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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre trente-septième — Du neuvième et du dixième Commandement

Vous ne convoiterez point la maison de votre prochain, et vous ne désirerez point sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui lui appartient.

La première chose à remarquer dans ces deux derniers Commandements, c’est qu’ils nous donnent pour ainsi dire, le moyen infaillible de garder tous les autres. Car ils ont pour objet et pour fin de prescrire à celui qui veut fidèlement observer les Commandements précédents, d’éviter avec le plus grand soin les désirs déréglés. Celui qui ne convoite rien, est content de ce qu’il possède, il ne désire point le bien des autres, il se réjouit de leurs avantages, rend gloire au Dieu immortel, et lui témoigne les plus vives actions de grâces ; il observe le Sabbat, c’est-à-dire, qu’il jouit d’un repos perpétuel, il respecte ses supérieurs, et enfin il ne blesse personne ni en paroles, ni en actions, ni d’aucune autre manière. La convoitise est la racine et la source de tous les maux, et ceux dont elle enflamme les passions se précipitent dans tous les désordres et dans tous les crimes.

Ces réflexions ne peuvent que rendre le Pasteur plus zélé à expliquer ces deux Commandements, et les fidèles plus attentifs à l’écouter et à le suivre.

Nous avons réuni ces deux préceptes parce qu’ils se ressemblent du côté de leur objet, et que la manière de les expliquer est la même ; cependant le Pasteur pourra les traiter ensemble ou séparément, selon qu’il le trouvera plus commode pour ses exhortations et ses instructions. Mais s’il a entrepris d’expliquer en détail le Décalogue, il devra montrer la différence réelle de ces deux Commandements et des deux genres de convoitise qu’ils condamnent. C’est ce que Saint Augustin met très bien en lumière dans son Livre des Questions sur l’Exode (Quaest., 77, in Exod.).

§ I. — DIFFÉRENCE ET NÉCESSITÉ DE CES DEUX COMMANDEMENTS.

L’une des convoitises dont nous parlons ne voit et ne cherche que ce qui est utile et avantageux, l’autre court après le plaisir et la volupté. Celui qui désire la maison ou la terre de son voisin, poursuit ce qui est utile et profitable plutôt que la volupté. Au contraire celui qui désire la femme d’autrui, cherche le plaisir et non pas l’utilité.

Ces deux Commandements étaient nécessaires. En voici la double raison: la première, c’est qu’il fallait expliquer le sens du dixième et du septième précepte. Sans doute, en voyant l’adultère défendu, on pouvait en conclure, avec les seules lumières naturelles, qu’il est défendu également de désirer la femme d’un autre ; car il est permis d’user de ce que l’on peut désirer sans crime. Cependant la plupart des Juifs, aveuglés par le péché, ne pouvaient se persuader que Dieu eût fait cette défense. Et même un bon nombre d’entre eux, qui se donnaient comme interprètes de la Loi, et qui par conséquent devaient bien la connaître, étaient tombés dans cette erreur, comme on peut le voir par ces paroles de Notre-Seigneur dans Saint Matthieu (Matth., 5, 27.): « Vous savez qu’il a été dit aux Anciens vous ne commettrez point d’adultères ; mais moi, je vous dis... etc. ».

La seconde raison [de la nécessité de ces deux Commandements] c’est qu’ils défendent d’une manière claire et distincte des choses que le sixième et le septième ne défendaient que d’une manière générale. Ainsi, par exemple, le septième Commandement défend de désirer injustement ou de ravir le bien d’autrui ; mais ici il est défendu de le désirer de quelque manière que ce soit, même si l’on pouvait l’acquérir justement et légitimement, dés que cette acquisition pourrait causer quelque dommage au prochain.

Avant d’en venir à l’explication de ce 9° et 10° précepte, il faudra, avant toutes choses, faire remarquer ana fidèles non seulement qu’ils nous obligent à réprimer nos convoitises, mais encore à reconnaître l’infinie bonté de Dieu envers nous. Par les Commandements précédents, II nous avait entourés comme d’une sorte de garde pour nous mettre, nous et nos biens, à l’abri des violences du prochain ; par ces deux derniers, II nous défend contre nous-mêmes et contre nos convoitises mauvaises, qui ne pouvaient manquer de nous nuire, s’il nous eût été loisible de tout désirer et de tout souhaiter. Dès lors par le seul fait que Dieu nous défend la convoitise, l’aiguillon des passions malsaines qui nous pousse d’ordinaire à toute sorte d’actions répréhensibles, se trouve émoussé pour ainsi dire ; il nous presse moins, et délivrés de ses sollicitations importunes, nous avons plus de temps pour remplir les devoirs nombreux et si importants que la Religion et la piété nous prescrivent envers Dieu.

Et ce n’est pas là seulement ce que ces deux Commandements nous apprennent. ils nous montrent encore que la Loi de Dieu, pour être observée comme il convient, non seulement exige l’accomplissement extérieur du devoir mais encore les sentiments intimes de l’âme. Et c’est ce qui met une grande différence entre les lois humaines et les lois divines. Les premières se contentent des actes extérieurs, les secondes, par cela même que « Dieu voit au fond du cœur », demandent, avec la préparation de l’âme, une grande pureté et intégrité de cœur.

La Loi de Dieu est donc comme un miroir où nous apercevons les vices de notre nature. Ce gui a fait dire à l’Apôtre (Rm., 7, 7.): « Je n’aurais point connu la concupiscence, si la Loi ne m’avait dit: vous ne convoiterez point. » En effet la concupiscence, qui est comme le foyer du péché, et qui tire son origine du péché même, demeure perpétuellement fixée en nous ; et c’est ce qui nous fait sentir que nous naissons dans le péché. Dès lors nous recourons en suppliants à Celui qui peut seul en laver les souillures.

Autre reste ces deux Commandements ont cela de commun avec les huit autres, qu’ils sont tout à la fois positifs et négatifs ; ils commandent et ils défendent. Et pour bien les faire comprendre, le Pasteur doit les expliquer séparément.

§ II. — QU’EST-CE QUE LA CONCUPISCENCE

Il ne faut pas s’imaginer que ce précepte condamne tous les désirs, ni qu’il considère comme vicieuse une concupiscence qui ne l’est pas. « L’esprit convoite contre la chair », dit Saint Paul (Gal., 5, 17.) ; David « désirait en tout temps les ordonnances de Dieu avec la plus vive ardeur » (Ps., 118, 20.). Le Pasteur devra donc faire connaître aux Fidèles quelle est cette concupiscence qui est ici défendue.

Il faut entendre par ce mot, comme un mouvement, un élan de l’âme qui nous porte vivement à désirer les choses agréables que nous n’avons pas. Et de même que les autres mouvements de notre âme ne sont pas nécessairement et perpétuellement mauvais, de même l’ardeur de la concupiscence n’est pas nécessairement vicieuse. Ainsi ce n’est pas un mal de désirer de manger et de boire, de se chauffer quand on a froid, ou de chercher le froid quand on a chaud. Il faut dire au contraire que ces désirs sont bons en eux-mêmes, car c’est Dieu qui les a mis en nous. Mais le péché de nos premiers parents a dépravé ces désirs légitimes, ils se sont élancés au-delà des bornes naturelles, et maintenant ils nous poussent trop souvent à convoiter des choses que l’esprit et la raison condamnent.

Toutefois, si nous savons modérer cette ardeur et la contenir dans les justes limites, elle nous devient souvent très utile. D’abord, elle est cause que nous adressons à Dieu des prières assidues, pour Lui demander humblement et instamment ce que nous désirons le plus. La prière est l’interprète naturel de nos désirs, et si cet élan légitime n’existait pas, les prières ne seraient pas si nombreuses dans l’Eglise de Dieu.

Ensuite elle nous rend plus chers et plus précieux les dons de Dieu ; car plus nous désirons une chose avec ardeur, plus l’objet de notre désir nous devient cher et agréable lorsque nous l’avons obtenu.

Enfin le plaisir même que nous procure la chose désirée lorsque nous la possédons, nous porte à remercier Dieu avec une piété beaucoup plus grande. Si donc il est quelquefois permis de convoiter, nous sommes obligés d’avouer que tout élan de convoitise n’est point défendu. Et quoique l’Apôtre Saint Paul dise que « la convoitise est un péché » (Rm., 7, 20.), il faut entendre cette parole dans le sens que lui donne Moise, (Ex., 20, 17.) puisqu’il cite son témoignage. D’ailleurs lui-même laisse voir clairement qu’il pense de même. Dans son Epître aux Galates, (Gal., 5, 16.) il appelle cette convoitise « la convoitise de la chair. Conduisez-vous, dit-il, par le mouvement de l’esprit, et vous n’accomplirez point les désirs de la chair. »

On ne défend donc point ici ce désir naturel et modéré, qui ne sort point de ses limites, et bien moins encore cette convoitise toute spirituelle d’une âme pure, qui nous fait soupirer après les choses qui combattent la chair. nos Saints Livres eux-mêmes nous y exhortent. « Désirez mes entretiens, » (Sg., 6, 12.) et encore: (Sir., 24, 26.) « venez à Moi, vous tous qui Me désirez avec ardeur. » Ainsi ce que Dieu nous interdit dans ce Commandement, ce n’est pas cette puissance même de convoiter dont nous pouvons user pour le bien et pour le mal, mais bien l’exercice de cette convoitise déréglée que l’on appelle la concupiscence de la chair, et le foyer du péché ; convoitise qui nous rend toujours coupables, dés que notre cœur y donne son consentement.

§ III. — QUELLE EST LA CONVOITISE QUI EST ICI DÉFENDUE

Dieu défend donc ici uniquement cette ardeur de convoitise que l’Apôtre appelle concupiscence de la chair, c’est-à-dire ces élans de désirs qui ne sont point modérés par la raison, et qui ne restent point dans les limites que Dieu a établies. Cette convoitise est réprouvée, ou parce qu’elle désire le mal, comme l’adultère, l’intempérance, l’homicide, et autres crimes abominables dont l’Apôtre a dit: (I Cor., 10, 6.) « ne nous livrons point aux mauvais désirs, comme les Juifs s’y livrèrent ; » ou parce que, si les choses que l’on désire ne sont pas mauvaises de leur nature, il est cependant défendu de les désirer pour d’autres motifs telles sont les choses que Dieu et l’Eglise nous défendent de posséder. Car il ne peut nous être permis de désirer ce qu’il ne nous est point permis de posséder. tels furent, dans la Loi de Moise, l’or et l’argent dont les idoles étaient faites, et que Dieu, dans le Deutéronome, défendait aux Juifs de convoiter.

Une troisième raison qui rend cette convoitise coupable et absolument défendue, c’est lorsqu’elle désire des choses qui appartiennent à autrui, comme sa maison, son serviteur, sa servante, son champ, sa femme, son bœuf, son âne et tous les autres biens que la Loi de Dieu nous défend de convoiter, uniquement parce qu’ils ne sont pas à nous.

Le désir de toutes ces choses est criminel, et il est compté parmi les péchés les plus considérables, lorsque le cœur y donne son consentement formel. Car le péché excité par les désirs déréglés de la concupiscence, prend plaisir au mal, soit qu’il l’approuve, soit seulement qu’il n’y résiste point. Ainsi l’enseigne l’Apôtre Saint Jacques, dans ce texte célèbre Où il nous montre l’origine et le progrès du péché: (Jacq., 1, 14.) « Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l’emporte et l’attire. Ensuite, quand la concupiscence produit son effet, cet effet est le péché, et le péché, lorsqu’il est accompli, produit la mort. »

Ainsi donc, quand la Loi nous dit: Vous ne convoiterez point, elle nous dit. En d’autres termes, d’éloigner nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas. Car la soif du bien du prochain est immense, infinie, et jamais rassasiée, ainsi qu’il est écrit: (Eccl., 5, 9.) « l’avare ne sera jamais rassasié d’argent », ce qui a fait dire à Isaïe: (Is., 5, 8.) « Malheur à vous qui joignez maison à maison, et un champ à un autre ! »

Mais chacun des termes du précepte veut être expliqué séparément. Ainsi l’on comprendra mieux la laideur et l’énormité du péché dont nous parlons.

§ IV. — DIFFÉRENTES ESPÈCES DE BIEN D’AUTRUI QUE L’ON NE DOIT PAS DÉSIRER.

Le Pasteur enseignera aux Fidèles que ce mot de maison désigne non seulement le lieu ou l’on habite, mais en général tous les biens que l’on possède. C’est dans ce sens que les Ecrivains sacrés l’ont employé le plus ordinairement. Ainsi il est dit dans l’Exode: (Ex., 1, 21.) « Dieu bâtit des maisons aux sages femmes. » Ces paroles signifient évidemment que Dieu étendit et augmenta leurs biens. Cette interprétation du mot maison nous montre que la Loi de Dieu nous défend de désirer avec avidité les richesses,

et de porter envie à la fortune, à la puissance, à la noblesse des autres. Dieu veut que nous soyons contents de notre condition, quelle qu’elle soit, basse ou élevée. nous devons voir aussi dans ce mot la défense de désirer la gloire du prochain, car la gloire fait partie de la maison.

Les mots qui suivent: le bœuf, l’âne, indiquent qu’il nous est défendu de convoiter non seulement les choses considérables, comme la maison, la noblesse, la gloire, parce qu’elles appartiennent à autrui ; mais même les petites, et n’importe lesquelles, animées ou inanimées.

Vient ensuite le mot serviteur. Il faut l’entendre aussi bien des captifs que des serviteurs de toutes sortes et autrefois des esclaves ; nous n’avons pas le droit de les convoiter, pas plus que ce qui appartient à un autre. Quant aux hommes libres qui servent volontairement, soit par intérêt, soit par affection ou par dévouement, on ne doit rien employer, ni paroles, ni craintes, ni promesses, ni argent pour les corrompre et les engager à quitter ceux à qui ils se sont spontanément attachés. Et même s’ils viennent à les quitter avant le temps qu’ils avaient promis de rester à leur service, il faut les avertir que ce précepte leur fait une obligation formelle de rentrer chez leurs maîtres.

Que si, dans ce même précepte, il est fait mention du prochain, — c’est pour rendre plus évident le mauvais penchant des hommes qui ont l’habitude de jeter leurs désirs sur les terres, les maisons ou toute autre chose qui les touche. Et en effet le voisinage, qui est d’ordinaire un des éléments de l’amitié, devient souvent une source de haines par le dérèglement de la cupidité.

Toutefois, ce n’est pas violer ce Commandement que de désirer d’acheter des objets que nos voisins ont à vendre, ou de les acheter à leur juste pria. non seulement nous ne faisons point tort au prochain en agissant de la sorte, mais nous lui rendons un grand service, puisque l’argent qu’il reçoit lui sera plus avantageux et plus commode que ce qu’il met en vente.

§ V. — IL EST DÉFENDU DE DÉSIRER LA FEMME DE SON PROCHAIN.

Après la Loi qui nous défend de désirer en général le bien d’autrui, vient celle qui nous interdit de convoiter sa femme. Cette Loi n’atteint pas seulement la passion coupable qui fait désirer la femme d’un autre en vue de l’adultère, mais encore le simple désir de l’épouser. Car lorsqu’il était permis de répudier sa femme, il pouvait arriver facilement que celle qui était répudiée par l’un, fût épousée par l’autre. Et c’est pourquoi Notre-Seigneur a voulu porter cette défense, pour que les maris ne fussent point tentés de laisser leurs femmes, ni les femmes de se montrer difficiles et fâcheuses afin de mettre leurs maris dans la nécessité de leur donner le billet de répudiation.

Mais aujourd’hui ce péché est beaucoup plus grave, puisqu’il est défendu d’épouser une femme même répudiée, tant que son mari n’est pas mort. Celui qui aura le malheur de désirer la femme de son prochain, tombera facilement dans l’un de ces deux crimes, ou de souhaiter la mort du mari, ou de désirer l’adultère.

Il en faut dire autant des femmes qui sont fiancées. La Loi de Dieu interdit de les convoiter, puisque chercher à rompre ces sortes de promesses c’est fouler aux pieds le plus sacré des engagements.

Cependant si quelqu’un désirait avoir pour épouse une femme mariée, mais qu’il croirait libre, et qu’il fût résolu à ne pas la demander en mariage, dans le cas où il saurait qu’elle est déjà l’épouse d’un autre, cet homme, avec des intentions telles, ne violerait certainement point le précepte que nous expliquons. Ce fut le cas, comme nous le voyons dans l’Ecriture, de Pharaon et d’Abimelech, qui désiraient prendre Sara pour femme, parce qu’ils ne la croyaient pas mariée, la regardant comme la sœur, et non comme l’épouse d’Abraham.

§ VI. — CE QUE DIEU ORDONNE PAR CES DEUX COMMANDEMENTS.

Pour faire connaître aux Fidèles les remèdes que Dieu a préparés pour détruire l’effet de nos convoitises mauvaises, le Pasteur devra leur expliquer la seconde disposition de la Loi. Or, d’après cette disposition, « si les richesses abondent dans notre maison, nous ne devons pas attacher notre cœur (Ps., 61, 11.) ». Au contraire nous devons être prêts à les sacrifier dans l’intérêt de la Foi et de notre Salut. De même nous devons nous en servir généreusement pour venir en aide à la détresse du pauvre. Mais si les biens de la fortune nous manquent, nous saurons supporter de bon cœur et même avec joie notre indigence. D’ailleurs, si nous nous dépouillons charitablement de ce qui nous appartient, nous aurons bientôt éteint en nous le désir de ce qui ne nous appartient pas.

Ajoutons que le Pasteur trouvera facilement, soit dans l’Ecriture Sainte, soit dans les Pères tout ce que l’on peut dire au peuple sur l’éloge de la pauvreté et sur le mépris des richesses.

Cette Loi nous ordonne également de désirer de tout notre cœur et avec la plus vive ardeur l’accomplissement, non de nos propres vœux, mais de la volonté de Dieu, ainsi qu’il est dit dans l’Oraison Dominicale. Or la volonté de Dieu, c’est que nous travaillions d’une manière toute particulière à devenir des saints ; que nous conservions la sincérité du cœur, avec une pureté parfaite ; que nous nous exercions à ces œuvres de l’esprit, qui sont contraires à celles des sens ; qu’après avoir dompté nos appétits, nous suivions toujours le droit chemin en toutes choses, avec la lumière et le jugement de la saine raison ; et que enfin, nous sachions réprimer vigoureusement tout sentiment qui pourrait devenir une occasion funeste pour nos convoitises et nos passions.

Or, pour éteindre cette ardeur des passions, il nous sera très utile de considérer attentivement les inconvénients qui en sont la suite.

Le premier de ces inconvénients, c’est que, si nous obéissons à nos convoitises déréglées, le péché dominera dans notre âme, avec toute sa puissance et toute sa tyrannie. Voilà pourquoi l’Apôtre nous fait cette recommandation: (Rm., 6, 12.) « Que le péché ne règne point dans votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses mauvais désirs. » De même, en effet, qu’en résistant aux passions, on détruit la force du péché, de même en y succombant, on chasse le Seigneur de son royaume, pour installer le péché à sa place.

Le second inconvénient, c’est que la concupiscence est comme une source intarissable qui donne naissance à tous les autres péchés, ainsi que nous l’enseigne l’Apôtre Saint Jacques (Jacq., 1, 14.) ; et Saint Jean dit de son côté: (I Jean, 2, 16.) « Tout ce qui est dans le monde, est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, et orgueil de la vie. »

Le troisième, c’est que les passions mauvaises obscurcissent la raison et faussent le jugement. Les hommes sont aveuglés par les ténèbres de la convoitise, dès lors, tout ce qu’ils désirent devient pour eux honnête et parfait.

Enfin, cette même convoitise étouffe en nous la parole que Dieu Lui-même — ce grand cultivateur -- a déposée dans nos âmes. « Le grain semé dans les épines, dit Saint Marc, est la figure de ceux qui entendent la parole et qui la laissent étouffer par les maux de la vie, par l’illusion des richesses, et par tous les effets des passions ; ce qui fait qu’elle ne porte aucun fruit. »

§ VII. — QUI SONT CEUX QUI PÈCHENT CONTRE CES DEUX COMMANDEMENTS.

Le Pasteur ne manquera pas de dire, en terminant cette explication, qui sont ceux qui ont le plus à lutter contre leurs convoitises criminelles, et que par conséquent il doit exhorter le plus à observer ce précepte.

Ce sont ceux qui se plaisent à des divertissements indécents, ou qui se livrent sans modération aux jeux même permis ; les marchands, qui désirent la disette, ou la cherté des marchandises, qui voient avec chagrin qu’ils ne sont pas les seuls pour acheter et pour vendre, ce qui leur permettrait de vendre plus cher et d’acheter à plus bas prix ; ceux qui souhaitent que leurs semblables soient dans la misère, afin de réaliser du profit soit en leur vendant, soit en leur achetant ; les militaires qui demandent la guerre pour avoir la licence de voler et de piller ; les médecins qui désirent des malades ; les hommes de loi qui réclament des causes, et des procès importants et nombreux ; les ouvriers qui voudraient qu’il y eût rareté et disette de tout ce qui est nécessaire à la nourriture et à l’entretien, pour gagner davantage.

Sont encore très coupables en ce genre ceux qui sont désireux et avides de la gloire et de la considération des autres, et qui ne se privent pas de les attaquer par la calomnie ; surtout s’ils sont eux-mêmes des êtres lâches et sans mérite, car la considération et la gloire sont le prix de la vertu et du talent, et non celui de la lâcheté ou de la paresse.