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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre quarante-et-unième — Seconde demande de l’Oraison Dominicale

QUE VOTRE ROYAUME ARRIVE.

§ I. — DU ROYAUME DE DIEU.

Le royaume de Dieu, qui fait l’objet de cette seconde demande, est le but et la fin de toute la Prédication Evangélique. C’est par là que Saint Jean Baptiste commença à prêcher la Pénitence. « Faites pénitence, disait-il (Matth., 3, 2.), parce que le Royaume des cieux est proche. » Ce fut aussi le commencement de la Prédication du Sauveur du monde. Et lorsque, dans cet admirable Sermon sur la Montagne, Il montre à ses disciples les voies de la béatitude, II leur parle d’abord du Royaume des cieux comme du sujet fondamental de son discours. « Bienheureux les pauvres en esprit, dit-Il (Matth., 5, 3.), parce que le Royaume des cieux leur appartient. » Bien plus, un jour que la foule voulait Le retenir, voici la raison qu’Il donne de la nécessité de son départ: (Luc, 4, 43.) « il faut que J’annonce aussi le Royaume de Dieu aux autres villes, car Je suis envoyé pour cela. » Plus tard, c’est encore ce même Royaume qu’Il ordonne à se Apôtres de prêcher ; et à celui qui voulait aller enseveli son père: (Matth., 10, 7.) « allez, dit-Il, et annoncez le Royaume de Dieu ». Et après sa Résurrection, pendant ces quarante jours où II apparaît à ses Apôtres, c’est du Royaume d Dieu qu’Il leur parle.

Les Pasteurs voudront donc expliquer cette second demande avec tout le soin possible, afin que les Fidèle en comprennent bien l’importance et la nécessité.

Et pour atteindre ce but, ils pourront se servir avec habileté et profit de cette considération si frappante, à savoir que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu et ordonné formellement que cette demande, quoique liée avec les autres, en fût séparée et distincte dans son expression, et cela afin de nous faire désirer et rechercher plus ardemment ce que nous demandons. Il nous dit en effet: (Matth., 6, 33.) « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît. »

§ II. — CE QUI EST COMPRIS DANS CETTE DEMANDE.

Les dons célestes compris dans cette demande sont si précieux et si abondants qu’ils embrassent même tout ce qui est nécessaire pour soutenir la vie du corps aussi bien que celle de l’âme. trouverions-nous digne du nom de roi, celui qui n’aurait aucun souci du bien et du salut de l’Etat ? Mais si les hommes ont tant de sollicitude pour garder un royaume terrestre, avec quelle vigilance, quelle paternelle Providence ne devons-nous pas croire que le Roi des rois s’occupe de la vie et du salut de ses créatures ?

En demandant le Royaume de Dieu, nous réclamons donc par le fait tout ce dont nous avons besoin dans notre pèlerinage, ou plutôt dans notre exil. Et notre Prière s’appuie sur cette promesse si consolante et si positive du Seigneur: « et tout le reste vous sera donné par surcroît. »

De telles paroles prouvent bien que Dieu est vraiment le Roi du genre humain, et qu’Il répand sur lui tous ses biens en abondance et avec libéralité. Et c’est précisément la pensée de cette infinie Bonté de Dieu qui mettait sur les lèvres de David ce chant de reconnaissance: (Ps., 22, 1.) « Le Seigneur est mon Roi, et rient ne me manquera. »

Mais, (ne l’oublions pas), ce n’est pas assez de demander instamment le Royaume de Dieu, il faut encore joindre à cette demande tous les moyens nécessaires pour le chercher et pour le trouver. Hélas ! les cinq vierges folles, elles aussi, le demandaient avec instance: (Matth., 25, 11.) « Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous ! » et cependant, parce qu’elles n’avaient pas tout ce qu’il fallait, pour accompagner leur Prière, et être exaucées, elles ne furent point admises. Et ce ne fut point une injustice. Car c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même qui a prononcé cette sentence: (Matth., 7, 21.) « Tous ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur, n’entreront point dans le Royaume des cieux. »

§ III. — DES MISÈRES DE CETTE VIE.

Les Prêtres chargés du soin des âmes, (les Curés), ne manqueront pas de puiser en abondance aux sources fécondes de nos Saints Livres, les vérités les plus propres à exciter dans le cœur des Fidèles le désir et le goût du Ciel. En même temps ils auront soin de mettre sous leurs yeux les accablantes misères de notre vie mortelle, et ils feront en sorte de les toucher assez pour qu’ils se recueillent, qu’ils rentrent en eux-mêmes et qu’ils se souviennent que le ciel, la maison de Dieu, la maison de leur Père est le séjour du bonheur suprême, et la possession des biens infinis.

Ici-bas, en effet, nous ne sommes que des exilés. nous habitons la même terre que les démons, animés contre nous d’une haine que rien ne peut apaiser, nos implacables et éternels ennemis.

Et que dire de ces combats domestiques, de ces luttes intérieures que se livrent sans cesse en nous le corps et l’âme, la chair et l’esprit ? Combats terribles où nous avons toujours à craindre de succomber, où nous succomberions même sur le champ, si la main du Seigneur n’était pas là pour nous défendre. Ah ! certes, l’Apôtre Saint Paul sentait bien tout le poids de ces misères, quand il s’écriait: (Rm., 7, 24.) « Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? »

Ces misères de notre race, déjà si sensibles par elles-mêmes, ressortent bien plus vivement encore de la comparaison de notre état avec celui des autres créatures. Que ces créatures en effet soient privées de raison ou même de sentiment, il est bien rare que quelques-unes d’entre elles s’éloignent assez des actions, des sentiments et des mouvements qui leur sont propres, pour manquer la fin qui leur a été assignée. La chose est si évidente dans les animaux terrestres, dans les poissons et dans les oiseaux, qu’elle n’a besoin d’aucune explication. Que si nous portons nos regards vers le ciel, ne sentons-nous pas aussitôt la vérité de ce Cantique de David: (Ps., 118, 89.) « Votre Parole, Seigneur, demeure à jamais dans le ciel. » Le ciel, en effet, est emporté par un mouvement qui ne s’arrête jamais ; mais ce mouvement est si constant et si réglé, qu’il ne sort jamais de la ligne que Dieu lui a tracée. Si nous regardons la terre et tout le reste de l’univers, nous reconnaîtrons aisément qu’ils n’éprouvent point d’altération dans leur état.

Mais que la misère de l’homme est grande ! que ses chutes sont profondes et fréquentes ! s’il conçoit de bons projets, rarement il les exécute. Souvent il abandonne et méprise le bien qu’il vient de commencer. Ce qui lui plaisait tout à l’heure et lui semblait excellent, lui déplait tout à coup. Il le rejette, et se laisse entraîner aux résolutions honteuses et nuisibles.

Quelle est donc la cause de cette inconstance et de cette misère ? Evidemment c’est le mépris de l’inspiration divine. nous fermons l’oreille aux avertissements que Dieu nous donne ; nous refusons d’ouvrir les yeux aux lumières surnaturelles qu’Il nous offre, et nous n’écoutons point les préceptes salutaires de notre Père du ciel.

Ici donc les Pasteurs devront s’appliquer à mettre sous les yeux des Fidèles ce tableau des misères humaines. Ils tâcheront d’en expliquer les causes et d’en indiquer les remèdes. Ce qui leur sera facile, s’ils ont soin d’aller puiser ;dans les œuvres des grands docteurs Saint Jean Chrysostome et Saint Augustin, et surtout dans ce que nous avons dit nous-mêmes en parlant du symbole des Apôtres. Car ces vérités une fois connues, quel est l’homme si coupable et si pervers qui ne voudrait s’efforcer avec la Grâce prévenante de Dieu, et l’exemple de l’enfant prodigue, de se lever et de revenir avec confiance se jeter entre les bras de son Roi, de son Père céleste ?

§ IV. — QUEL EST L’OBJET DE LA DEUXIÈME DEMANDE

Après avoir montré par ces explications tous les avantages que renferme cette Prière des Fidèles, les Pasteurs feront voir ensuite ce que nous demandons par ces paroles ; que votre Royaume arrive. Elles ont plusieurs significations différentes, dont la détermination sera très utile pour comprendre les autres passages de la Sainte Ecriture, et nécessaire spécialement pour celui qui nous occupe. Or, la première signification du Royaume de Dieu — signification ordinaire et fréquente dans nos Saints Livres — c’est d’exprimer non seulement ce pouvoir que Dieu exerce sur tous les hommes et sur tout l’univers, mais encore cette Providence spéciale par laquelle Il dirige et gouverne toutes choses. « Il tient dans ses mains, dit le Prophète, (Ps., 94, 4.) la terre avec. ses extrémités les plus reculées. » Ce qu’il faut entendre même des choses cachées dans les profondeurs de la terre et dans toutes les parties du monde les plus secrètes. C’est d’après cette idée que Mardochée disait: (Esther, 13, 9.) « Seigneur Dieu, roi très puissant, toutes choses sont en votre Puissance, et il n’est personne qui puisse résister à votre Volonté. Vous êtes maître de tous, et rien ne résiste à votre Majesté. »

En second lieu ces mots de Royaume de Dieu signifient cette Providence particulière et très spéciale, par laquelle Dieu prend soin des hommes pieux et fidèles, et les couvre de sa protection: Providence admirable et unique, qui faisait dire à David: (Ps., 22, 1.) « Le Seigneur prend soin de moi et rien ne me manquera ; » et au Prophète Isaïe: (Is., 33, 22.) « Le Seigneur est notre roi, il nous sauvera. »

Or, quoique Dieu exerce son pouvoir en ce monde sur les saints et les gens de bien, cependant Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même avertit Pilate que (Jean, 18, 36.) son Royaume n’est pas de ce monde, c’est-à-dire qu’Il ne tire nullement son origine de ce monde qui a été créé et qui est périssable, et qu’Il ne domine point à la façon des empereurs, des rois, des républiques, des présidents et de tous ceux que le vœu général ou l’élection appelle à gouverner les états et les provinces, ou qui s’emparent du pouvoir par la force et par la violence. non, Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est Dieu qui l’a établi Roi, dit le Prophète, et au témoignage de l’Apôtre, son Royaume est la justice, car il dit: (Rm., 14, 17.) « Le Royaume de Dieu, c’est la justice, la paix et la joie dans le Saint Esprit. »

Or, Jésus-Christ règne en nous par les Vertus intérieures de la Foi, de l’Espérance et de la Charité. C’est par ces Vertus que nous devenons en quelque sorte partie de ce Royaume, et en même temps, les sujets privilégiés de Dieu. Elles nous consacrent à son culte et à son service, de telle sorte que si l’Apôtre Saint Paul a pu dire: (Gal., 2, 20.) « Je vis, ou plutôt ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus-Christ qui vit en moi, » chacun de nous peut dire aussi: « Je règne, ou plutôt, ce n’est pas moi qui règne, c’est Jésus-Christ qui règne en moi. »

Ce Royaume est appelé la justice, parce qu’il est fondé sur la justice de Jésus-Christ. C’est de lui que le Sauveur parle dans Saint Luc, quand Il dit: (Luc, 17, 21.) « Le Royaume de Dieu est au dedans de vous. »

Quoique Notre-Seigneur Jésus-Christ règne par la Foi en tous ceux que l’Eglise, notre très sainte Mère, regarde comme ses enfants, cependant II est plus spécialement le Roi de ceux qui, remplis des dons de la Foi, de l’Espérance et de la Charité, sont devenus en quelque sorte comme des membres vivants et sanctifiés de Dieu Lui-même. C’est dans ces parfaits Chrétiens que règne vraiment la Grâce de Dieu.

Le Royaume de Dieu est encore le royaume de la Gloire. C’est de lui que Notre-Seigneur parle dans Saint Matthieu, lorsqu’Il dit: (Matth., 25, 34.) « Venez, les bénis de mon Père, possédez le Royaume qui vous a été préparé dés le commencement du monde. » C’est ce Royaume aussi que le larron pénitent demandait à Jésus sur la croix, en disant (Luc, 23, 42.) « Souvenez-vous de moi quand Vous serez dans votre Royaume. » Et les paroles suivantes de Saint Jean se rapportent au même objet: (Jean, 3, 5.) « Si quelqu’un ne renaît de l’eau et de l’Esprit, il ne saurait entrer dans le royaume de Dieu. »

C’est également la pensée de Saint Paul dans ce passage de son Epître aux Ephésiens: (Éph., 5, 5.) « Ni les impudiques, ni les avares (qui sont des idolâtres) n’ont point d’héritage dans le Royaume de Jésus-Christ et de Dieu. » Il faut encore entendre dans le même sens quelques-unes des paraboles de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lorsqu’Il parlait du Royaume des cieux.

Mais il est nécessaire que le Règne de la Grâce soit d’abord établi dans nos âmes. Car il est impossible de régner un jour dans la Gloire, si l’on n’a eu soin, tout d’abord de faire régner la Grâce en soi-même. Or, la Grâce, au témoignage de Notre-Seigneur Lui-même (Jean, 4, 14.), « est une source d’eau vive qui jaillit jusqu’à la Vie Eternelle »

La Gloire, elle, n’est autre chose que la Grâce consommée, et portée à sa perfection.

Tant que nous sommes revêtus de ce corps fragile et mortel, tant que nous vivons dans les ténèbres d’ici-bas, pèlerins, exilés, errants, sans forces et loin de Dieu, on nous voit souvent, hélas ! faillir et tomber, parce que nous repoussons le secours de la Grâce d’en haut, qui nous soutenait. Mais lorsque la lumière du royaume de la Gloire, qui est le Royaume parfait, aura brillé à nos yeux, nous serons à jamais fermes et invariables dans le bien et la perfection. tous les vices et toutes les incommodités auront cessé. notre faiblesse sera changée en une force inaltérable. Dieu, enfin, Dieu Lui-même régnera dans notre âme et dans notre corps, comme nous l’avons expliqué avec les développements convenables dans le symbole des Apôtres, en parlant de la Résurrection de la chair.

Telles sont les différentes significations de ces mots Royaume de Dieu. Voyons maintenant à quoi tend particulièrement cette demande.

Premièrement nous demandons à Dieu que le Royaume de Jésus-Christ, qui est l’Eglise, s’étende au loin ; que les infidèles et les Juifs se convertissent à la Foi chrétienne et à la connaissance du vrai Dieu ; que les schismatiques et les hérétiques rentrent en eux-mêmes et reviennent à la Communion de l’Eglise dont ils se sont séparés, afin que soit accomplie et réalisée cette parole du Seigneur dans le Prophète Isaïe: (Is., 54, 2.) « Elargis l’enceinte de ton pavillon, et développe les voiles de tes tentes ; allonge tes cordages ; affermis tes pieux ; tu pénétreras à droite et à gauche, parce que Celui qui t’a créé sera ton Seigneur »: et celle-ci: « Les nations marcheront à ta lumière, et les rois d l’éclat de ta splendeur. Lève les yeux autour de toi, et vois: tous ces peuples s’avancent vers toi ; tes fils viendront de loin ; tes filles s’élèveront à tes côtés. »

Mais il y a dans l’Eglise des Chrétiens qui confessent Dieu de bouche, et qui Le renient par leurs œuvres, des Chrétiens, dont la Foi est défigurée et morte, en qui le démon habite, par suite de leurs péchés, et règne dans sa propre maison. nous demandons que le Royaume de Dieu leur arrive aussi, afin que, s’arrachant aux ténèbres du mal, et éclairés par la Lumière divine, ils soient rétablis dans leur première dignité d’enfants de Dieu ; nous demandons que le Père céleste, en chassant de son Royaume les hérésies, les schismes, le péché et toutes les causes du péché, nettoie l’aire de son Eglise, et lui permette de jouir d’une paix douce et tranquille, en servant Dieu dans la piété et l’innocence.

Nous demandons, enfin, que Dieu vive et règne seul en nous, afin que la mort n’ait plus sur nous aucun droit, qu’elle soit observée par la victoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et qu’ainsi, après avoir renversé et anéanti l’autorité, la domination et la puissance de ses ennemis, II demeure le seul et unique Souverain de toutes choses.

Les Pasteurs ne manqueront pas d’apprendre aux Fidèles quel est l’esprit et le sens de cette demande, et par suite avec quelles pensées et quelles dispositions ils doivent adresser à Dieu cette Prière. Ils les exhorteront d’abord à bien peser toute la force et la portée de cette parabole du Sauveur: (Matth., 13, 44.) « Le Royaume des cieux est semblable à un trésor caché dans un champ. Un homme vient-il à le trouver, il le cache de nouveau, et dans sa joie, il s’en va, vend tout ce qu’il possède et achète ce champ. » Ainsi celui qui connaîtra les richesses de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour elles, méprisera tout le reste. Biens, fortune, puissance, tout sera vil à ses yeux. Rien ne saurait être comparé à ce souverain Bien, ou plutôt rien ne saurait tenir devant Lui. C’est pourquoi ceux qui auront le bonheur de connaître ces richesses du Royaume de Dieu, s’écrieront avec l’Apôtre: (Philipp., 3, 8.) « Je me suis dépouillé de tout, je fais cas de toutes choses comme de la boue, pour gagner Jésus-Christ. » C’est la perle précieuse de l’Evangile. Celui qui aura dépensé pour l’acheter tout l’argent qu’il avait retiré de la vente de tous ses biens jouira d’un bonheur éternel. Heureux serions-nous, si Notre-Seigneur Jésus-Christ daignait nous éclairer assez pour faire voir cette perle de la Grâce divine, par laquelle Il règne en tous ceux qui Lui appartiennent ! nous serions prêts à tout vendre et à tout donner, jusqu’à nous-mêmes, pour l’acquérir et pour la conserver. C’est alors que nous pourrions dire, sans la moindre crainte: (Rm., 8, 35.) « Qui pourra nous séparer de la Charité de Jésus-Christ ? » Que si nous voulons savoir quelle est l’excellence de la gloire du Royaume céleste, et combien elle l’emporte sur tout le reste, écoutons ce que dit le Prophète Isaïe, et après lui l’Apôtre Saint Paul: (Is., 64, 4. ; I Cor., 2, 9.) « L’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, le cœur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. »

§ V. — DANS QUELS SENTIMENTS IL FAUT FAIRE CETTE DEMANDE.

Mais pour obtenir plus sûrement l’effet de notre demande, il sera très utile de nous redire à nous-mêmes qui nous sommes, c’est-à-dire les enfants d’Adam, trop justement chassés du paradis, condamnés à l’exil, et dignes par nos misères et nos péchés, de toute la haine de Dieu et des éternels supplices. Alors nous nous tiendrons dans l’abaissement et l’abjection. notre Prière sera pleine d’humilité. nous nous défierons de nous-mêmes, pour nous jeter, comme le Publicain de l’Evangile, dans le sein de la Miséricorde de Dieu. nous rapporterons tout à sa Bonté, et nous lui rendrons d’immortelles actions de grâces, d’avoir bien voulu « nous donner son esprit (Rm., 8, 15.) dans lequel nous avons la confiance de crier: Père, Père ! »

Nous cherchons ensuite à bien connaître ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour parvenir au Royaume céleste. Car Dieu ne nous a pas appelés à l’oisiveté et à la paresse ; Il nous dit au contraire: (Matth., 11, 12.) « Le Royaume des cieux souffre violence, et ce sont les violents qui l’emportent. » Et ailleurs: (Matth., 19, 17.) « Si vous voulez entrer dans la vie, gardez les Commandements. »

Ce n’est donc point assez de demander le Royaume de Dieu, si en même temps on ne travaille avec soin et avec zèle à le mériter. Il faut aider la grâce, et devenir les coopérateurs de Dieu dans la route à suivre pour arriver au ciel. Dieu ne nous abandonne jamais. Il nous a promis d’être toujours avec nous. A nous de prendre garde de ne point quitter Dieu et de ne point nous abandonner nous-mêmes. Dieu a mis dans son Eglise, qui est son Royaume ici-bas, tout ce qui est nécessaire pour protéger notre vie mortelle et assurer notre Salut éternel: et ces légions d’Anges invisibles, et ce trésor visible des Sacrements, si riches en grâces célestes. Avec de tels secours, que la bonté de Dieu nous a ménagés, non seulement nous n’avons rien à craindre de la puissance de nos ennemis acharnés, mais même nous pouvons terrasser le tyran des enfers et le fouler aux pieds avec ses cruels satellites.

Demandons donc très instamment au Saint Esprit qu’Il nous enseigne à faire toutes choses selon sa volonté ; qu’Il détruise l’empire de Satan, afin qu’au dernier jour il n’ait aucun pouvoir sur nous. Demandons que Jésus-Christ soit vainqueur, et qu’Il triomphe ; que ses lois soient en vigueur par toute la terre, que ses décrets soient partout exécutés, qu’il n’y ait ni traître ni déserteur parmi les siens, et que tous se montrent tels qu’ils puissent se présenter avec confiance devant Dieu leur Souverain, et entrer ensuite en possession du Royaume céleste qui leur a été préparé de toute éternité, et où ils jouiront avec Jésus-Christ d’un bonheur qui n’aura point de fin.