Ruine de Babylone par les Mèdes et les Perses.
1 Malheur accablant de Babylone qu'a vu Isaïe, fils d'Amos.Note Is. 13,1 et suivants : IIIe groupe : Collection des prophéties contres les nations étrangères, du chapitre 13 au chapitre 27. ― Les oracles contre les nations étrangères sont groupés ensemble dans Isaïe, du chapitre 13 au chapitre 27, comme dans Jérémie, du chapitre 46 au chapitre 51, et dans Ezéchiel, du chapitre 25 au chapitre 32. Seulement, dans Jérémie, ils forment, séparés de leur introduction, chapitre 25, la conclusion du livre, et dans Ezéchiel, ils remplissent l’intervalle compris entre les visions qu’il eut sur les bords du Chaboras et celles qui regardent Jérusalem, tandis que dans Isaïe, ils forment comme le complément de la prophétie d’Emmanuel, en nous prédisant la ruine de tous les ennemis du peuple de Dieu, et sont probablement, la plupart du moins, de la même époque que les chapitres 7 à 12. ― Le commencement d’une nouvelle section nous est indiqué, chapitre 13, verset 1, par les mots :
Malheur accablant, etc. Les prophéties contre les nations étrangères, contenues dans les chapitres 13 à 27, forment donc le troisième groupe des prophéties de la première partie d’Isaïe. Elles portent un nom particulier, celui de
massâh, en hébreu,
onus en latin, traduit ici par
malheur accablant. Ce mot peut signifier simplement prophétie ; mais dans Isaïe, il est toujours pris en mauvaise part, dans le sens de prédiction menaçante. ― Les prophéties contre les nations étrangères embrassent à peu près tous les peuples connus des Hébreux, et sont au nombre de quatorze : 1° Contre les Chaldéens, héritiers des Assyriens, du chapitre 13 au chapitre 14, verset 23. ― 2° Contre les Assyriens, chapitre 14, versets 24 à 27. ― 3° Contre les Philistins, chapitre 14, versets 28 à 32. ― 4° Contre les Moabites, chapitres 15 et 16. ― 5° Contre Damas et Israël, chapitre 17. ― 6° Sur l’Ethiopie, maîtresse de l’Egypte du temps d’Isaïe, chapitre 18. ― 7° Contre l’Egypte, chapitres 19 et 20 (deux prophéties d’époques différentes). ― 8° Contre Babylone, chapitre 21, versets 1 à 10. ― 9° Contre Duma (voir
Genèse, 25, 14 ;
1 Paralipomènes, 1, 30), versets 11 et 12. ― 10° Contre l’Arabie, versets 13 à 17. ― 11° Contre Jérusalem, chapitre 22, versets 1 à 14. ― 12° Contre Sobna, préposé du temple, versets 15 à 25. ― 13° Contre et en faveur de Tyr, chapitre 23. ― 14° A ses prophéties contres les païens, Isaïe a joint ses oracles eschatologiques, c’est-à-dire les prophéties concernant la fin du monde, du chapitre 24 au chapitre 27. ― Le cycle de ces prophéties s’ouvre par Babylone, qui devait être l’héritière de la puissance de Ninive et l’ennemi le plus redoutable de Juda, du chapitre 13 au chapitre 14, verset 27 ; viennent ensuite les plus proches voisins des Juifs, les Philistins à l’ouest, chapitre 14, verset 28 à 32 ; les Moabites à l’est, chapitres 15 et 16 ; le royaume schismatique d’Israël au nord, avec son confédéré, le royaume syrien de Damas, chapitre 17 ; de là Isaïe passe aux plus peuples plus éloignés, à l’Egypte et à l’Ethiopie, au sud-ouest, du chapitre 18 au chapitre 20 ; à Babylone, siège de l’idolâtrie, à l’est, chapitre 21, versets 1 à 10 ; il se rapproche alors de nouveau de Jérusalem et, passant par l’Idumée, versets 11 et 12, et l’Arabie, versets 13 à 17, arrive jusqu’à cette capitale, chapitre 22, versets 1 à 14 ; là, il poursuit de ses menaces prophétiques Sobna, préposé du temple, et lui annonce qu’il aura pour successeur Eliacim, versets 15 à 25 ; enfin ses regards s’arrêtent sur Tyr, la ville insulaire de la Méditerranée, chapitre 23, pour tout clore par la prophétie sur la fin des temps, du chapitre 24 au chapitre 27. ― Toutes les prophéties concernant les peuples païens ont été littéralement accomplies. Leur sort est la figure de celui qui attend les ennemis du peuple de Dieu, sort qui nous est révélé dans la conclusion de cette section des prophéties d’Isaïe.
Note Is. 13,1 :
Malheur accablant ; littéralement
charge, fardeau (onus) ; c’est selon la remarque de saint Jérôme, le mot dont se servent les prophètes, lorsqu’ils annoncent des malheurs, des calamités. Ainsi le sens de ce mot est ici
prophétie de malheur (voir
Isaïe, 15, 1 ;
17, 1 ;
19, 1 ;
Ezéchiel, 12, 10 ;
Habacuc, 1, 1 ;
Zacharie, 9, 1). ―
Babylone, dans le langage figuré des prophètes, représente le monde idolâtre, le monde ennemi de Jésus-Christ. De là vient que saint Pierre, dans sa Ire Epître
(voir
1 Pierre, 5, 13), et saint Jean dans
Apocalypse, 17, 5 désignent Rome païenne sous le nom de
Babylone.
2 Sur une montagne couverte de nuages, levez un étendard, haussez la voix, levez la main, et que dans ses portes entrent les chefs.3 Moi, j'ai donné mes ordres à mes sanctifiés, et j'ai dans ma colère appelé mes forts qui exultent dans ma gloire.Note Is. 13,3 : Mes sanctifiés ; ceux que j’ai consacrés, destinés à la reconstruction de Babylone ; c’est-à-dire les Mèdes et les Perses. ― Mes forts, etc. ; mes guerriers, qui travaillaient avec joie pour ma gloire.
4 La voix d'une multitude sur les montagnes est comme celle de peuples nombreux; voix retentissante de rois, de nations réunies; le Seigneur des armées a commandé à la milice de guerre,Note Is. 13,4 : Sur les montagnes. Les montagnes les plus rapprochées de Babylone sont celles du Schahon ou Zagros, au nord-est. C’est par là que devaient arriver les Iraniens, les Perses, pour s’emparer de Babylone.
5 A ceux qui venaient d'une terre lointaine, de l'extrémité du ciel; le Seigneur et les instruments de sa fureur s'avancent pour perdre entièrement toute la terre.Note Is. 13,5 : De l’extrémité du ciel ; de l’extrémité de l’horizon.
6 Poussez des hurlements, parce qu'est proche le jour du Seigneur; il viendra du Seigneur comme une dévastation.7 A cause de cela toutes les mains seront affaiblies, et tout cœur d'homme se desséchera,8 Et sera brisé. Des tourments et des douleurs les tiendront; ils souffriront comme une femme en travail; chacun regardera son voisin avec stupeur ; leurs visages seront comme des faces brûlées par le feu.
9 Voici que le jour du Seigneur viendra cruel et plein d'indignation, et de colère et de fureur, pour réduire la terre en solitude, et en exterminer ses pécheurs.10 Parce que les étoiles du ciel et leur splendeur ne répandront pas leur lumière; le soleil s'est couvert de ténèbres à son lever; et la lune ne luira pas dans sa lumière;Note Is. 13,10 : Voir
Ezéchiel, 32, 7 ;
Joël, 2, 10 ;
3, 15 ;
Luc, 21, 25. ― Des signes semblables doivent précéder le dernier avènement de Jésus-Christ qui viendra frapper d’anathème les réprouvés représentés par cette Babylone impie. Voir
Matthieu, 24, 29 ;
Marc, 13, 24-25.

Isaïe 13, 11-22 : Isaïe voit en songe Babylone détruite - Gravure de Gustave Doré
11 Et je visiterai les crimes de l'univers, ainsi que l'iniquité des impies, et je ferai cesser l'orgueil des infidèles, et l'arrogance des forts, je l'humilierai.Note Is. 13,11 : L’univers désigne ici particulièrement l’empire babylonien.
12 L'homme de haute condition sera plus précieux que l'or, et l'homme de basse condition plus précieux que l'or le plus pur.Note Is. 13,12 : Plus précieux ; c’est-à-dire plus rare.
13 De plus, j'ébranlerai le ciel, et la terre sortira de son lieu, et la terre sortira de son lieu, à cause de l'indignation du Seigneur des armées, et à cause du jour de la colère de sa fureur.Note Is. 13,13 : La colère de sa fureur ; hébraïsme, pour sa colère très grande, très violente.
14 Et elle sera comme une daine fuyant, et comme une brebis, et il n'y aura personne qui la réunisse ; chacun retournera vers son peuple, et les uns après les autres dans leur pays s'enfuiront.Note Is. 13,14 : Elle ; l’armée des Chaldéens, ou Babylone ; ce qui revient au même. ― Chacun, etc. Isaïe parle des soldats étrangers qui s’étaient joints aux Babyloniens, comme troupes auxiliaires. ― La daine et la gazelle sont timides et fuient avec une grande rapidité.
15 Quiconque sera trouvé sera tué, et quiconque se présentera, tombera sous le glaive.Note Is. 13,15 : Quiconque sera trouvé dans Babylone. ― Quiconque se présentera ; c’est-à-dire se joindra aux Babyloniens.
16 Leurs enfants seront écrases sous leurs yeux, leurs maisons seront pillées, et leurs femmes seront violées.Note Is. 13,16 : Voir
Psaumes, 136, 9. ―
Leurs enfants seront écrasés. Les inscriptions assyriennes mentionnent expressément ce traitement barbare, infligé aux enfants des vaincus. Babylone sera punie de sa cruauté par un traitement semblable.
17 Et voilà que moi je susciterai contre eux les Mèdes, qui ne chercheront pas d'argent et qui ne voudront pas d'or.Note Is. 13,17 : Les Mèdes. Les Mèdes étaient déjà en guerre avec les rois d’Assyrie avant cette époque. Un roi de Ninive les mentionne vers l’an 810 avant Jésus-Christ. Leur nom ne désigne pas seulement ici les Mèdes proprement dits, mais aussi les Perses. En Egypte les Perses reçurent aussi le nom de Mèdes. Les Perses sont nommés pour la première fois dans l’Ancien Testament par Ezéchiel et par Daniel. Cyrus, dans les inscriptions qu’on a retrouvées de lui, ne prend pas lui-même le titre de Perse. Ce roi, dans la Cyropédie, V, 3, de Xénophon, en s’adressant à ses soldats, ne nomme aussi expressément que les Mèdes. ― Dans un autre passage de la Cyropédie, X, 1, 20, Cyrus demande aux Mèdes « qui n’ont pas besoin de richesses » d’aller avec lui.
18 Mais de leurs flèches ils tueront les petits enfants, et ils n'auront pas pitié des seins qui allaitent, et les fils, leur œil ne les épargnera pas.19 Et cette Babylone, glorieuse parmi les royaumes, illustre orgueil des Chaldéens, sera renversée, comme le Seigneur renversa Sodome et Gomorrhe.20 Elle ne sera jamais habitée ; et elle ne sera pas rétablie dans la suite des générations, et l'Arabe n'y dressera pas ses tentes, et les pasteurs n'y reposeront point.Note Is. 13,20 : L’Arabe, n’ayant pas de demeure fixe, allait d’un endroit dans un autre dresser ses tentes partout où il trouvait des pâturages pour ses bestiaux. ― Elle ne sera jamais habitée. Cette prédiction ne s’accomplit que quelques siècles après, mais elle se réalisa pleinement. Cyrus s’empara de Babylone, mais il n’en renversa pas les murailles. Darius, fils d’Hystaspe, qui reprit Babylone pour la seconde fois, en 518, réduisit ses remparts à 50 coudées de hauteur. Xerxès ruina le fameux temple de Bel, l’orgueil de la cité. Quand Alexandre voulut faire de Babylone la capitale de son vaste empire, dix mille ouvriers furent occupés pendant deux mois à déblayer les fondements du temple. Toutefois Babylone ne devait plus voir revivre sa gloire. Le conquérant macédonien mourut sans avoir pu réaliser son projet, et l’un de ses généraux, Séleucus Nicator, en 312, ruina pour toujours la ville de Nabuchodonosor. Il construisit avec ses débris la ville de Séleucie, qui lui enleva même quelques temps son nom, dit Etienne de Byzance, et dont le voisinage, comme le dit Pline, la réduisit en solitude. Strabon, né vers l’an 60 avant notre ère, lui appliqua le mot d’un poète : « La grande ville est devenue un grand désert » (XVI, 15). La malédiction divine dure encore. Une ville, Hillah, s’est élevée non loin d’elle ; l’Arabe nomade dresse ses tentes à ses côtés, mais ses ruines sont toujours désertes et habitées seulement par les animaux sauvages.
21 Mais les bêtes sauvages s'y reposeront; et ses maisons seront remplies de dragons; et les autruches y habiteront, les boucs y bondiront.Note Is. 13,21-22 : Le vrai sens des noms des animaux énumérés dans le texte hébreu est encore incertain dans plusieurs cas. La plupart des interprètes croient y retrouver les chacals et les loups.
Note Is. 13,21 : Les boucs (pilosi) ; selon les Septante, les démons. On se représentait, en effet, les démons sous la forme de boucs vivant dans les déserts, parce qu’on les honorait sous cette forme. ― Un voyageur allemand, Joseph Wolff, raconte qu’il vit une nuit, au milieu des ruines de Babylone, des pèlerins de la secte des Jézidis ou adorateurs du diable, se livrant aux exercices diaboliques de leur culte, en exécutant au clair de lune les danses les plus étranges.
22 Et les hibous y répondront dans ses édifices, et les sirènes dans ses palais voluptueux.Note Is. 13,22 :
Répondront ; feront entendre leur cri alternativement. Comparer, pour la fin de ce chapitre, à
Isaïe, 34, 13-15, où on trouve une description semblable.