voilà que maintenant vous avez entendu le blasphème.Note Matth. 26,65 : En signe d’une grande douleur ou d’indignation, les Juifs déchiraient leurs vêtements.
66 Que vous en semble? Et eux répondant, dirent : Il mérite la mort.Note Matth. 26,66 : Selon la loi (voir
Lévitique, 24, 16), les blasphémateurs devaient être punis de mort.
67 Alors ils lui crachèrent au visage, et le déchirèrent à coups de poing ; et d'autres lui donnèrent des soufflets,68 Disant : Christ, prophétise-nous, qui est celui qui t'a frappé?

Matthieu 26, 69-75 : Reniement de Saint Pierre - Gravure de Gustave Doré
69 Cependant Pierre était assis dehors dans la cour; et une servante s'approcha de lui, disant : Et toi aussi tu étais avec Jésus le Galiléen?70 Mais il nia devant tous, disant : Je ne sais ce que tu veux dire.71 Et comme il sortait hors de la porte, une autre servante l'aperçut et dit à ceux qui se trouvaient là : Celui-ci était aussi avec Jésus de Nazareth.72 Et il le nia de nouveau avec serment, disant : Je ne connais point cet homme.73 Peu après, ceux qui se trouvaient là s'approchèrent et dirent à Pierre : Certainement, toi aussi tu es de ces gens-là; ton langage te décèle.Note Matth. 26,73 : Ton langage te décèle. Les Galiléens n’avaient pas le même accent que les habitants de Jérusalem et de la Judée. Le Talmud dit que leur langage était corrompu et qu’ils brouillaient les lettres les unes avec les autres : le b avec le f, etc.
74 Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer qu'il ne connaissait point cet homme. Et aussitôt un coq chanta.75 Et Pierre se souvint de cette parole que Jésus lui avait dite : Avant qu'un coq chante, tu me renieras trois fois. Et étant sorti, il pleura amèrement.Note Matth. 26,75 : Et étant sorti, il pleura amèrement. Selon la tradition, saint Pierre alla pleurer son péché dans une grotte, transformée en tombeau et située sur le versant de la partie du mont Sion qui regarde la vallée du Cédron. On éleva dans la suite, au-dessus de cette grotte, une église que les anciens pèlerins nomment Gallicante ou le Chant du Coq.