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Autrefois, à la vérité, ignorant Dieu, vous étiez asservis à ceux qui par leur nature ne sont pas dieux.
Biographies des papes - Catholic Encyclopedia 1913

St Calixte Ier

Martyr, mort en 223. Son contemporain, Julius Africanus, donne comme date de son accession la première (ou la seconde?) année d'Elagabalus, c'est à dire 218 ou 219. Eusèbe et le Catalogue Libérien s'accordent à lui attribuer cinq années d'épiscopat. Ses Actes sont apocryphes, mais il est le premier pape trouvé dans le Deposito Martirum du quatrième siècle, et c'est une preuve suffisante pour affirmer qu'il mourut en martyre, bien qu'il vécût en temps de paix sous Septime Sévère, dont la mère était chrétienne. Nous apprenons par l'Historiae Augustae qu'un site sur lequel il avait établi un oratoire fut réclamé par les taverniers, popinarii, mais l'empereur décida que le culte d'un dieu, quel qu'il fût, valait mieux qu'une taverne. Ce lieu est dit être l'origine de Santa Maria in Trastevere, qui fut construite, selon le Catalogue Libérien, par le pape Jules. En fait, l'église de Saint Calixte est près de là, contenant un puits où la légende rapporte que son corps fut jeté, et c'est probablement cette église-là qu'il construisit, plutôt que la basilique environnante, plus célèbre. Il fut enterré au cimetière de Calepodius sur la Voie Aurélienne, et son anniversaire est indiqué par le Deposito Martirum ( Callisti in viâ Aureliâ miliario III) et par les martyrologes ultérieurs au 14 octobre, date à laquelle sa fête est toujours souhaitée. Ses reliques furent transférées au neuvième siècle à Santa Maria in Trastevere.

Notre principale source de connaissance au sujet de ce pape vient de ses ennemis, Tertullien et l'antipape qui écrivit le Philosophumena, Hippolyte sans aucun doute. Leurs calomnies sont probablement basées sur des faits réels. Selon le Philosophumena (c.ix) Calixte était l'esclave de Carpophore, un chrétien de la maison de César. Son maître fournissait à Calixte de fortes sommes d'argent, avec lesquelles il fonda une banque dans laquelle les frères et les veuves plaçaient de l'argent, dont Calixte perdit la totalité. Alors il s'enfuit. Carpophore le suivit à Portus, où Calixte avait embarqué sur un navire. Voyant son maître approcher en bateau, l'esclave sauta à la mer, mais fut empêché de se noyer, ramené sur le rivage, et condamné à la punition réservée aux esclaves, le pistrinum, ou moulin à main. Les frères, croyant qu'il avait encore de l'argent à son nom, demandèrent sa libération. Mais il n'avait rien, aussi chercha-t-il de nouveau la mort en insultant les juifs dans leur synagogue. Les juifs le traînèrent devant le préfet Fuscianus. Carpophore déclara que Calixte ne pouvait être considéré comme chrétien, mais on pensa qu'il essayait de sauver son esclave, et Calixte fut envoyé aux mines de Sardaigne. Peu après cela, Marcia, la maîtresse de Commode, envoya chercher le pape Victor et demanda s'il y avait quelques martyrs en Sardaigne. Il lui donna la liste, sans y inclure Calixte. Marcia envoya un eunuque qui était un prêtre (ou "ancien") pour relâcher les prisonniers. Calixte se jeta à ses pieds, et le persuada de le prendre aussi. Victor fut ennuyé; mais étant un homme de compassion, il garda le silence. Cependant, il envoya Calixte à Antium avec une pension mensuelle. Quand Zéphyrin devint pape, Calixte fut rappelé et envoyé au cimetière appartenant à l'Eglise, et qui n'était pas une catacombe privée; il a, depuis ce temps, porté le nom de Calixte. Il gagna une grande influence sur les ignorants et les illettrés, et parvint à circonvenir Zéphyrin par des pots-de-vin. On ne nous dit pas comment il advint que cet esclave en fuite (maintenant libéré du droit romain par son maître, qui avait perdu ses droits quand Calixte fut condamné à la servitude par l'Etat) devint archidiacre puis pape.

Döllinger et De Rossi ont démonté ce scandale contemporain. Pour commencer, Hippolyte ne dit pas que Calixte perdit par sa propre faute l'argent qui lui avait été confié en dépôt. A l'évidence, il sauta du bateau plutôt pour s'échapper que pour se suicider. Que Carpophore, un chrétien, pût condamner un esclave chrétien à la peine horrible du pistrinum ne plaide pas beaucoup en faveur du caractère de ce maître. L'intercession des chrétiens pour Calixte est en sa faveur. Il est absurde de supposer qu'il chercha la mort en attaquant une synagogue; il est clair qu'il demanda aux emprunteurs juifs de lui rendre ce qu'ils lui devaient, en prenant quelque risque pour lui-même. La déclaration de Carpophore que Calixte n'était pas chrétien était scandaleuse et fausse. Si le pape Victor alloua à Calixte une pension mensuelle, on ne peut supposer qu'il regretta sa libération. Il est invraisemblable de penser que Zéphyrin ait pu être ignorant et vil. Calixte aurait eu grand peine à s'élever aussi haut sans des talents considérables, et l'esprit de vindicte montré par Hippolyte et sa théologie défectueuse explique pourquoi Zéphyrin plaça sa confiance en Calixte plutôt qu'en un érudit disciple d'Irénée.

L'orthodoxie de Calixte est attaquée par Hippolyte et par Tertullien sur la base du célèbre édit par lequel il garantissait la communion contre paiement d'une amende à ceux qui avaient commis l'adultère et la fornication. Il est clair que Calixte basa ce décret sur le pouvoir de lier et délier accordé à Pierre, à ses successeurs et à toute la communion avec eux: "Quant à ta décision," crie le Montaniste Tertullien, «Je te le demande, d'où vient que tu oses usurper le pouvoir de l'Eglise? Si c'est parce que le Seigneur a dit à Pierre: 'Sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, je te donnerai les clefs du royaume des cieux' ou 'quoi que tu puisses lier et délier sur la terre sera lié et délié dans les cieux' que tu présumes que ce pouvoir de lier et délier t'a été conféré à toi aussi, alors que c'est à toute Eglise en communion avec celle de Pierre » (ad omnem ecclesiam Petri propinquam, i.e. Petri ecclesiae propinquam). « Qui es-tu pour détruire et altérer l'intention manifeste du Seigneur, qui conféra cela à Pierre personnellement, et à lui seul? » (De Pudicitia, xxi.) L'édit fut un ordre à toute l'Eglise (ib.,i): «J'apprends qu'un édit a été publié, et un édit péremptoire; l'évêque des évêques, ce qui signifie le Pontifex Maximus, proclame: «Je remets le crime d'adultère et de fornicatrion à ceux qui ont fait pénitence». Sans aucun doute Hippolyte et Tertullien se référaient à une coutume des temps anciens et le pape, en décrétant la relaxe, fut regardé comme publiant une nouvelle loi. Sur ce point il n'est pas nécessaire de justifier Calixte. Un autre grief d'Hippolyte contre Calixte est qu'il ne contraignit pas à la repentance publique les hérétiques convertis pour les péchés commis en dehors de l'Eglise (cette position mitigée était courante au temps de St Augustin), qu'il avait reçu dans son "école" ceux qu'Hippolyte avait excommuniés de son "Eglise" (c'est à dire de sa secte), qu'il déclara qu'un péché mortel n'était pas ("toujours", pouvons-nous ajouter) une raison suffisante pour déposer un évêque. Tertullien (De Exhort. Castitatis, vii) parle avec réprobation d'évêques qui avaient été mariés plus d'une fois, et Hippolyte charge Calixte en l'accusant d'être le premier à avoir permis cela, contre la règle de Saint Paul. Mais en Orient, les mariages contractés avant le baptême n'étaient pas comptés, et en tout cas cette loi est de celles dont le pape peut se dispenser si la nécessité s'en fait sentir. Calixte autorisa encore le bas-clergé à se marier et permit aux femmes de noble souche d'épouser des personnes de basse extraction, voire des esclaves, ce que le droit romain interdisait; il avait ainsi détourné une occasion d'infanticide. Ici encore Calixte insistait à juste titre sur la distinction entre le droit ecclésiastique du mariage et le droit civil, que les âges anciens avaient toujours enseignée. Hippolyte déclara aussi que le re-baptême (des hérétiques) fut pratiqué pour la première fois au temps de Calixte, mais il n'indique pas que Calixte en fût responsable. Au total, donc, il est clair que l'Eglise Catholique fait corps avec Calixte contre le schismatique Hippolyte et l'hérétique Tertullien. Pas un mot n'est dit contre le caractère de Calixte depuis sa promotion, ni contre la validité de son élection.

Hippolyte, cependant, regarde Calixte comme un hérétique. Maintenant, la propre christologie d'Hippolyte est des plus imparfaites, et nous dit que Calixte l'accusa de dithéisme. Il est alors inutile de s'étonner s'il appelle Calixte l'inventeur d'une forme modifiée de sabellianisme. En réalité il est certain que Zéphyrin et Calixte condamnèrent divers monarchiens et Sabellius lui-même aussi bien que l'erreur opposée d'Hippolyte. Il est suffisant de suggérer que Calixte suivit la foi catholique. Et en fait il ne peut être nié que l'Eglise de Rome doit avoir tenu une doctrine trinitaire pas très éloignée de celle qu'enseignait le contemporain aîné de Calixte, Tertullien, et par son contemporain beaucoup plus jeune, Novatien - une doctrine qui ne fut pas enseignée si explicitement dans la plus grande partie des églises d'Orient pendant une longue période suivant cette époque. Les accusations d'Hippolyte parlent en faveur de la sûre tradition de l'Eglise Romaine et pour sa parfaite orthodoxie et sa modération. Si nous en savions plus sur Calixte de source catholique, nous le verrions sans doute apparaître comme l'un des plus grands papes.


Les Actes de St. Calixte furent défendus sans critique dans les Acta SS., 14 Oct.; et par MORETTI, De S. Callisto P. et M. (Rome, 1752). Le Philosophumena fut publié pour la première fois en 1851. Sur l'histoire de Calixte, BUNSEN, Hippolytus and his Age (Londres, 1852), et CH. WORDSWORTH, St. Hippolytus and the Church of Rome (Londres, 1853) sont sans valeur. Le grand travail de DOLLINGER Hippolytus und Kallistus (Ratisbonne, 1853), tr. PLUMMER (Edinburgh, 1876) reste la meilleure autorité. Voir aussi DE ROSSI, Bulletino di Arch. Crist., IV (1886); NORTHCOTE AND BROWNLOW, Roma Sotterranea (Londres, 1879), I, 497-505. De Rossi observe que le Liber Pontificalis appelle Calixte le fils de Domitius et il a trouvé l'inscription Callistus Domitiorum sur quelques titres du début du deuxième siècle. De plus, il existe une inscription d'un Carpophore,un homme affranchi par Aurélius. L'édit de Calilxte sur la pénitence a été restauré avec trop d'assurance par ROLFFS, Das Indulgenz-Edikt des romischen Bischofs Kallist(Leipzig, 1893), Harnack pense que Calixte a également publié un décret sur le jeûne, et que d'autres écrits de sa main ont pu être connus du pseudo-Isidore, qui lui attribuait deux lettres (que l'on trouvera dans les Conciless, in HINSCHIUS, etc.); l'une de ces letrtes semble être liée à la décision attribuée à Calixte par Hippolyte; voir HARNACK, Chronol., II, 207-8. Sur la catacombe de Calixte, voir DE ROSSI, Roma Sotterranea (Rome, 1864-77); NORTHCOTE AND ROWNLOW, Roma Sotterranea (Londres, 1879).

JOHN CHAPMAN
Tiré de "Catholic Encyclopedia", copyright © 1913 by the Encyclopedia Press, Inc. Traduction française : Bertrand Blochet, Février 2000.