Lettre de Jérémie aux Juifs captifs.
Il leur annonce leur retour.
Il les exhorte à ne pas prendre part à l’idolâtrie des Babyloniens.
Il leur montre le néant et la vanité des idoles.
Copie de la lettre que Jérémie envoya aux captifs qui allaient être déportés à Babylone par le roi des Babyloniens, afin de leur annoncer ce que Dieu lui avait ordonné de leur dire.
1 A cause des péchés que vous avez commis devant Dieu, vous serez emmenés captifs à Babylone, par Nabuchodonosor, roi des Babyloniens.Note Bar. 6,1-72 : La lettre de Jérémie a pour but de détourner les Juifs captifs à Babylone, à qui elle est adressée, de l’idolâtrie chaldéenne. Elle renferme une sorte de double refrain qui revient de temps en temps, et en marque les divers aliénas, versets 14 et 15, 22, 28, 64 et 39, 44, 55, 63. Jérémie y montre une grande connaissance de la religion babylonienne ; sa lettre est comme un monument archéologique où nous trouvons décrites en détail les statues des dieux chaldéens, ainsi que les cérémonies que l’on suivait pour habiller et déshabiller les idoles. Rien n’était plus propre que cet écrit à faire persévérer les enfants d’Israël dans le culte du vrai Dieu.
2 C'est pourquoi, entrés à Babylone, vous y serez durant beaucoup d'années et un long temps, jusqu'à sept générations; mais après cela je vous en ramènerai dans la paix.Note Bar. 6,2 :
Sept générations. Chez les anciens, le mot
génération représente tantôt cent, tantôt cinquante, trente-trois, dix, et même sept années. Ainsi ces
sept générations marquent ici très probablement les soixante-dix années auxquelles Dieu avait fixé la durée de la captivité (voir
Jérémie, 25, 11-12 ;
29, 10).
3 Mais maintenant vous verrez à Babylone des dieux d'or et d'argent, et de pierre et de bois, que l'on porte sur les épaules et qui impriment la crainte aux nations.Note Bar. 6,3 : Voir
Isaïe, 44, 10. ―
Des dieux d’or, etc. Il y avait à Babylone de nombreuses idoles
d’or, d’argent, de pierre et
de bois, et en certaines circonstances on les
portait sur les épaules, comme nous le voyons sur des bas-reliefs du temps des Assyriens.
4 Voyez donc à ne pas imiter les actions de ces étrangers, et à ne pas vous effrayer, et à ce que la frayeur ne vous saisisse pas à cause d'eux.5 C'est pourquoi, quand vous verrez une multitude derrière et devant, adorant, dites en vos cœurs : C'est vous qu'il faut adorer. Seigneur.6 Car mon ange est avec vous, et moi-même je rechercherai vos âmes.Note Bar. 6,6 :
Mon ange ; saint Michel, défenseur du peuple hébreu. Voir
Daniel, 10, vv. 13, 21 ;
12, 1. ―
Je rechercherai vos âmes ; je prendrai soin de votre vie.
7 Car leur langue a été polie par un ouvrier; ceux même qui sont dorés et argentés sont faux, et ils ne peuvent parler.Note Bar. 6,7 : Dorés et argentés. Les statues des dieux étaient souvent en bois recouvert de lames d’or ou d’argent.
8 Et comme on fait à une vierge qui aime les ornements, ainsi ils ont été fabriqués avec de l'or qu'on a employé.9 Leur dieux ont assurément des couronnes d'or sur leurs têtes, d'où les prêtres leur enlèvent l'or et l'argent et se les arrogent à eux-mêmes.Note Bar. 6,9 : Se les arrogent ; c’est-à-dire s’arrogent l’or et l’argent ; littéralement se l’arroge (illud). Très souvent, en hébreu, lorsqu’un pronom ou un adjectif ou un participe se rapporte à plusieurs substantifs, il se met au nombre et au genre du dernier. ― Des couronnes d’or sur leurs têtes. Les images des dieux assyro-chaldéens qui sont parvenues jusqu’à nous sont souvent couronnées.
10 Mais ils en donnent à des prostituées, et ils en parent des femmes de mauvaise vie, et lorsque ces femmes de mauvaise vie les leur ont rendus, ils en parent de nouveau leurs dieux.Note Bar. 6,10 : Les leur ; littéralement. Voir le verset précédent.
11 Mais ceux-ci ne se préservent ni de la rouille ni des vers.12 Or, après qu'on les a couverts d'un vêtement de pourpre, on nettoie leur face à cause de la poussière de leur maison, laquelle est abondante parmi eux.13 Mais il a un sceptre comme un homme, comme un juge de province; cependant celui qui pèche contre lui, il ne le tue pas.Note Bar. 6,13 : Il ; c’est-à-dire un d’eux, ou chacun d’eux ; ce qui est un pur hébraïsme. ― Les monuments assyro-chaldéens représentent les dieux un sceptre à la main.
14 Il a aussi à la main un glaive et une hache ; mais de la guerre et des voleurs il ne se délivre pas. Que par là il vous soit connu que ce ne sont pas des dieux.Note Bar. 6,14 : Une hache Un bas-relief figure le dieu Bel avec une hache à la main.
15 Ne les craignez donc pas; car comme le vase d'un homme, lorsqu'il est brisé, devient inutile, tels sont leurs dieux.
16 Après qu'ils ont été placés dans une maison, leurs yeux sont pleins de la poussière des pieds de ceux qui entrent.17 Et comme pour celui qui a offensé un roi, les portes sont fermées alentour, ou comme un mort mis au sépulcre, les prêtres défendent les portes par des verrous et par des serrures, de peur que par les voleurs ils ne soient entièrement dépouillés.18 Ils allument devant eux des lampes, et en grand nombre, et ces dieux n'en peuvent voir aucune; mais ils sont comme les poutres dans une maison.19 Ils disent aussi que les serpents qui sortent de la terre rongent leurs cœurs, lorsqu'en effet ils les dévorent, eux et leurs vêtements, et ils ne le sentent pas.20 Leurs faces deviennent noires par la fumée qu'il fait dans la maison.21 Sur leurs corps et sur leurs têtes volent les hiboux, les hirondelles, et les autres oiseaux aussi également, et les chats y sautent.Note Bar. 6,21 : Sur leurs têtes volent les hiboux ou les chauves-souris, qui aiment à se retirer dans les endroits sombres et obscurs comme étaient les sanctuaires des anciens temples. Tous ceux qui ont voyagé en Orient ont constaté combien les chauves-souris sont nombreuses, spécialement dans les cavernes, d’où elles forcent quelquefois les curieux de s’enfuir.
22 Par là sachez que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez donc point.
23 L'or même qu'ils ont est pour l'apparence. Si quelqu'un n'en ôte pas la rouille, ils ne brilleront pas; car lorsqu'on les jetait en fonte, ils ne le sentaient pas.24 Et c'est à tout prix qu'ils ont été achetés, eux en qui la vie n'est pas.Note Bar. 6,24 : A tout prix ; jusqu’au prix le plus élevé. ― Ils ont été achetés ; dans la Vulgate et les Septante on lit le neutre, soit que les dieux des païens aient été considérés comme de simples choses, et non comme des personnes, soit que le traducteur grec ait fait allusion au mot grec eïdôlon, idole, qui, dans sa langue, aussi bien qu’en latin, est du genre neutre. Cette particularité se présente dans plusieurs autres versets suivants de ce même chapitre. ― En qui ; littéralement en lesquels, en eux. ― Ce pléonasme, qui ne se lit pas dans la version grecque, est imité d’une locution hébraïque où cependant le pléonasme n’existe réellement pas, comme nous l’avons prouvé dans nos Principes de grammaire hébraïque.
25 Etant sans pieds, ils sont portés sur les épaules, montrant ainsi aux hommes leur ignoble impuissance. Qu'ils soient confondus aussi ceux qui les adorent.Note Bar. 6,25 :
Ils sont portés, etc. Comparer à
Isaïe, 46, 7.
26 A cause de cela, s'ils tombent par terre, ils ne se relèvent point par eux-mêmes; et si quelqu'un ne les tient debout, ils ne s'y tiendront pas eux-mêmes ; mais comme à des morts, leurs présents leur seront apportés.Note Bar. 6,26 :
Les, ils, leur ; littéralement
le, il, lui ; hébraïsme pour
chacun, à chacun, ou
l’un, à l’un d’eux. Comparer au verset 9. ―
Présents ; c’est-à-dire repas qu’on apportait à ces dieux, comme on en mettait sur les tombeaux des morts. Comparer à
Ecclésiastique, 30, 18-19 ;
Daniel, 14, verset 5 et suivants.
27 Leurs prêtres vendent leurs hosties et en usent à leur gré; également leurs femmes, qui en prennent aussi, n'en font nullement part ni à l'infirme ni au mendiant ;28 Quant à leurs sacrifices, les femmes accouchées et celles qui sont dans leurs mois y touchent. C'est pourquoi sachant par là que ce ne sont pas des dieux, ne les craignez point.Note Bar. 6,28 :
Les femmes, etc. Chez les Hébreux, toute femme qui se trouvait dans l’un de ces états ne pouvait entrer dans le temple (voir
Lévitique, 12, vv. 2, 4 ;
15, vv. 19, 33) ; quoique les païens ne fussent pas tenus d’observer cette loi, les Juifs n’en avaient pas moins d’horreur pour ceux qui ne s’y conformaient point.
29 Car pourquoi sont-ils appelés des dieux? Parce que des femmes apportent des présents à ces dieux d'argent, d'or, et de bois;30 Et que dans leurs maisons les prêtres sont assis, ayant des tuniques déchirées, la tête et la barbe rasées, et la tête nue.Note Bar. 6,30 :
Les prêtres, etc. Ces pratiques de deuil étaient surtout en usage pour honorer le dieu Adonis, dont le culte était répandu non seulement dans l’Egypte, dans la Palestine, dans la Phénicie et la Syrie, mais encore dans la Babylonie et dans les provinces au-delà de l’Euphrate ; elles étaient sévèrement défendues aux prêtres du vrai Dieu (voir
Lévitique, 21, vv. 5, 10).
31 Or ils rugissent en criant devant leurs dieux, comme au repas d'un mort.Note Bar. 6,31 : Ils rugissent, etc. Dans les repas qui se faisaient en l’honneur des morts, et souvent près du tombeau, les parents manifestaient leur douleur par des cris et des lamentations.
32 Les prêtres enlèvent leurs vêtements, et en revêtent leurs femmes et leurs enfants.33 S'ils éprouvent quelque mal de la part de quelqu'un, et quelque bien, ils ne peuvent le rendre; et ils ne peuvent constituer un roi, ni le renverser.34 Pareillement ils ne peuvent ni donner des richesses, ni rendre le mal. Si quelqu'un voue un vœu et ne l'acquitte pas, ils ne s'en mettent pas en peine.35 Ils ne délivrent pas un homme de la mort ; ils n'arrachent pas le faible de la main d'un plus puissant.36 Ils ne rendent pas la vue à un homme aveugle, et de la détresse ils ne retirent pas un pauvre.37 Ils n'auront pas pitié d'une veuve, et ils ne feront point de bien à des orphelins.38 Aux pierres de la montagne sont semblables leurs dieux, dieux de bois et de pierre, et d'or et d'argent. Or ceux qui les adorent seront confondus.39 Comment donc doit-on estimer ou dire qu'ils sont dieux?
40 Car encore les Chaldéens eux-mêmes ne les honorent pas; lorsqu'ils ont appris qu'un muet ne peut parler, ils l'offrent à Bel, lui demandant qu'il parle;Note Bar. 6,40 : Bel ; le grand dieu chaldéen.
41 Comme s'ils pouvaient sentir, ces dieux qui n'ont pas le mouvement ; et les Chaldéens eux-mêmes, lorsqu'ils auront compris cette impuissance, ils les abandonneront; car leurs dieux eux-mêmes n'ont pas le sentiment.42 Des femmes ceintes avec des cordes sont assises sur les chemins, brûlant des noyaux d'olives.Note Bar. 6,42 : Brûlant des noyaux d’olive ; en sacrifice. Hérodote dit que les femmes de Babylone offraient un pareil sacrifice à Vénus, une fois en leur vie.
43 Et lorsque quelqu'une d'entre elles, entraînée par quelque passant, a dormi avec lui, elle reproche à celle qui est auprès d'elle, qu'elle n'en a pas été jugée digne, et que sa corde n'a pas été rompue.44 Or tout ce qui se fait pour ces dieux est faux, comment doit-on estimer ou dire qu'ils sont dieux?
45 Mais c'est par des ouvriers en bois et par des orfèvres qu'ils ont été faits. Ils ne seront rien que ce que veulent les prêtres.Note Bar. 6,45 : Ouvriers en bois. Voir le verset 7.
46 Et les artistes eux-mêmes qui les font ne sont pas d'un long temps. Est-ce donc que les choses qui ont été fabriquées par eux peuvent être des dieux?47 Mais ils ont laissé faussetés et opprobre aux hommes à venir.48 Car lorsqu'il leur survient une guerre et d'autres maux, les prêtres pensent en eux-mêmes où ils se cacheront avec eux.Note Bar. 6,48 : Avec eux ; c’est-à-dire avec leurs dieux.
49 Comment donc doit-on croire qu'ils sont dieux, ceux qui ne peuvent ni se délivrer de la guerre, ni s'arracher aux autres maux?
50 Car puisqu'ils sont de bois, et recouverts d'or et d'argent, il sera reconnu après cela par toutes les nations et tous les rois qu'ils sont faux; d'où il est manifeste que ce ne sont pas des dieux, mais l'œuvre de la main des hommes, et qu'il n'y a aucun ouvrage de Dieu en eux.Note Bar. 6,50 : Il est manifeste ; littéralement lesquelles choses sont manifestes.
51 De là donc il est reconnu qu'ils ne sont pas des dieux, mais des ouvrages des mains des hommes, et qu'il n'est aucune œuvre de Dieu en eux.Note Bar. 6,51 : Aucune œuvre, etc. ; c’est-à-dire il n’y a rien de divin en eux.
52 Ils ne susciteront pas un roi pour un pays, et ils ne donneront pas de la pluie aux hommes ;53 Et même ils ne discerneront pas un jugement, et ils ne délivreront point les provinces de la violence, parce qu'ils ne peuvent rien, comme des corneilles qui volent entre le ciel et la terre.Note Bar. 6,53 : Ils ne discerneront, etc. ; ils ne jugeront par les différends des hommes par un miracle, comme Dieu fit pour celui qui s’éleva entre Aaron et Coré, Dathan et Abiron (voir Nombres, chapitre 16).
54 Car lorsque le feu sera tombé sur la maison de ces dieux de bois, d'argent et d'or, leurs prêtres à la vérité s'enfuiront et seront sauvés; mais eux, comme les poutres d'une maison, ils seront brûlés au milieu des flammes.55 De plus, ils ne résisteront pas à un roi ni à une guerre. Comment donc doit-on estimer ou admettre qu'ils sont dieux?
56 Des voleurs et des larrons, ils ne se sauveront pas, ces dieux de bois, et de pierre, et dorés, et argentés; ceux-là, qui sont plus forts qu'eux,57 Leur enlèveront l'or et l'argent, et les vêtements dont ils sont couverts, et s'en iront; et ces dieux ne se porteront point secours,58 C'est pourquoi il vaut mieux être un roi qui déploie sa puissance, ou un vase utile dans une maison, et dont se glorifiera celui qui le possède; ou la porte d'une maison, laquelle garantit ce qui y est, que d'être l'un des faux dieux.59 Assurément le soleil, la lune et les astres, quoique resplendissants et envoyés pour l'utilité des hommes, obéissent à Dieu.60 Pareillement aussi l'éclair, lorsqu'il paraît, est remarquable ; de même le vent souffle dans toutes les contrées.61 Et les nuées, lorsqu'il leur est commandé de la part de Dieu de parcourir tout le globe, accomplissent ce qui leur a été commandé.62 De plus le feu, envoyé d'en haut afin de consumer les montagnes et les forêts, fait ce qui lui a été ordonné. Or ces dieux, ni en beauté ni en puissance ne sont semblables à aucune de ces créatures.63 D'où on ne doit ni estimer ni dire qu'ils sont dieux, puisqu'ils ne peuvent ni juger une cause ni faire quelque chose aux hommes.64 Sachant qu'ils ne sont pas dieux, ne les craignez donc point.
65 Car ils ne maudiront ni ne béniront les rois.66 Ils ne marquent pas non plus pour les nations les signes dans le ciel, ils ne luiront pas comme le soleil, et ils n'éclaireront pas comme la lune.67 Les bêtes sont meilleures qu'eux; elles peuvent s'enfuir sous un toit, et être utiles à elles-mêmes.68 C'est pourquoi il nous est manifeste qu'ils ne sont dieux en aucune manière ; à cause de quoi ne les craignez point.
69 Car comme en un champ de concombre un épouvantail ne préserve rien, ainsi sont leurs dieux de bois recouverts d'argent et d'or.Note Bar. 6,69 : Un épouvantail qu’on a mis dans un champ effraye d’abord les oiseaux ; mais ils découvrent bientôt ce qu’il est réellement, et dès lors il ne leur inspire plus aucune crainte.
70 De la même manière est dans un jardin l'aubépine, sur laquelle toute espèce d'oiseau se perche. Pareillement, à un mort jeté dans les ténèbres sont semblables leurs dieux de bois et dorés et argentés.Note Bar. 6,70 : L’aubépine ne nuit pas aux oiseaux qui se perchent sur ses branches et ne les effraie pas.
71 Par la pourpre aussi et par l'écarlate qui est sur eux et que rongent les vers, vous saurez donc qu'ils ne sont pas dieux. Eux-mêmes aussi enfin sont mangés, et ils seront un opprobre dans le pays.72 Mieux vaut l'homme juste qui n'a point de simulacres ; car il sera loin des opprobres.