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Biographies des papes - Catholic Encyclopedia 1913

St Libère Ier

Le pape Jules mourut le 12 avril, selon le "Catalogue Libérien", et Libère fut consacré le 22 mai. Comme ce n'était pas un dimanche, le jour exact fut probablement le 17 mai. On ne sait rien de sa vie antérieure sinon qu'il était un diacre romain. Une épitaphe préservée en copie par un pèlerin du septième siècle est attribuée à Libère par De Rossi, suivi par de nombreux critiques, dont Duchesne. Les points principaux en sont que le pape confirma la Foi Nicéenne dans un concile, et mourut en exil pour la foi, à moins que nous n'interprétions "un martyr par l'exil". L'épitaphe est attribuée par Funk à Saint Martin. De Rossi, cependant, déclare que nul épigraphiste ne pourrait douter que les vers sont du quatrième et non du septième siècle; pourtant, il n'est pas facile de suivre la trace de Libère. Les textes de De Rossi dans "Inscr. Christ. Urbis Romæ", etc., II, 83, 85, et Duchesne, "Lib. Pont.", I, 209. Voir De Rossi in "Bull. Archeol. Crist." (1883), 5-62; et Von Funk in "Kirchengesch. Abhandl.", I (Paderborn, 1897), 391; Grisar in "Kirchenlex.", s. v.; Suvio, "Nuovi Studi", etc.

Ce sujet sera considéré sous les chapitres suivants:

I. LES PREMIERES ANNEES DE PONTIFICAT

Par la mort de Constant (Janvier 350), Constance II était devenu le maître de tout l'Empire, et tendait à vouloir unifier les chrétiens dans une forme modifiée de l'arianisme. Libère, comme Jules son prédécesseur, maintint l'acquittement d'Athanase à Sardica, et prit les décisions du concile de Nicée comme mesure de l'orthodoxie. Après la défaite finale de l'usurpateur Magnentius et sa mort en 353, Libère, en accord avec les voeux d'un grand nombre d'évêques italiens, envoya des légats à l'empereur en Gaule pour lui demander de tenir un concile. Constance faisait pression sur les évêques de Gaule pour condamner Athanase, et rassembla nombre d'entre eux à Arles où il avait pris ses quartiers d'hiver. Les évêques de la cour, qui accompagnaient constamment l'empereur, furent les maîtres du concile. Les légats du pape (parmi lesquels se trouvait Vincent de Capoue, qui avait été l'un des légats pontificaux du concile de Nicée) furent si faibles qu'ils consentirent à abandonner la cause d'Athanase, à la condition que tous condamneraient l'arianisme. Le parti de la cour accepta le marché, mais ne remplit pas sa part du contrat, et les légats furent forcés par la violence de condamner Athanase, sans obtenir aucune concession pour eux-mêmes. Libère, apprenant la nouvelle, écrivit à Hosius de Cordoue sa grande déception au sujet de Vincent; il préférait mourir lui-même plutôt que d'encourir l'accusation d'avoir accepté l'injustice et l'hétérodoxie. Une autre lettre de même teneur fut adressée par le pape à Saint Eusèbe, évêque de Vercelli, qui avait autrefois fait partie du clergé romain.

Auparavant, une lettre contre Athanase signée par beaucoup d'évêques était parvenue à Rome. L'empereur dépêcha à Alexandrie un envoyé spécial nommé Montanus, qui y arriva le 22 mai 353, pour informer le patriarche que l'empereur voulait lui accorder une entrevue personnelle, mais Athanase n'avait jamais demandé cela; il vit qu'un piège lui était tendu, et ne bougea pas. Il ne quitta Alexandrie qu'au début de février, quand George, un arien, fut nommé évêque à sa place, au milieu de sinistres scènes de violence. Mais Athanase avait déjà tenu conseil pour sa propre défense, et une lettre en sa faveur, signée par soixante-quinze ou quatre-vingt évêques égyptiens, était parvenue à Rome vers la fin mai 353. Constance accusa publiquement le pape d'empêcher la paix et d'avoir supprimé la lettre des orientaux contre Athanase. Libère répliqua par une lettre digne et touchante (« Obsecro, tranquillissime imperator »), dans laquelle il déclarait qu'il avait lu la lettre des orientaux au concile de Rome (probablement un concile anniversaire tenu le 17 mai 353) mais, comme la lettre arrivée d'Egypte était signée par un plus grand nombre d'évêques, il était impossible de condamner Athanase; lui-même n'avait jamais souhaité être pape, mais il avait suivi ses prédécesseurs en toute chose; il ne pouvait pas faire la paix avec les orientaux, car plusieurs d'entre eux refusaient de condamner Arius, et ils demeuraient en communion avec George d'Alexandrie, qui acceptait les prêtres ariens qu'Alexandre avait excommuniés depuis longtemps. Il se plaignait du concile d'Arles, et demandait la tenue d'un nouveau concile, au moyen duquel l'exposé de la foi admis par tous à Nicée pourrait être renforcé dans le futur. La lettre fut portée par Lucifer, évêque de Calaris (Cagliari), par le prêtre Pancrace et par le diacre Hilaire, à l'empereur qui se trouvait à Milan. Le pape demanda à Saint Eusèbe d'appuyer les légats par son influence, et lui écrivit de nouveau pour le remercier de s'y être prêté. De fait, la tenue d'un concile à Milan fut décidée, concile qui eut lieu vers le printemps 355. St Eusèbe fut convaincu d'y assiter, et il insista pour que tout commence par une ratification du traité de Nicée. Les évêques de la cour refusèrent. Les militaires furent appelés. Constance ordonna aux évêques de se contenter de sa parole pour admettre la culpabilité d'Athanase, et le condamna. Eusèbe fut banni, ainsi que Lucifer et Dionysius de Milan. Libère envoya une autre lettre à l'empereur, et ses envoyés, le prêtre Eutrope et le diacre Hilaire, furent aussi exilés, le diacre ayant en outre été cruellement battu. L'arien Auxentius fut fait évêque de Milan. Le pape écrivit une lettre, généralement connue comme "Quamuis sub imagine" aux évêques en exil, s'adressant à eux comme à des martyrs, et exprimant son regret de n'avoir pas été le premier à souffrir afin de servir d'exemple aux autres, et leur demandait de prier pour qu'il fût encore digne de partager leur exil.

Que cela ne fût pas simplement des mots, c'est chose prouvée, non seulement par la noble attitude de protestation de Libère durant les années précédentes, mais encore par la conduite qu'il adopta ensuite. Constance ne fut pas satisfait de la condamnation renouvelée d'Athanase par les évêques italiens qui étaient venus à Milan sous la contrainte. Il savait que le pape était le seul supérieur ecclésiastique de l'évêque d'Alexandrie et il « brûlait de désir », dit le païen Ammianus, « de voir la sentence confirmée par l'autorité supérieure que constituait l'évêque de la Ville Eternelle ». Saint Athanase nous assure que, depuis le début, les ariens n'épargnèrent pas Libère, car ils avaient compris que si jamais ils parvenaient à le circonvenir, ils auraient bientôt raison de tout le reste. Constance envoya à Rome son préfet de chambre, l'eunuque Eusèbe, un personnage très puissant, avec une lettre et des présents. « Obéissez à l'empereur et prenez ceci » était en fait le message, dit Saint Athanase, qui donne ensuite en détails la réponse du pape: Il ne pouvait se résoudre à condamner Athanase, qui avait été acquitté par deux synodes généraux et avait été envoyé en paix par l'Eglise de Rome, ni à condamner l'absent; telle n'était pas la tradition qu'il avait reçue de ses prédécesseurs et de Saint Pierre: Si l'empereur désirait la paix, il devait annuler ce qu'il avait décrété contre Athanase et organiser un concile sans empereur ni comtes ni juges présents, afin que la foi de Nicée puisse être préservée; les disciples d'Arius devaient être chassés et leur hérésie anathémisée; les hétérodoxes ne doivent pas siéger dans un synode; la Foi doit d'abord être fixée, et ensuite seulement les questions peuvent être traitées; Ursacius et Valens, les évêques de cour de Pannonia devaient être traités avec mépris, car ils avaient déjà une fois renié leurs mauvaises actions, et n'étaient plus dignes de crédit.

L'eunuque enragea, et repartit avec ses pots-de-vin, qu'il laissa devant la confession de St-Pierre. Libère réprimanda sévèrement les gardiens du saint lieu de ne pas avoir empêché pareil sacrilège, sans précédent. Il jeta les présents, ce qui augmenta la colère de l'eunuque, si bien qu'il écrivit à l'empereur que la question n'était plus seulement d'obtenir de Libère qu'il condamne Athanase, car il était allé jusqu'à anathémiser formellement les ariens. Constance se laissa persuader par son eunuque d'envoyer des officiers du Palatin, des notaires et des comtes, avec des lettres au préfet de Rome Leontius, lui ordonnant de se saisir de Libère, soit secrètement soit par violence, et de le dépêcher devant la cour.

Il s'ensuivit une sorte de persécution dans Rome. Les évêques, dit St Athanase, et les femmes pieuses furent obligés de se cacher, les moines n'étaient plus en sûreté, les étrangers furent chassés, les portes de la ville et le port étaient placés sous surveillance. « L'eunuque éthiopien », continue le saint, « quand il ne comprenait pas ce qu'il lisait, croyait St Philippe; tandis que les eunuques de Constance ne croyaient pas en Pierre quand il confessait le Christ, ni le Père en réalité, quand Il révèle Son Fils » ( une allusion aux déclarations des papes condamnant l'arianisme, rappelant qu'ils parlaient avec la voix de Pierre et répétaient sa confession, « Tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant », que le Père lui-même a révélée à l'Apôtre. Libère fut traîné devant l'empereur à Milan. Il parla hardiment, enjoignant à Constance de cesser de se battre contre Dieu, et se déclarant prêt à partir en exil sur-le-champ avant que ses ennemis ne puissent forger de fausses charges contre lui. Theodoret a préservé les minutes d'une entrevue entre « le glorieux Libère » et Constance, qui furent relevées par des hommes dignes de foi, dit-il, à cette époque. Libère refusa de reconnaître la décision du concile de Tyr et de renier Athanase; les actes maréotiques étaient de faux témoignages dirigés contre lui, comme l'avaient confessé Ursacius et Valens, qui avaient demandé pardon devant le synode de Sardica. Epictète, le jeune évêque qui avait été imposé à Centumcellae, s'interposa, disant que Libère voulait seulement pouvoir se vanter devant les sénateurs romains d'avoir vaincu l'empereur par les arguments. « Qui es-tu », ajoute Constance, « pour soutenir Athanase contre le monde? » Libère répondit: « Parmi les anciens, il ne s'en trouva que trois pour résister au mandat du roi » L'eunuque Eusèbe vociféra: « Tu compares l'empereur à Nabuchodonosor! ». Libère: « Non, mais toi, tu condamnes l'innocent ». Il exigea que tous souscrivent à la formulation de Nicée, alors tous les exilés pourraient rentrer et tous les évêques devraient s'assembler en Alexandrie pour faire sur-le-champ un procès à Athanase.

Epcitète:« Mais les transports publics ne seront pas suffisants pour porter tant de monde »

Libère: « Ils ne seront pas nécessaires; les ecclésiastiques sont assez riches pour envoyer leurs evêques aussi loin que la mer »

Constance: « Les synodes généraux ne doivent pas être trop nombreux; tu tiens à toi tout seul le jugement du monde entier. Il a insulté tout le monde, et moi par-dessus tout; non content du meurtre de mon frère aîné, il dresse encore Constans contre moi. Je devrais accorder plus de prix à une victoire sur lui que sur Silvanus ou Magnentius ».

Libère: « Ne te sers pas des évêques, dont les mains sont faites pour bénir, comme instruments pour te venger de tes ennemis. Réhabilite les évêques et, s'ils acquiescent à la foi de Nicée, laisse-les oeuvrer à la paix du monde, afin qu'un innocent ne soit pas condamné ».

Constance: « Je veux te renvoyer à Rome, si tu rejoins la communion de l'Eglise. Fais la paix et signe la condamnation. »

Libère: « J'ai déjà fait mes adieux à mes frères de Rome. Les lois de l'Eglise sont plus importantes qu'une résidence à Rome ».

L'empereur donna au pape trois jours de réflexion, puis il le bannit à Beroa en Thrace, lui envoyant cinq cents pièces d'or pour ses dépenses; mais il les refusa, disant que Constance en avait besoin pour payer ses soldats. L'impératrice lui envoya la même somme, mais il la renvoya à l'empereur, disant: « S'il n'en a pas besoin, qu'il les donne à Auxentius ou à Epictète, qui manquent de ce genre de choses ». Eusèbe l'eunuque lui apporta encore plus d'argent. « Tu as laissé perdre les églises du monde », dit le pape, « et tu portes des aumônes à un homme condamné? Va et fais-toi d'abord chrétien ».

II. L'EXIL

Lorsque Libère quitta Rome, tous les clercs jurèrent qu'ils n'accepteraient aucun autre évêque. Mais bientôt bon nombre d'entre eux acceptèrent comme pape l'archidiacre Félix, dont la consécration par l'évêque arien Acacius de Césarée avait été arrangée par Epictète sur ordre de l'empereur. Le peuple de Rome ignora l'antipape. Constance rendit sa première visite à Rome le 1er avril 357 et put se rendre compte par lui-même de l'échec de son protégé. Il était conscient qu'il n'y avait aucune justification canonique à l'exil de Libère et à l'intrusion de Félix; en d'autres cas il avait toujours agi en accord avec les décisions d'un concile. Il fut aussi très impressionné par la grandeur de la Ville Eternelle (c'est du moins ce que nous dit Ammianus). Il fut impresionné par les prières pour le retour du pape que lui adressèrent sans crainte les plus nobles dames de Rome, dont les maris n'eurent pas le courage de cet exploit. Il n'y a pas de raison de supposer que Félix fût reconnu par quelque évêque que ce soit en dehors de Rome, si ce n'est par le parti des courtisans et quelques extrémistes ariens, et l'attitude sans compromis de Libère, tout au moins pendant la plus grande partie de son bannissement doit avoir fait plus de mal à la cause de l'empereur que sa constance n'avait obtenu quand il laissa Rome en paix. Il n'est pas surprenant que Libère retourna à Rome avant la fin de 357, et que le bruit courut à l'étranger qu'il devait avoir signé la condamnation d'Athanase et peut-être quelque credo arien. Sa réhabilitation est datée de 358 par certains critiques, mais c'est impossible, car St Athanase nous dit qu'il endura les rigueurs de l'exil pendant deux ans, et la "Gesta inter Liberium et Felicem episcopos" qui constitue la préface du "Liber Precum" de Faustinus et Marcellus, nous dit qu'il revint "dans la troisième année". La cause de son retour est diversement rapportée. Théodoret dit que Constance fut convaincu par les matrones romaines de le réhabiliter, mais quand sa lettre au peuple de Rome, disant que Libère et Félix devaient être évêques côte à côte, fut lue dans le cirque, les romains se mirent à huer, et à remplir les airs au cri de "Un Dieu, un Christ, un évêque!". L'historien arien Philostorgius dit aussi que les romains avaient âprement exigé le retour de leur pape, et c'est aussi ce que dit Rufinus. St Sulpice Sévère, d'un autre côté, dit que la cause était une sédition dans Rome, et Sozomen s'accorde avec cette opinion. Socrate, plus précis, déclare que les romains se dressèrent contre Félix et le chassèrent, et que l'empereur fut obligé d'acquiescer. L'interprétation faite dans sa "Chronique" par Saint Jérôme est douteuse. Il dit qu'une année après que les clercs romains se furent parjurés, ils furent chassés avec Félix, jusqu'à ce que (ou parce que) Libère fît dans la ville un retour triomphal. Si nous lisons "jusqu'à", nous comprendrons qu'après le retour de Libère les clercs parjures revinrent à l'allégeance. Si nous lisons "parce que", comme dans le plus ancien manuscrit, il semblera plutôt que l'expulsion de Félix fut postérieure au retour de Libère, qui en constitua la cause. St Prosper semble avoir entendu Jérôme dans ce dernier sens. La préface du "Liber Precum" mentionne deux expulsions de Félix, mais ne dit pas si aucune d'entre elle fut antérieure au retour de Libère.

D'un autre côté, l'arien Philostorgius rapporta que Libère ne fut réhabilité qu'après avoir consenti à signer la seconde formule de Sirmium, qui fut rédigée après l'été 357 par les évêques de cour, Germinius, Ursacius, Valens; elle rejetait les termes homoousios et homoiousios et on l'appelait parfois formule d'Hosius, qui fut forcé de l'accepter la même année, bien que St Hilaire se trompe certainement en l'appelant son auteur. La même histoire de la chute du pape est corroborée par trois lettres qui lui sont attribuées dans les soi-disant « Fragments Historiques » (Fragmenta ex Opere Historico in P.L., X, 678 sqq.) de St Hilaire, mais Sozomen nous dit que c'était un mensonge, propagé par l'arien Eudoxius, qui avait juste ravi le siège d'Antioche. St Jérôme semble l'avoir cru, car dans sa "Chronique" il dit que que Libère « conquis par l'ennui de l'exil et souscrivant à la malice hérétique, entra dans Rome en triomphe ». La préface du Liber Precum dit aussi qu'il céda à l'hérésie. St Athanase, écrivant apparemment à la fin de 357, dit: « Libère, ayant été exilé, revint après deux ans et, par peur de la mort dont il était menacé, signa (la condamnation d'Athanase) »; (Hist. Ar., xli); et plus loin: « S'il n'endura pas la tribulation jusqu'au bout, il demeura en exil pendant deux ans, connaissant la conspiration dirigée contre moi ». St Hilaire, écrivant à Constantinople en 360, s'adresse à Constance dans ces termes: « Je ne sais si ton impiété était plus grande lorsque tu le réhabilitas que lorsque tu l'exilas. » (Contra Const., II).

Sozomen rapporte une histoire qui ne trouve d'écho chez aucun autre auteur. Il montre Constance, après son retour de Rome, convoquant Libère à Sirmium (357) et là, le pape est forcé par les chefs semi-ariens, Basile d'Ancyre, Eustathius, et Eleusius, de condamner l' Homoousion; il est amené à signer une combinaison de trois formules: Celle du concile catholique d'Antioche en 267 contre Paul de Samosata (dans lequel homoousios était dit avoir été rejeté comme une tendance sabellienne), celle de l'assemblée sirmienne qui condamna Photinus en 351, et le Credo de la Dédicace du Concile d'Antioche de 341. Ces formules n'étaient pas précisément hérétiques, et Libère aurait obtenu d'Ursacius et Valens la confession que le Fils est « en toute chose semblable au Père ». De là, l'histoire de Sozomen a été généralement acceptée comme une variante modérée de la chute de Libère si on l'admet comme fait réel, ce qui explique pourquoi tant d'auteurs la refusent implicitement. Mais la date indiquée peu après que Constance fut à Rome est impossible, puisque les semi-ariens ne s'unirent qu'au début de 358, et leur brève influence sur l'empereur commença au milieu de cette même année; partant, Duchesne et bien d'autres affirment (en dépit du clair témoignage de St Athanase) que Libère ne revint qu'en 358. Pourtant Sozomen mentionne la présence des évêques occidentaux, et cela se situe en 357; il dit qu'Eudoxius répandit la rumeur que Libère avait signé la deuxième formule Sirmienne, et cela se situe en 357 et non au temps de l'ascendant semi-arien. Plus loin, la formule « en toute chose semblable » n'était pas de facture semi-arienne en 358, mais leur fut imposée en 359, après quoi ils l'adoptèrent, déclarant qu'ils incluaient leur formule spéciale « comme en substance ». Maintenant Sozomen poursuit certainement ici la compilation perdue du Macédonien (semi-arien) Sabinus, dont nous savons que les propos sont indignes de confiance dès qu'il s'agit de sa secte. Sabinus semble simplement avoir eu devant les yeux l'histoire arienne, mais en la considérant, probablement à raison, comme une invention du parti d'Eudoxius; il pense que la vérité doit avoir été que, si Libère signa une formule sirmienne, c'était la variante inoffensive de 351; s'il condamna le Homoousion, c'était uniquement au sens dans lequel il avait été condamné à Antioche; il lui fait accepter le Credo de la Dédicace (qui était celui des semi-ariens et des modérés d'Orient) et imposer aux évêques de la cour la formule semi-arienne des années 359 et suivantes. Il ajoute que les évêques de Sirmium écrivirent à Félix et au clergé romain, demandant que Libère et Félix soient tous deux acceptés comme évêques. C'est une chose incroyable que des hommes comme Basile et son parti aient pu faire cela.

III - LES DERNIERES ANNEES DE LIBERE

Au moment de son retour, les Romains n'ont pu savoir que Libère avait trébuché, car St Jérôme (qui aime tellement à nous décrire la simplicité de leur foi et la délicatesse de leurs pieuses oreilles) dit qu'il entra dans Rome comme un conquérant. Il est clair que nul ne supposait qu'il avait été vaincu par Constance. On ne trouve aucun signe montrant qu'il aurait jamais admis être tombé. En 359 se tinrent les conciles simultanés de Séleucie et de Rimini. A ce dernier, où la plupart des évêques étaient orthodoxes, la pression et le retard, et les machinations en sous-main du parti de la cour précipitèrent les évêques dans l'erreur. Le pape n'était pas là, et n'envoya pas non plus de légat. Après le concile, sa désapprobation fut rapidement connue, et après la mort de Constance à la fin de 361, il fut à même de l'annuler publiquement, et de décider, sous l'influence d'un concile tenu à Alexandrie sous Athanase, que les évêques qui avaient trébuché pourraient être réhabilités à condition de prouver la sincérité de leur repentir en témoignant d'un grand zèle contre les Ariens. Vers 366 il reçut une députation de semi-Ariens emmenés par Eustathius; il les traita d'abord comme des Ariens (ce qu'il n'aurait pu faire s'il s'était jamais joint à eux) et insista pour qu'ils acceptent la formule de Nicée avant qu'il ne puisse les recevoir en communion; il ignorait que bon nombre d'entre eux dériveraient par la suite vers une position erronée sur la question de la divinité du Saint-Esprit. Nous apprenons aussi de St Siricius que Libère, après avoir annulé le concile de Rimini, publia un décret interdisant le re-baptême de ceux qui auraient été baptisés par les Ariens, qui était en pratique chez les schismatiques lucifériens.

IV - LETTRES APOCRYPHES

Dans les fragments de Saint Hilaire sont insérées un certain nombre de lettres de Libère. Le Fragment IV contient une lettre "Studens paci", qu'accompagne un commentaire très altéré de St Hilaire. La lettre a généralement été considérée comme un faux depuis Baronius, et Duchesne exprima le même point de vue quand il dit dans son "Histoire ancienne de l'Eglise" (1907) que Saint Hilaire veut nous faire comprendre que c'est un faux. Mais son authenticité fut défendue par Tillemont et elle a été récemment soutenue par Schiktanz et Duchesne (1908), tous auteurs catholiques. Hermant (cité par Coustant) suivi par Savio, crut que la lettre avait été insérée par un faussaire en remplacement d'une lettre authentique, et il prit les premiers mots du commentaire de St Hilaire comme sérieux et non ironiques: "Qu'est-ce qui dans cette lettre ne procède pas de la piété et de la crainte de Dieu?" Dans ce document Libère est censé s'adresser aux évêques d'Orient, et déclarer qu'en recevant une épître rédigée par les évêques orientaux contre St Athanase, qui avait été envoyée à son prédécesseur Jules, il avait hésité à condamner ce saint, puisque son prédécesseur l'avait absous, mais il avait envoyé des légats à Alexandrie pour le convoquer à Rome. Athanase avait refusé de venir, et Libère, recevant de nouvelles lettres d'Orient, l'excommunia aussitôt, et se trouvait alors désireux de communiquer avec le parti Arien. Duchesne pense que cette lettre fut écrite en exil au début de 357, et que Libère envoya réellement une ambassade (en 352-353), suggérant qu'Athanase devait venir à Rome; maintenant en exil il se souvient qu'Athanase s'était dérobé, et se sert de cela comme prétexte pour le condamner. Il semble concevable, cependant, qu'après avoir héroïquement soutenu Athanase pendant des années et que, ayant souffert l'exil pendant plus d'une année plutôt que de le condamner, Libère devait motiver sa faiblesse présente par une désobéissance de la part du saint, sur laquelle il n'avait pourtant témoigné d'aucun ressentiment pendant toutes ces années. Au contraire, le commentaire de St Hilaire semble pleinement impliquer que la lettre est un faux fabriqué par Fortunatien, Métropolitain d'Aquileia, un des évêques qui condamnèrent Athanase et rejoignirent le parti de la cour au concile de Milan en 355. Fortunatien doit avoir essayé d'excuser sa propre chute, en prétendant que le pape, qui était encore à Rome, lui avait confié cette lettre pour l'empereur, « mais Potamius et Epictète ne crurent pas à son authenticité quand ils condamnèrent le pape avec joie »(comme le Concile de Rimini le rapporte), sinon ils ne l'auraient pas condamné à l'exil, « et Fortunatien l'envoya aussi à de nombreux évêques sans en tirer aucun profit ». Et St Hilaire continue en déclarant que Fortunatien s'était ensuite condamné lui-même en omettant de mentionner comment Athanase avait été acquitté à Sardica après la lettre dirigée contre lui et envoyée par les Orientaux au pape Jules, et comment une lettre venue d'un concile tenu à Alexandrie et de toute l'Egypte en sa faveur fut envoyée à Libère, comme auparavant à Jules. Hilaire en appelle aux documents qui suivent, à l'évidence la lettre "Obsecro" à l'empereur (déjà mentionnée), dans laquelle Libère atteste qu'il reçut la défense par les égyptiens en même temps que l'accusation par les ariens. La lettre "Obsecro" forme le fragment V, et elle semble avoir été immédiatement suivie dans l'ouvrage original par le fragment VI, qui s'ouvre sur la lettre de Libère aux confesseurs, Quamuis sub imagine (prouvant sa fermeté dans la défense de la foi); suivie par des citations de lettres à un évêque de Spolète et à Hosius, où le pape déplore la chute de Vincent à Arles. Ces lettres sont incontestablement authentiques.

Il suit alors dans les mêmes fragments un paragraphe qui déclare que Libère, alors en exil, revint sur toutes ces promesses et ces actions, écrivant aux Ariens malicieux et prévaricateurs les trois lettres qui complètent le fragment. Elles correspondent aux lettres authentiques qui ont précédé, une à une: La première, "Pro deifico timore" est une parodie d' « Obsecro »; la seconde, « Quia scio uos », est un négatif de tout ce qui est dit dans « Quamuis »; la troisième, « Non doceo », est une palinodie, pénible à lire, de la lettre à Hosius.Les trois sont clairement des faux, composés pour leur position présente. Elles défendent l'authenticité de « Stuidens paci », qu'elles présentent comme ayant été envoyée à l'empereur depuis Rome par les mains de Fortunatien; les lettres authentiques ne sont pas contestées, mais il est montré que Libère changea d'avis et écrivit le « Studens paci »; que, en dépit de cela, il fut exilé par les machinations de ses ennemis, et que par suite il écrivit « Pro deifico timore » aux Orientaux, les assurant non seulement qu'il avait condamné Athanase dans « Studens paci », mais que Démophile, l'évêque de Beroea (réprouvé comme hérétique dans « Obsecro ») lui avait expliqué la formule sirmienne de 357, et qu'il l'avait acceptée de bonne grâce. Cette formule désapprouvait les mots homoousios et homoiousios l'un comme l'autre; elle avait été rédigée par Geminius, Ursacius et Valens. « Quia scio nos » est adressée précisément à ces trois évêques de cour et Libère les prie de demander à l'empereur sa réhabilitation, juste comme dans « Quamuis » il avait prié les trois confesseurs de prier Dieu qu'il pût lui aussi être exilé. « Non doceo » parodie le grief de Libère à la chute de Vincent; elle est adressée à Vincent lui-même et le prie de réunir les évêques de Campanie pour écrire à l'empereur en faveur de la réhabilitaiton de Libère. Interpellés dans la première et la seconde lettre comme anathèmes « au prévaricateur Libère », attribuée par le faussaire à Saint Hilaire. Le faussaire est clairement un Luciférien, dont l'hérésie consiste à dénier toute validité aux actes de ces évêques qui avaient trébuché au concile de Rimini en 359; tandis que le pape Libère avait publié un décret admettant leur réhabilitation s'ils se repentaient sincèrement, et avait aussi condamné la pratique luciférienne de rebaptiser ceux que les évêques déchus avaient baptisés.

Les « Fragments » de St Hilaire sus-mentionnés ont récemment été examinés en détail par Wilmart, et il apparaît qu'ils appartenaient à deux livres différents, l'un écrit en 356 comme une apologie quand le saint fut envoyé en exil par le synode de Béziers, et l'autre écrit peu après le concile de Rimini pour l'instruction (dit Rufinus) des évêques déchus; il s'intitulait « Liber adversus Valentem et Ursacium ». Les lettres de Libère appartenaient au dernier ouvrage. Rufinus nous dit qu'il fut corrigé - il sous-entend cela à propos de l'édition complète - et qu'Hilaire fut accusé par un concile sur la base de ces corruptions; il les renia , mais, lorsqu'on alla chercher le livre dans son propre logement, on les y trouva, et St Hilaire fut chassé du concile et excommunié. Saint Jérôme nia toute connaissance de l'incident, mais Rufinus parle certainement avec de bonnes preuves, et son histoire concorde exactement avec le récit fait par St Hilaire d'un concile de dix évêques qui se réunit sur sa pressante requête à Milan vers 364 pour juger Auxentius qu'il accusait d'Arianisme. Ce dernier se défendit par des expressions équivoques, et les évêques aussi bien que l'empereur orthodoxe Valentinien, furent satisfaits; Saint Hilaire, au contraire, fut accusé par Auxentius d'hérésie et de vouloir, conjointement avec St Eusèbe de Vercelli, déranger la paix, et il fut banni de la ville. Il ne mentionne pas de quelle hérésie il fut accusé, ni sur quelles bases; mais cela doit avoir été le luciférianisme, et Rufinus nous a informés des preuves qui en furent produites. Il est intéressant que les fragments du livre contre Valens et Ursacius contiennent encore les fausses lettres de Libère (et peut-être aussi une lettre attribuée à St Eusèbe) faisant partie des fausses preuves sur lesquelles un docteur de l'Eglise fut chassé de Milan et, apparemment, excommunié.

Il semblerait que quand St Hilaire écrivit son livre Adversus Constantium en 360, juste avant son retour d'exil en Orient, il croyait que Libère avait cédé et renié St Athanase; mais ses mots ne sont pas très clairs. En tout état de cause, quand il écrivit son Adversus Valentem et Ursacium après son retour, il montra que la lettre Studens paci était un faux, en la comparant à quelques nobles lettres du pape. Maintenant, cela semblait prouver que les lucifériens se servaient de Studens paci depuis Rimini, en vue de montrer que le pape, qui était maintenant à leurs yeux trop indulgent envers les évêques déchus, s'était lui-même rendu coupable d'une trahison plus grande encore de la cause catholique avant son exil. A leurs yeux, une telle chute devait le destituer immédiatement et invalider tous ses actes subséquents. Que St Hilaire ait eu quelque difficulté à prouver que Studens paci était apocryphe montre à l'évidence qu'il ne croyait pas que Libère avait chuté à la suite de son exil; sinon son trouble était inutile. En conséquence, St Hilaire devient un fort témoin en faveur de l'innocence de Libère. Si St Athanase crut à sa chute, c'était lorsqu'il vivait dans la clandestinité, et immédiatement après l'événement supposé; il fut apparemment trompé sur le moment par les rumeurs répandues par les ariens. L'auteur de la préface au Liber Precum de Faustinus et Marcellinus est un ursinien déguisé en luciférien pour prendre l'avantage de la tolérance accordée à cette dernière secte, et il prend le point de vue luciférien de Libère; il est possible qu'il ait suivi la Chronique de Jérôme, qui semble suivre les fausses lettres; car Jérôme connaissait le livre de Saint Hilaire Contre Valens et Ursacius, et il refusa d'accepter la thèse de Rufinus disant que ce livre avait été altéré. Dans son propos sur Fortunatien (De Viris Illust., xcvii) il dit que cet évêque « était infâme pour avoir été le premier à briser le courage de Libère et l'avoir poussé à accorder sa signature à l'hérésie, et cela sur son chemin d'exil ». C'est inconcevable, car St Athanase nous dit par deux fois que le pape tint bon deux années entières. A l'évidence, Saint Jérôme (qui était très méticuleux en matière d'histoire) était au courant de l'histoire disant que Fortunatien avait en main une lettre de Libère depuis le concile de Milan, et il conclut qu'il doit avoir rencontré Libère puisque la lettre passa par Aquileia sur sa route vers la Thrace; c'est à dire que Jérôme avait lu les fausses lettres et ne les avait pas tout à fait comprises.

Rufinus, qui était lui-même d'Aquileia, dit qu'il ne put déterminer si Libère tomba ou non. Cela semble dire aussi que connaissant nécessairement les affirmations de St Jérôme il était incapable de découvrir sur quoi elles étaient fondées. Lui-même ne fut pas abusé par les faux, et il n'y avait en fait aucune autre base.

Les preuves positives en faveur de Libère ne manquent pas. Vers 432 St Prosper réédita et augmenta la "Chronique" de St Jérôme, mais il prit soin d'omettre les mots tædio victus exilii dans le récit du retour de Libère. St Sulpice Sévère (403) dit que Libère fut réhabilité ob seditiones Romanas. Une lettre du pape St Anastase Ier (401) le mentionne avec Denys, Hilaire et Eusèbe, comme un de ceux qui seraient morts plutôt que de blasphémer le Christ avec les ariens. St Ambroise se souvenait de lui comme d'un homme excessivement saint. Socrate a placé l'exil de Libère après le concile de Milan, parce qu'il suivit trop soigneusement l'ordre de Rufinus; contrairement à Rufinus, toutefois, il ne doute pas de la chute de Libère, mais donne comme raison suffisante pour son retour la révolte des romains contre Félix, et il a expressément omis l'histoire que rapporte Sozomen d'après Sabinus, un auteur dont Socrate doutait de la bonne foi. Pour Théodoret, Libère est un glorieux athlète de la foi; il nous en dit plus sur lui que ne l'a fait tout autre auteur, et il le dit avec enthousiasme.

Mais les plus forts arguments pour l'innocence de Libère sont des a priori. S'il avait vraiment cédé à l'empereur durant son exil, l'empereur aurait publié sa victoire à tous les vents; il n'y aurait pu avoir aucun doute à ce sujet; elle aurait été plus notoire même que celle remportée sur Hosius. Mais il fut relâché parce que les romains exigeaient son retour, parce que sa déposition avait été non canonique à l'évidence, parce que sa résistance était trop héroïque, et parce que Félix n'était généralement pas reconnu comme pape, alors nous pourrions être sûrs qu'il serait soupçonné d'avoir donné quelque gage à l'empereur ainsi qu'aux ariens et aux féliciens, et bientôt aux lucifériens, qui n'auraient eu aucune difficulté à répandre le nouvelle de sa chute et à en tirer crédit. Il est dur de voir comment Hilaire dans son bannissement et Athanase dans sa clandestinité ont pu croire à une telle histoire, quand ils entendirent que Libère était retourné, bien que les autres évêques en exil n'étaient toujours pas relevés.

Ensuite, le décret du pape après Rimini, disant que les évêques déchus ne pouvaient être réhabilités à moins de montrer leur sincérité par une action vigoureuse contre les ariens, aurait été risible, s'il était lui-même tombé auparavant, et n'avait pas publiquement confessé son péché. Déjà, nous pouvons être tout à fait certains qu'il ne fit publiquement ni confession, ni abjuration, ni expiation.

Les fausses lettres et, plus encore, les fortes paroles de Saint Jérôme ont perpétué l'opinion de sa culpabilité. Le Liber Pontificalis le fait revenir d'exil pour persécuter les disciples de Félix, qui devient martyr et saint. St Eusèbe, martyr, est représenté dans ses Actes comme un prêtre romain, mis à mort par l'arianisant Libère. Mais la curieuse Gesta Liberii, apparemment du temps du pape Symmachus, ne fait pas clairement allusion à une chute. Le Martyrologe Hieronymien donne sa déposition à la fois au 23 septembre et au 17 mai; à la première date, il est commémoré par Wandalbert et par quelques manuscrits augmentés d'Usuard. Mais il n'est pas dans le martyrologe romain.

V - JUGEMENTS MODERNES SUR LE PAPE LIBERE

Les historiens et les critiques ont été très divisés sur la culpabilité de Libère. Stilting et Zaccaria sont les plus connus des anciens défenseurs; au dix-neuvième siècle, on trouve Palma, Reinerding, Hergenröther, jungmann, Grisar, Feis et récemment Savio. Ceux-là ont été inclinés à douter de l'authenticité des témoignages de St Athanase et St Jérôme sur la chute de Libère, mais leurs arguments, bien que sérieux, ne contiennent que quelques présomptions contre ces textes. D'un autre côté, des auteurs protestants et gallicans ont été sévères avec Libère (p.ex. Moeller, Barmby, le Vieux-Catholique Langen, et Döllinger), mais ils n'ont pas prétendu décider avec certitude quelle formule arienne il aurait signée. A ceux-là on peut ajouter Renouf, et plus récemment Schiktanz. Une vision plus modérée est présentée par Hefele, qui contesta l'authenticité des lettres mais admit la véracité de l'histoire de Sozomen, regardant l'union du pape avec les semi-ariens comme une faute déplorable, mais pas comme une chute dans l'hérésie. Il est suivi par Funk et Duchesne (1907), tandis que le protestant Krüger reste indécis. La plus récente opinion, brillamment exposée par Duchesne en 1908, est que Libère, au début de l'an 357 (parce que la préface du Liber Precum fait parler Constance à Rome en avril-mai, et bien que Libère ait déjà chuté) écrivit la lettre Studens paci et, voyant qu'elle ne satisfaisait pas l'empereur, signa la formule vague et insuffisante de 351, et écrivit les trois autres lettres contestées; les chefs ariens n'étaient toujours pas satisfaits, et Libère ne fut réhabilité à Rome que quand les semi-ariens furent capables d'influencer l'empereur en 358, après que Libère se fût entendu avec eux comme le rapporte Sozomen. Les points faibles de cette théorie sont les suivants: Il n'y a aucun autre document pour une chute avant le début de 357 mais un mot imprécis dans le document metionné plus haut; le "Studens paci" n'a pas de sens à une date si tardive; la lettre "Pro deifico timore" signifie pleinement que Libère accepta la formule de 357 (et non celle de 351), et s'il l'avait fait, il aurait certainement été réhabilité aussitôt; l'histoire de Sozomen n'est pas crédible, et Libère doit être rentré en 357.

Il faudrait noter soigneusement que la question de la chute de Libère est de celles qui ont été et peuvent être librement débatues parmi les catholiques. Nul ne prétend que, si Libère signa la plus arienne des formules en exil, il l'ait fait librement; si bien que nulle question n'est posée sur son infaillibilité. Il est admis de tous côtés que sa noble attitude de résistance avant et durant son exil ne fut démentie par aucun de ses actes après son retour, qu'il ne fut souillé d'aucune façon quand tant d'hommes chancelèrent au concile de Rimini, et qu'il agit vigoureusement pour le soin de l'orthodoxie à travers l'Occident dans les plus vives blessures. S'il se compromit réellement avec les hérétiques, condamna Athanase, ou en vint même jusqu'à nier le Fils de Dieu, ce fut une faiblesse humaine passagère qui ne compromet pas plus la papauté que ne le fit celle de Saint Pierre.

Les lettres de Libère, ainsi que son sermon à l'occasion de la consécration de la soeur de St Ambroise à la virginité (préservée par ce Père "De Virg.", i, ii, iii), et le dialogue avec l'empereur (Theodoret, "Hist. Eccl.", II, xvi) sont rassemblés dans l'ouvrage de Coustant "Epistolæ Rom. Pont." (réimprimé in P.L. VIII). Une édition critique des manuscrits des trois épîtres apocryphes de Saint Hilaire, `Frag.' VI, in "Revue Bénéd." (Jan., 1910)


STILTING in Acta SS., Sept., VI (1757), 572; TILLEMONT, Mémoires, VI; ZACCARIA, Dissertatio de commentitio Liberii lapsu in PETAVIUS, Theol. dog., II, ii (1757); PALMA, Prælectiones Hist. Eccl., I (Rome, 1838); REINERDING, Beiträge zur Honorius und Liberiusfrage (1865); LE PAGE RENOUF, The Condemnation of Pope Honorius (London, 1868); HEFELE, Conciliengeschichte, I (2e éd. et suivantes; Eng tr. vol. II, 1876); JUNGMANN, Dissertationes selectæ, II (Ratisbonne et New York, 1881); BARMBY in Dict. Christ. Biog., s. v.; HERGENRÖTHER, Kirchengesch., I, (1884) 374; GRISAR in Kirchenlex., s. v.; FEIS, Storia di Liberio Papa e dello scisma dei Semiariani (Rome, 1894); MOELLER-SCHUBERT, Lehrbuch der Kirchengesch., I (Leipzig, 1902); LOOFS in Realencyklopädie für protestantitsche Theologie und Kirche, s. v. Hilarius; KRUGER, ibid., s. v. Liberius; SCHIKTANZ, Die Hilariusfragmente (Breslau, 1905); SALTET, La formation de la légende des papes - Libère de 357, ibid. (Dec., 1907); WILMART, L'Ad Contstantium liber I de S. Hilaire in Revue Bénéd. (April and July, 1907); IDEM, Les Fragments historiques et le synode de Béziers, ibid. (April, 1908); IDEM, La question du pape Libère, ibid. (July, 1908); DUCHESNE, Libère et Fortunatien in Mélanges de l'école française de Rome, XXVIII, i-ii (Jan.-April, 1908); SAVIO, La questione di papa Liberio (Rome, 1907, une réponse à SCHIKTANZ); IDEM, Nuovi studi sulla questione di papa Liberio (Rome, 1909; en réponse à DUCHESNE); FEDER, Studien zu Hilarius von Poitiers, I, in Sitzungsber. der K. Akad. Wiss. von Wien (Vienna, 1910), suit DUCHESNE.

JOHN CHAPMAN
Tiré de "Catholic Encyclopedia", copyright © 1913 by the Encyclopedia Press, Inc. Traduction française : Bertrand Blochet, Février 2000.