David apprend la fuite d’Israël et la mort de Saül et de Jonathas.
Il fait mourir celui qui se vantait d’avoir tué Saül.
Plainte de David sur la mort de Saül et de Jonathas.
1 Or, il arriva, après que Saül fut mort, que David revint de la défaite d'Amalec, et qu'il demeura à Siceleg pendant deux jours.2 Mais au troisième jour, il parut un homme, venant du camp de Saül, le vêtement déchiré et la tête couverte de poussière; et dès qu'il arriva auprès de David, il tomba sur sa face, et se prosterna.3 Et David lui demanda : D'où viens-tu? Celui-ci lui répondit : Je me suis échappé du camp d'Israël.4 David lui demanda encore : Qu'est-ce qui a été fait ? Apprends-le moi. Il répondit : Le peuple s'est enfui de la bataille, et beaucoup d'entre le peuple, ayant succombé, sont morts; et Saül même et Jonathas son fils ont péri.Note II Rois 1,4 : Qu’est-ce qui a été fait ? Que s’est-il passé ? Qu’est-il arrivé ? littéralement : Quelle chose ; car le terme hébreu que la Vulgate a rendu ici par parole, signifie aussi chose, affaire.
5 Et David dit au jeune homme qui lui apportait la nouvelle : D'où sais-tu que Saül est mort, et Jonathas son fils ?6 Et le jeune homme qui lui apportait la nouvelle lui répondit: Je suis venu par hasard sur la montagne de Gelboé, et Saül était appuyé sur sa lance ; or, les chariots et les cavaliers s'avançaient vers lui,Note II Rois 1,6 : Saül était appuyé, etc. L’Amalécite dit ce qu’il veut pour s’attribuer le prétendu mérite d’avoir tué l’ennemi de David ; car, comme on l’a vu au chapitre précédent, Saül s’était jeté sur son glaive pour se tuer lui-même.
7 Et s'étant retourné, et me voyant, il m'a appelé. Et quand je lui eus répondu : Me voici,8 Il me demanda : Qui es-tu ? Et je lui répondis : Je suis Amalécite.9 Alors il me dit : Jette-toi sur moi, et tue-moi, parce que je suis en proie aux angoisses, et que toute mon âme est encore en moi.10 Me jetant donc sur lui, je le tuai ; car je savais qu'il ne pouvait pas vivre après son désastre; alors je pris le diadème qui était sur sa tête, et le bracelet de son bras, et je les apportai ici à vous, mon seigneur.Note II Rois 1,10 : Les hommes, surtout ceux qui étaient élevés en dignité, portaient des bracelets de même que les femmes. On sait que les Romains en donnaient aussi bien que des couronnes d’or à ceux qui s’étaient distingués par leur valeur dans les combats.
11 Mais David prenant ses vêtements, les déchira; ce que firent aussi tous les hommes qui étaient avec lui.Note II Rois 1,11 : Déchirer ses vêtements était une marque de deuil commune aux anciens peuples.
12 Et ils furent dans le deuil, et ils pleurèrent et ils jeûnèrent jusqu'au soir, au sujet de Saül, de Jonathas, son fils, du peuple du Seigneur et de la maison d'Israël, parce qu'ils avaient succombé au glaive.
13 Et David dit au jeune homme qui lui avait apporté la nouvelle : D'où es-tu? Il répondit : Je suis fils d'un étranger, d'un Amalécite.14 Et David lui dit : Pourquoi n'as-tu pas craint de lever ta main, pour tuer le christ du Seigneur?15 Et David appelant un de ses serviteurs, dit : Approche - toi, jette-toi sur lui. Le serviteur le frappa, et il mourut,16 Et David ajouta : Ton sang sur ta tête ! car ta bouche a parlé contre toi, disant : C'est moi qui ai tué le christ du Seigneur.
17 Alors David fit entendre cette complainte sur Saül et sur Jonathas, son fils18 (Et il ordonna qu'on enseignât l'arc aux enfants de Juda, comme il est écrit dans le Livre des Justes), et il dit : Considère, ô Israël, ceux qui sont morts sur tes hauts lieux, couverts de blessures.Note II Rois 1,18 : L’arc. Il nous paraît très simple et très naturel de considérer ce mot, qui a fort embarrassé les commentateurs, comme le titre de la complainte ou élégie de David, parce que l’auteur y fait surtout l’éloge de l’arc de Saül et de celui de Jonathas. Les écrivains profanes en ont souvent usé ainsi dans leurs compositions. ― Tes hauts lieux, les lieux élevés.
19 Les illustres, ô Israël, ont été tués sur tes montagnes : comment des forts sont-ils tombés?
20 Ne l'annoncez pas dans Geth, ne l'annoncez pas dans les carrefours d'Ascalon, de peur que les filles des Philistins ne se livrent à la joie, et que les filles des incirconcis ne bondissent d'allégresse.Note II Rois 1,20 : Geth, l’une des cinq villes principales des Philistins, au pied des montagnes de Juda. ― Ascalon, dans la plaine de la Séphéla, sur la Méditerranée, ville forte des Philistins.
21 Montagnes de Gelboé, que ni pluie, ni rosée ne viennent sur vous : qu'il n'y ait point de champs de prémices, parce que là a été jeté un bouclier de forts, le bouclier de Saül, comme s'il n'avait pas été oint avec l'huile.Note II Rois 1,21 :
Comme s’il n’avait pas été, etc. Quelques interprètes rapportent ces paroles au bouclier de Saül ; mais la plupart les appliquent à Saül lui-même, qui avait été oint ou sacré avec l’huile sainte. ―
Gelboé. Voir
1 Rois, 18, 4.
22 La flèche de Jonathas n'est jamais retournée en arrière, sans avoir du sang de ceux qui ont été tués, et de la graisse des forts, et le glaive de Saül n'est pas revenu en vain.Note II Rois 1,22 : Sans avoir du sang. C’est la seule traduction admissible ; car, outre que le contexte l’exige, ce passage est un de ceux dans lesquels la Vulgate, à l’exemple de la Version grecque, donne aux particules hébraïques leur sens le plus ordinaire, bien qu’elles y aient leur signification moins usitée.
23 Saül et Jonathas, aimables et beaux dans leur vie, même à leur mort, n'ont pas été séparés ; plus rapides que des aigles, plus forts que des lions.
24 Filles d'Israël, pleurez sur Saül, qui vous revêtait d'écarlate au milieu des délices, et vous fournissait de l'or pour votre parure.25 Comment des forts sont-ils tombés dans la bataille? Jonathas a été tué sur tes hauteurs.
26 Je pleure sur toi, mon frère, Jonathas, de la plus grande beauté, aimable au-dessus de l'amour des femmes. Comme une mère aime son fils unique, ainsi moi je te chérissais.
27 Comment des forts sont-ils tombés, et des armes guerrières ont-elles péri?Note II Rois 1,27 : L’élégie de David sur la mort de Saül et de Jonathas portait le nom de chant de l’arc. Elle est composée avec beaucoup d’art. Il y a dans l’original deux vers d’introduction et deux de conclusion ; les derniers mots du verset 19 sont les mêmes que les premiers du verset 27. Les vers du verset 27 sont plus courts, comme terminant le poème. ― L’élégie elle-même renferme cinq strophes très distinctes par le sens. La première et la seconde, la quatrième et la cinquième, sont de quatre vers ; la troisième formant le milieu, a six vers et est ainsi de tous points la plus longue. ― Introduction, versets 18 et 19 : Thème de l’élégie. ― 1re strophe, verset 20 : La douleur ne doit pas éclater, afin de ne pas réjouir les ennemis. ― 2e strophe, verset 21 : Malédiction contre Gelboé, où les héros sont tombés. ― 3e strophe, versets 22 et 23 : Eloge commun de Jonathas et de Saül. Les deux parties de cette strophe médiale sont symétriques. ― 4e strophe, verset 24 : Eloge particulier de Saül ; les filles d’Israël doivent le pleurer. ― Répétition du refrain, verset 25. ― 5e strophe, versets 25 et 26 : Eloge particulier de Jonathas, son ami. ― Conclusion et refrain, verset 27. ― On peut comparer, au point de vue littéraire, le poème de David à l’ode XX du Ier livre d’Horace, et à l’élégie de Malherbe à Duperrier sur la mort de sa fille.