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Une crise de l'Eglise annnoncée dès les origines

Auteur(s) : Hecquard, Maxence
Thème(s) : Révolution / Modernité / Démocratie / Antéchrist / Eschatologie
Nature : Conférence
Origine : Conférence donnée par Maxence Hecquard en octobre 2019, à l'invitation du CEP, où il montre que la crise actuelle de l'Eglise était prophétisée dans la Sainte Ecriture.

Contexte

Nous transcrivons ici une conférence donnée par Maxence Hecquard en octobre 2019, sur l’invitation du CEP, à la suite de la publication de son ouvrage « La Crise de l'autorité dans l'Eglise – Les papes de Vatican II sont-ils légitimes ? » (21 février 2019, éditions Pierre Guillaume de Roux).

Dans cette conférence, Maxence Hecquard montre que la terrible crise qui ébranle aujourd'hui l'Église catholique et, par ricochet, nos sociétés, était prophétisée en plusieurs lieux de la Bible, notamment dans le livre de Daniel et dans l'Apocalypse. Maxence Hecquard les commente à la lumière des Pères de l’Église et des théologiens médiévaux, dont certains peu connus tel saint Béat de Liébana (8ème siècle). On comprend alors le sens et l'issue probable d'une telle crise.

Vidéo de la conférence sur Youtube

Les leçons d’une crise annoncée dès les origines

https://www.youtube.com/watch?v=zEWHzcqpa68

Transcription épurée par Recatho

Introduction

Bonjour à tous !

Je ne pouvais pas espérer de meilleure conférence pour introduire mon propos que celle que nous venons d'entendre, puisque je vais moi aussi vous parler des Pères de l'Eglise et de ce qu'ils ont à nous apprendre sur notre époque.

J'écoutais, il y a une petite dizaine de jours, à la radio, Luc Ferry, qui est un philosophe très connu qui fait des petites causeries sur Radio Classique et qui parlait du retour du religieux. Il se demandait si on peut parler aujourd'hui d'un retour du religieux et, en fait, il disait, mais non, il n'y a pas de retour du religieux. Pourquoi ? Tout simplement parce que le christianisme est en train de disparaître. Et, disait-il, il suffit de regarder les statistiques, le nombre des baptêmes. Après la guerre, il y avait encore à peu près 80 % de baptisés en France. Aujourd'hui, je crois que nous sommes à 30 % et il n'y a plus que 4 % de gens qui pratiquent, et comment pratiquent-ils ! Et puis, disait-il, le clergé. Il ne reste plus que je crois 6000 prêtres en France avec sans doute une moyenne d'âge élevée et donc on va tout simplement vers une disparition quasiment physique du christianisme. Et, disait-il, lorsqu'on parle d'un retour du religieux, on peut évidemment évoquer une certaine substitution de l'islam au christianisme, mais disait-il, on ne peut pas comparer l'islam et le christianisme, ce sont deux choses complètement différentes.

Alors, lorsqu'on a la foi, lorsqu'on a la chance d'avoir la foi catholique, cette situation est évidente, elle éclate à nos yeux et c'est évidemment une très grande souffrance de voir que notre Église est en si grande difficulté. Et on se dit : comment est-ce possible puisque le Christ a promis qu'il serait toujours avec l'Église jusqu'au dernier jour ? Et il promet au petit troupeau qu'il l'accompagnera et que les portes de l'enfer ne prévaudront pas et que l'Église fondée sur le Christ semble ne pas pouvoir être ébranlée. Et donc, comment est-ce possible ?

Je voudrais, ce matin, tenter de vous montrer que cette crise effrayante de l'Église à laquelle nous assistons, elle est prophétisée depuis toujours dans la Sainte Écriture, c’est-à-dire que Dieu a annoncé qu'elle arriverait. Et il est très important, et je suis plein d'étonnement parce que j'entends assez peu nos prêtres en parler, de dire qu’en fait, tout se déroule comme prévu. Même si c'est très douloureux, même si cette situation est très pénible, elle est prévue par Dieu.

Alors, avant d'entrer dans le vif du sujet, [je précise que] je vais beaucoup vous parler de textes de la Sainte Écriture, et que je m'en tiens aux prophéties de la Bible et aux textes des Pères de l'Église. [Je ferai] donc beaucoup de citations, je ne donnerai pas les références parce que ça serait lourd et pénible, et ceux qui seraient intéressés par mon propos et voudraient approfondir pourront acheter mon dernier livre car toute la dernière partie de ce livre porte sur ces questions et ils y trouveront toutes les références de la Sainte Écriture et les références patristiques de ce qui se trouve à l'œuvre. J'en ai apporté quelques-uns. Donc vous pourrez l'acheter à la sortie, puis autrement on en trouve en librairie sur Amazon et un peu partout.

Dans une première partie, je vais vous exposer ces prophéties de la Sainte Écriture et leur commentaire par les Pères de l'Eglise brut, c’est-à-dire sans interprétation. Je préfère séparer les choses parce que ce que dit la Sainte Écriture, c'est évidemment la Parole de Dieu, et ce que disent les Pères de l'Église a une grande autorité dans l'Église et donc je ne veux pas, je dirais, polluer ce message par une interprétation qui me serait personnelle et qui donc n'a aucune autorité.

Ensuite, dans une seconde partie, beaucoup plus courte, je vous donnerai mon interprétation personnelle. J’en choquerai peut-être certains et je les prie de m'en excuser par avance.

Première partie : prophéties de la Sainte Ecriture et commentaire des pères de l’Eglise

La crise de l’Eglise est annoncée pour la fin des temps

Saint Paul nous dit « qu’il faut qu'il y ait des hérésies afin que ceux qui sont éprouvés se manifestent parmi vous » (I Cor., 11, 19). C'est dans la première épître aux Corinthiens. Notre Seigneur lui-même, dans le fameux chapitre 24 de saint Matthieu, nous dit que « de nombreux pseudo prophètes se lèveront et séduiront un grand nombre. Et parce que l'iniquité aura abondé, la charité de beaucoup se refroidira » (Matth., 24, 11-12), et Il s'interroge tristement : « en vérité, le Fils de l'homme, à son retour, trouvera-t-il la foi sur la terre » (Luc, 18, 8) ? Et le Christ nous donne le signe de l'arrivée de ces événements tragiques : « lorsque vous verrez l'abomination de la désolation, dite par le prophète Daniel, se tenir dans le lieu saint » (Matth., 24, 15). C'est vraiment un précepte très inusuel du Christ de nous demander d'aller lire le livre de Daniel. Il nous dit : « Allez lire le livre de Daniel, il vous annonce une abomination de la désolation ».

L’abomination de la désolation dans le livre de Daniel

Le livre de Daniel est un livre extrêmement intéressant, comme tous les livres de la Sainte Écriture, et très obscur. Je vais essayer de vous donner quelques lumières sur ce livre.

Dans ce livre, vous avez une série de prophéties, d'images en quelque sorte, qui s'enchaînent, et j'en retiendrai quatre que je vous rappelle rapidement, mais il faut vraiment lire le texte.

Première vision du livre de Daniel

Daniel était un des jeunes juifs qui avait été emmené à Babylone par les Perses et comme il était d'une excellente famille, il était élevé dans une sorte de collège, de lycée où on mettait les aristocrates juifs, et il était destiné à devenir un intellectuel au service du roi de Babylone.

Un jour, le roi de Babylone, Nabuchodonosor, a un songe (Dn., 2, 1-49) où il voit une grande statue dont la tête et les épaules sont d'or, le ventre d'argent, les cuisses d'airain, les tibias et les pieds de fer, et dont les orteils et les pieds sont mélangés de boue et de semence humaine. Et puis survient une pierre non coupée de main d'homme qui détruit la statue.

Alors, Nabuchodonosor convoque tous les sages de Babylone et de la Perse et leur dit : « d'abord, dites-moi mon rêve - il ne révèle pas son rêve - et puis donnez-moi l'interprétation, sinon je vous coupe la tête ». Alors ils sont un peu gênés et disent « au moins dites-nous ce que vous avez vu », et puis finalement, ils disent qu’il y avait un jeune qui est capable de l’interpréter. Et donc, Daniel vient, il énonce le rêve, et puis il l’interprète. Ceci va le faire connaître, il va rentrer au service de Nabuchodonosor et puis, ensuite, il va avoir des songes prophétiques.

Deuxième vision

Et dans son premier songe prophétique - le songe précédent était celui de Nabuchodonosor - Daniel voit quatre bêtes (Dn., 7, 1-28). La première bête est une sorte de lionne qu'il décrit ensuite, la deuxième une espèce d'ours, la troisième un léopard, et puis il voit une quatrième qui le terrifie et qui ne ressemble à aucune autre bête. Cette bête a des cornes qui poussent sur la tête, dix cornes et puis une 11 petite corne. Et elle s'élève contre Dieu, contre les saints, et c'est l'abomination de la désolation (Dn., 7, 25). Daniel est complètement terrifié par cette bête qui détruit le monde entier et tous les hommes, qui les piétine et qui broie tout sur son passage.

Troisième vision

Ensuite Daniel a un autre songe (Dn., 8, 1-27) où il voit un bélier qui a deux cornes dont une qui continue à pousser et qui se bat contre plein d’ennemis qui l'assaillent, et puis survient un bouc qui a une énorme corne, une seule corne, et qui combat ce bélier et qui le piétine et qui lui brise les cornes. Et sa grande corne se divise en quatre et il se met à proférer des blasphèmes contre Dieu, et Daniel nous dit que c'est l'abomination de la désolation dans le lieu saint (Dn., 8, 12). Et Daniel tombe malade tellement il est malheureux de cette prophétie.

Quatrième vision

Et ensuite, dans le chapitre 11, Daniel voit une dernière prophétie qui est le combat du roi de l'aquilon contre le roi du midi. Le roi de l’aquilon, c'est le roi du nord, et le roi du midi, c'est le roi du sud. Et j’y reviendrai tout à l'heure parce que c'est un texte qui est très intéressant.

Toutes les prophéties de Daniel s'achèvent sur la défaite des saints, la disparition du sacrifice perpétuel et l'abomination de la désolation dans le lieu saint (Dn., 7, 25 ; 8, 12 ; 9, 27 ; 11, 31 ; 12, 11). Tous les Pères de l'Église nous disent que le lieu saint, c'est l'Église.

Qu'est-ce que cette abomination ? Abomination vient un mot latin abominatio. Ceux qui ont pratiqué le latin connaissent le Gaffiot. Le Gaffiot nous dit que c'est « l'action de repousser quelque chose d'exécrable », une chose abominable. Alors, abominor vient du mot osmen, en vieux latin, qui signifie présage. Et osmentum, c'est la peau qui entoure les viscères des victimes de sacrifice. Donc « ab osmen », c'est rejeter un mauvais présage. Et l'abomination, c'est lorsqu'on rejette un mauvais présage.

Interprétation du livre de Daniel par les Pères de l’Eglise

Saint Victorin de Peto (Roumanie), un des premiers exégètes, vivant vers l’an 250, a fait un commentaire du livre de Daniel dont saint Jérôme s'est beaucoup inspiré. Et saint Victorin de Peto nous dit « qu’on parle d'abomination quand Dieu est méprisé en ce que l'on rend un culte aux idoles au lieu de Dieu, ou quand le dogme des hérétiques est introduit dans les églises ».

Saint Hippolyte, premier exégète chrétien qui lui meurt vers 255, est très intéressant, même s’il n'est pas très bien connu, parce qu'il y a une filiation directe avec saint Jean puisque saint Hippolyte était un disciple de saint Irénée qui était un disciple de saint Polycarpe, lui-même disciple direct de saint Jean. On peut donc penser que saint Hippolyte avait une tradition orale d'interprétation notamment du texte de l'Apocalypse, et tous les Pères de l'Église qui ont commenté le livre de Daniel commentent en même temps l'Apocalypse car le livre de Daniel est en fait l'Apocalypse de l'Ancien Testament. Et saint Hippolyte nous explique que les quatre bêtes qu’a vues Daniel représentent quatre époques du monde.

Et je voudrais m'attacher ici plus particulièrement à la prophétie qui est peu commentée, même par les pères de l’Eglise comme saint Hippolyte ou saint Jérôme, la prophétie du bélier et du bouc. Mais cette prophétie est très intéressante. [Je vais m’appuyer à présent] sur Cornélius a Lapide, une source extrêmement intéressante car c’est un jésuite du XVI siècle qui était très fidèle à la lecture des Pères et qui a fait un monumental commentaire de la Bible en citant, pour chaque verset de la Bible, tous les écrits des Pères concernant la question. Ce commentaire n’est pas traduit mais on peut encore le trouver et constitue donc un outil de travail considérable.

En se référant au Livre des Proverbes, chapitre 30, Cornélius a Lapide nous dit « que le bélier est le chef des brebis et [symbolise] le duc ou le roi par sa conduite et son allure magnifique. Trois choses ont belle allure, le bélier et il n’est roi qui lui résiste ». Le bélier que voit Daniel se tient devant un marais, palus en latin, et selon saint Jérôme, devant la porte. Il s'agit sans doute de l'endroit où Daniel se tenait durant la vision, une porte de la ville de Suse qui menait vers des marais. Il a deux cornes dont l'une est plus grande que l'autre, continue de pousser, et lui permet de vaincre les bêtes de l’aquilon au midi en passant par l'occident.

Don Monléon qui avait une grande culture patristique et qui se fondait sur la Glossa ordinaria, une glose médiévale reprenant elle aussi tous les écrits des Pères de l'Église verset par verset de la Bible, déclarait que « le bélier figure les évêques, les docteurs et les princes chrétiens et tous ceux qui exercent les fonctions de pasteur ou de conducteur dans le troupeau du Christ ». Pour Don Monléon, « les deux cornes figurent l'exemple de la bonne conduite et de la correction fraternelle, la première est plus haute car elle commande l'autre et elle continue de grandir avec le progrès dans la vertu. Le marais, terrain mouvant et fangeux, figure l'instabilité des choses humaines. Le bélier combat l'occident qui figure le péché en général qui éteint la lumière, l’aquilon, le nord, car le vent glacé de l'égoïsme détruit la charité, et le midi dont l'ardeur figure les passions, mais non l'orient où se lève le soleil de la vérité. Le bouc figure les ennemis de la foi, les persécuteurs et les hérésiarques. Il n'a qu'une grande corne qui figure son astuce et il combat le midi qui figure ici l'ardeur de la charité, l'orient pour empêcher le rayonnement du soleil de la justice ainsi que la force, c’est-à-dire Dieu lui-même. Le bouc fond sur le bélier, brise ses cornes, le piétine. Il grandit et sa grande corne fait des ravages. Elle se fractionne en quatre et naît une petite corne qui rappelle la petite corne qui pousse sur les dix cornes de la quatrième bête de la vision précédente », et, je cite Daniel lui-même, « elle, la petite corne, s'éleva jusqu'à la force du ciel et elle fit tomber la force et les étoiles, et elle les foula aux pieds. Elle s'éleva jusqu'au prince de la force et lui enleva le sacrifice perpétuel et renversa le lieu de sa sanctification. Cependant, la force lui fut donnée contre le sacrifice perpétuel à cause des péchés, et la vérité sera jetée à terre, et il agira, et il réussira, et il fera mourir les forts et le peuple des saints ». (Dn. 8, 9-12; Dn. 8, 24)

Alors, ce sont des prophéties terribles, des prophéties de l'Ancien Testament. Il y a d'autres éléments dans d'autres livres de l'Ancien Testament, Isaïe, Ezéchiel, et d'autres livres. Et les Pères, qui étaient beaucoup plus cultivés que nous ne le sommes aujourd'hui sur ces questions, font le rapport entre tous ces textes. Mais bon, je n'ai pas le temps de tout vous exposer ici.

Saint Paul annonce la grande apostasie et le règne de l’Antéchrist à la fin des temps

Alors ensuite, nous avons saint Paul qui prophétise à plusieurs endroits ce qu'on appelle la grande apostasie, « dans les derniers jours, dit-il, s'installeront des temps périlleux » (II Tim, 3, 1), et il précise que l'Antéchrist sera précédé par une perte générale de la foi : « Que nul ne vous séduise en rien, cela n'arrivera pas avant d'abord l'apostasie et que ne soit révélé l'homme de péché, le fils de perdition » (II Thess, 2, 3). Alors, que signifie l’apostasie ? En latin, on traduit par discessio. C'est l'action de s'éloigner. Apostasia, c'est l'action de s'éloigner, la défection, l'abandon. Et de fait, saint Paul nous dit dans la première épître à Timothée : « dans les derniers temps, certains s'éloigneront de la foi » (I Tim, 4, 1).

Saint Thomas d'Aquin a écrit un petit traité qui est très mal connu et qui est le « traité sur la venue, le statut et la vie de l'Antéchrist ». Alors, ce petit traité, certains ont mis en doute son authenticité, j'ai un peu étudié la question et j'en ai une rare réédition, la seule édition critique d'ailleurs qui en a été faite et qui date de 1830, je crois. Mais c'est un traité qui est tout à fait authentique. Saint Thomas, qui était un lecteur de la Glossa ordinaria dont je vous ai parlé, dit dans ce traité que l'un des signes précurseurs de l'arrivée de l'Antéchrist, c'est l'apostasie, qui consiste dans l'abandon par les peuples de l'Empire romain. Qu'est-ce que signifie cet abandon de l'Empire romain ? Eh bien, dans un autre livre de saint Thomas qui est son commentaire de la seconde épître aux Thessaloniciens, il explique que la dernière période du monde est la période des romains. L'Empire romain, que tous les pères reconnaissent dans les jambes de fer de la statue de Nabuchodonosor, c'est l'époque de la force, donc l'époque du fer. Tous nous disent que c'est la dernière époque du monde. Et saint Thomas fait le lien avec la quatrième bête de Daniel en disant « Voici la quatrième bête, c’est-à-dire le royaume des Romains, terrible avant la foi et admirable après avoir reçu la foi. Elle a de grandes dents de fer et par là est dit qu'elle les dominera tous et se les soumettra ».

Saint Jérôme dit la même chose dans son commentaire du psaume 79. Le psaume 79 au verset 14 dit « le sanglier de la forêt l'a dévastée » et il assimile cette quatrième bête aux Romains qui ont vaincu les Hébreux. Rappelez-vous que les enseignes des légions romaines portaient un sanglier et donc le sanglier la dévaste, les Romains ont dévasté le peuple des Hébreux.

Alors saint Thomas se demande « comment se fait-il que les peuples aient quitté l'Empire romain - puisqu'à l'époque de saint Thomas il n'existait plus - et que l'Antéchrist ne soit pas encore venu ? » « Il faut dire, dit saint Thomas, que l'Empire romain n'a pas encore cessé, mais qu’il s'est transformé de temporel en spirituel, comme le dit le pape Léon dans son Sermon sur les apôtres. Il faut donc dire que l'abandon de l'Empire romain doit être compris non seulement au sens temporel, mais aussi au sens spirituel, à savoir l'abandon de la foi catholique de l'Église romaine. » Donc l'abandon de l'Empire romain, c'est l'abandon de la foi de l'Église romaine, c'est la grande apostasie.

L’Apocalypse de saint Jean annonce la défaite des saints à la fin des temps

Venons-en maintenant la grande prophétie de saint Jean dans l'Apocalypse. Nous allons voir que la défaite des saints, l'éclipse de l'Église, est prophétisée par saint Jean à plusieurs endroits de son Apocalypse.

Saint Béat de Liébana

J'utilise plusieurs commentaires de l'apocalypse pour essayer d'éclairer ce texte, mais, celui que j'ai le plus utilisé est en fait un commentaire assez peu connu de saint Béat de Liébana.

Saint Béat de Liébana est peu connu parce que, pour des raisons que les spécialistes ne s'expliquent pas, il n'a pas été repris dans la patrologie de Migne. Les Pères de l'Église ont été réédités au XIX siècle par l'abbé Migne, qui avait d'ailleurs une grande imprimerie près d'ici, à Issy les Moulineaux, qui d'ailleurs a fait l'objet d'un incendie célèbre. L’abbé Migne a passé des années à récupérer tous les textes anciens des Pères de l'Église, et il en a fait ce qu'on appelle la Patrologia latina, la patrologie en latin, et la Patrologiae graecae, la patrologie en grec. Cela a été un énorme travail, il n'était pas tout seul et avait de nombreuses équipes. Mais c'est un travail qui, aujourd'hui encore, est inégalé et que l'on trouve sur Internet. Donc c'est très intéressant. À son époque, le texte de saint Béat de Liébana n'était plus disponible. Il n’y avait quasiment plus de livres, il n'était plus disponible et donc il n'a pas été reproduit alors que de nombreux autres textes [très anciens l’ont été], des écrits des premiers chrétiens comme Origène et Tertullien, et d'autres moins connus dont je vous parlerai, par exemple Haymon. Mais, saint Béat de Liébana n'y était pas. Je m'attache particulièrement à saint Béat de Liébana parce que je pense que c'est le commentaire le plus précis. Dieu merci, on a énormément de manuscrits médiévaux de saint Béat de Liébana dans les bibliothèques européennes, et il a fait l'objet d'une réédition critique à la fin des années 80 que l’on trouve aujourd'hui, vous pouvez l'acheter, à la Biblioteca de los autores cristianos. C'est une édition espagnole, vous avez le texte latin et une traduction espagnole. Saint Béat de Liébana écrit la première version de son commentaire de l'Apocalypse en 786, il est espagnol et vient après la grande vague des pères puisque qu’après le huit-neuvième siècle, on passe vraiment aux auteurs médiévaux, mais il avait une assez grosse bibliothèque et il avait donc connaissance des Pères. Il vit à l'époque où l'Espagne est occupée par les Arabes mais Liébana se trouve dans les Cantabries, une petite zone restant libre. Saint Béat était moine et avait un disciple, Sirius, qui était évêque et qui combattait l'hérésie de l'époque, l'adoptianisme, qui était professée par Élipand, évêque de Tolède. Saint Béat de Liébana combattait donc furieusement. C’est dans ce contexte tendu qu’il a écrit ce commentaire de l'apocalypse qui est tout à fait extraordinaire et qui l’a fait connaître dans toute l'Europe. Saint Béat était un correspondant d'Alcuin qui était un peu comme le ministre de la culture de Charlemagne, et donc un très grand personnage. Nous avons des lettres d'Alcuin à saint Béat de Liébana où il explique qu'il a une science de la Sainte Écriture extraordinaire et il est donc très connu dans toute la chrétienté pour cela. Je reviendrai tout à l’heure sur son commentaire de l’Apocalypse.

A propos du livre de l’Apocalypse

Qu'est-ce que l'Apocalypse ? Vous savez que c'est le dernier livre canonique, à la fin de la Bible. Apocalypse veut dire « action de découvrir ». C'est une prophétie que saint Jean a eue sur l'île de Patmos. [Ce texte semble de prime abord vraiment obscur et confus] avec ses récits de cavaliers, de torches, de trompettes, de bêtes. Pendant des années, il était pour moi incompréhensible. Pour le comprendre, il faut passer par les commentaires des pères.

Les pères et les théologiens ont toujours considéré que l'apocalypse portait sur des événements réels, des événements à venir avant le retour du Christ dans sa gloire et le jugement général des hommes. C'est d'ailleurs écrit dans le prologue. L'objet même du livre est de « découvrir à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt » (Ap., 1, 1).

Structure du livre de l’Apocalypse

Le livre comporte des péricopes. Une péricope, du grec perikopê signifiant découpage, est une section qui forme une unité. Alors, je vous cite ici un article d'un des meilleurs spécialistes de l'apocalypse au XX siècle, le père Ernest-Bernard Allo, mort en 1945, et qui a fait un commentaire monumental de l'apocalypse. Bien qu'étant un commentaire exégétique mot à mot qui ne parle pas vraiment de l'interprétation, il est très intéressant parce que le père Allo maîtrise vraiment le texte. Dans son article intitulé « La structure de l'Apocalypse de saint Jean », le père Allo explique que « les diverses révélations sont liées par une subtile concaténation », concatenatio en latin, ce qui veut dire enchaînement. Donc, toutes ces péricopes forment en fait diverses mailles d'une chaîne. « Nous l'appelons, dit-il, la loi des emboîtements. Au cours d'une révélation, généralement vers la fin, le voyant pose comme une pierre d'attente pour y élever plus tard l'édifice d'une révélation nouvelle. Révélation nouvelle ai-je dit ? C'est plutôt l'explication d'un point de la révélation précédente et générale, celui qui touche le lecteur de plus près ». On peut donc penser que ces péricopes correspondent à des visions successives du prophète. Et d'ailleurs, dans le livre de Daniel, c'est la même chose, les quatre visions que j'ai évoquées tout à l'heure forment une concaténation, elles sont relatives aux mêmes événements qu'elles éclairent sous une lumière distincte.

En fait, toutes ces péricopes décrivent l'histoire de l'Église.

Les péricopes décrivent l’histoire de l'Église

Les péricopes commencent toutes de la même manière. Ensuite, il y a un récit qui, évidemment, est distinct et elles se terminent toutes de la même manière.

Elles commencent généralement par une vision de l'arrivée du Christ : une porte qui s'ouvre dans le ciel (Ap., 4, 1), un ange qui se tient devant l'autel avec un encensoir d'or (Ap., 8, 3), le temple de Dieu qui s'ouvre dans le ciel (Ap., 11, 19), le temple du tabernacle du témoignage qui s'ouvre dans le ciel (Ap., 15, 5, le ciel qui s'ouvre Ap., 19, 11), etc. Par la porte ouverte, saint Jean signifie le Christ qui est né et qui est mort et qui est la porte. C'est ce que nous dit saint Béat. Le temple ouvert, c'est la manifestation de notre Seigneur.

Ensuite, il y a des figures qui relatent les vicissitudes de l'Église : les quatre cavaliers (Ap. 6), les étoiles qui tombent du ciel (Ap., 6, 13), les bêtes, la colère de Dieu, Gog et Magog (Ap., 20, 7).

Et puis ensuite, ces péricopes s'achèvent sur une vision du paradis ou de la victoire du Christ : le trône de Dieu, le Christ qui abolit le temps, l'Agneau sur la montagne de Sion (Ap., 14, 1, les noces de l'Agneau Ap., 19, 7, la Jérusalem céleste Ap., 21, 2).

Donc, ces péricopes commencent par la venue du Christ dans le monde, se poursuivent par le combat de l'Église contre Satan et s'achèvent par la victoire de Notre Seigneur.

Première péricope : les sceaux

La première péricope est l'ouverture des sceaux par l'Agneau. Vous savez, il y a sept sceaux. Les sept sceaux sont les signes du Christ au monde : son incarnation, sa naissance, sa passion, sa mort, sa résurrection. Saint Béat, nous dit que « l'Église a brisé ces sept sceaux et ces signes sont les actes de l'Église depuis sa passion jusqu'à l'avènement du Seigneur comme il l'a promis. A l'ouverture du premier sceau, saint Jean voit un cavalier blanc qui a un arc et une couronne, il sort en vainqueur pour vaincre, et il symbolise le Verbe de la prédication qui est envoyé dans le monde avec le Saint-Esprit » (Ap., 6, 2). Donc, le premier cavalier blanc, c'est la prédication de l'Église.

Je ne vous ai pas encore parlé de Haymon. Haymon est un personnage qui n'est pas très bien connu et qui est très important. Haymon, lui, a été reproduit par Migne dans sa patrologie. Migne pensait qu'il s'agissait de saint Haymon d'Halberstadt, un disciple de Raban Maur en Allemagne. En réalité, il y a eu beaucoup d'études au début du XX siècle sur Haymon, c'est un moine d'Auxerre sous Charles le Chauve, c'est Haymon d'Auxerre. Et donc, il y a eu pas mal d'études en Sorbonne ces dernières années. Haymon est important parce qu’il écrit 60 ans après saint Béat de Liébana, il est maître d'exégèse à l'abbaye royale de Charles le Chauve, à Auxerre, et tous ses commentaires de la Sainte Écriture vont servir de base à la Glossa ordinaria au XII siècle. En effet, le rédacteur principal de la Glossa ordinaria est Gilbert l'Universel qui a été chanoine à Auxerre et qui a donc repris les écrits de Haymon, il deviendra évêque de Londres. La Glossa ordinaria servit de base à Don Monléon, à saint Albert le Grand, à saint Thomas d'Aquin et à presque tous les grands médiévaux. Pour une raison inconnue, saint Béat de Liébana n'a pas été connu ni par saint Thomas d'Aquin, ni par saint Albert le Grand qui a fait un volumineux commentaire de l'Apocalypse et qui ne le cite jamais. Et, à mon avis, il est très vraisemblable que Haymon a lui-même beaucoup utilisé saint Béat de Liébana parce que, comme je l'ai dit, saint Béat de Liébana a été un correspondant d'Alcuin, conseiller de Charlemagne sur toutes les questions de culture, et l’abbaye royale de Charles le Chauve à Auxerre, où se trouvait Haymon, avait une bibliothèque et faisait des travaux exégétiques. On ne peut pas imaginer que Haymon n'ait pas lu le texte de Saint Béat de Liébana. Or, ces deux commentaires sont extrêmement proches et se complètent, et c'est très intéressant parce que saint Béat de Liébana est saint, [ce qui donne un crédit supplémentaire au commentaire de Haymon d'Auxerre]. Je citerai donc beaucoup Haymon.

Le second sceau, c'est le cheval roux dont le cavalier tient une grande épée (Ap., 6, 3-4), et « il symbolise, nous dit saint Béat, les guerres à venir, la nation s'élèvera contre la nation, le royaume contre le royaume et il y aura de grands tremblements de terre ».

Puis vient [le troisième sceau et] le cavalier noir qui tient une balance (Ap., 6, 5-6). Saint Béat y voit « la famine spirituelle à l'intérieur de l'Église parce que le verbe de la prédication est à peine donné aux petits par les préposés mauvais. La balance est le symbole des marchands et le diable est le pire des marchands qui donne des choses viles et prend des choses précieuses ».

Au quatrième sceau vient le cheval blême, l'enfer le suit et il porte la mort dans toute la terre (Ap., 6, 7-8). Saint Béat développe longuement « qu'il s'agit de la manifestation de la simulation et de l'hypocrisie, c'est le parti du diable à l'intérieur de l'Église, c'est-à-dire les faux frères qui simulent la sainteté, ce sont les pseudo-christs et les pseudo-prophètes ».

Alors le cinquième sceau, c'est le sang des martyrs qui crie vers Dieu (Ap., 6, 9-11).

Et au sixième sceau, saint Jean voit le bouleversement sur la terre : « et voici qu'il se fit un grand tremblement de terre » (Ap., 6, 12). « La terre est l'Église », explique saint Albert le Grand. Donc un tremblement de terre, c'est un tremblement de l'Eglise. Selon Haymon, « ce tremblement de terre figure une très forte persécution qui arrivera au temps de l'Antéchrist ».

Et saint Jean poursuit « et le soleil devint noir comme un sac de crin, saccus cilicinus, et la lune devint rouge comme du sang et les étoiles tombèrent du ciel sur la terre ». Alors le saccus cilicinus, c'est un sac en poils de chèvre, donc en crin. Quoi de plus sombre, de plus terne qu'un sac de crin ? « Le soleil, la lune et les étoiles, c'est l'Eglise qui sert la lumière de la vérité », explique Saint Béat. Et il rapproche bien sûr ce verset de saint Jean de la prophétie de Notre Seigneur dans Matthieu 24, « le soleil s'obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière et les étoiles tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées ». Haymon commente de même que « les étoiles, ce sont les saints, ils tomberont sur la terre parce qu'ils adhéreront aux délices terrestres et ils se rueront sur l'iniquité par cet amour terrestre ». « Les grands de l'Église seront dans les ténèbres », dit saint Albert. Le soleil devient noir, « l'Eglise est éclipsée ». Et l'Apocalypse poursuit : « et le ciel se retira comme un livre roulé » (Ap., 6, 14). Saint Béat commente : « Or, personne ne peut connaître ce qui est caché dans un livre enroulé s'il n'est lu en ayant été étendu ». Nous avons vu que le ciel symbolise l'Église, Saint Victorin commente ce passage en disant : « J'ai roulé le ciel, c'est-à-dire que l'Église quittera le centre, l'Église, à la fin des temps, ne donnera plus sa lumière ».

Deuxième péricope : les trompettes

Alors ensuite, saint Jean, dans une nouvelle péricope au chapitre huit, va décrire la multiplication des erreurs et des hérésies. Ce sont les trompettes, les fameuses sept trompettes.

Alors la première trompette, « la grêle et le feu mêlé de sang furent envoyés sur la terre » (Ap., 8, 7). « La grêle est le symbole de la colère de Dieu, dit Haymon, et le feu est la haine et l'envie des réprouvés contre les saints ». Albert le Grand, qui cite beaucoup saint Bède le Vénérable, un bénédictin du VII siècle docteur de l'Église, voit dans cette première trompette « le temps de la prédication des apôtres qui provoque à la fois les conversions et les persécutions ». L'Apocalypse nous dit que « la troisième partie de la terre fut brûlée » (Ap., 8, 7) et Haymon explique « qu'il faut entendre dans les deux premières parties les bons divisés entre les prélats et les sujets, et dans la troisième partie, tous les réprouvés, c'est-à-dire les hérétiques, les païens, les juifs et les faux chrétiens ». Saint Béat interprète un peu différemment les trois parties du monde, il dit « que l'une est le paganisme qui est à l'extérieur de l'Église, et que les deux autres sont dans l'Église, une bonne et l'autre mauvaise, sous le nom de chrétienté ».

Alors ensuite sonne la seconde trompette, « une grande montagne enflammée tombe dans la mer, et là encore, la troisième partie de la mer est changée en sang et meurt avec les navires » (Ap., 8, 8). Haymon voit « dans la montagne enflammée, le diable lui-même. Il est envoyé dans la mer, c’est-à-dire dans le monde, et il commence à habiter dans le cœur des réprouvés ». La mer, saint Jean le dit, symbolise les peuples, c'est un symbole universel dans la Sainte Écriture. La mer, ce sont les peuples. Pour Bède et saint Albert, « le Diable, dont l'orgueil est symbolisé par la montagne qui est énorme, est chassé de l'Eglise par l'eau changée en sang. Il faut entendre la sagesse de la chair qui persuade à faire des choses mauvaises même les hérétiques et les faux chrétiens qui, désirant suivre leur volonté propre, s'efforcent de se défendre selon la sagesse et leur vaine philosophie » dit Haymon.

Vient ensuite le troisième ange qui est la troisième trompette. « Une grande étoile brûlant comme une petite torche tomba dans la troisième partie des fleuves et des fontaines. Cette étoile se nomme absinthe et la troisième partie des eaux devient absinthe et de nombreux hommes moururent dans les eaux devenues amères » (Ap., 8, 10-11). « Cette étoile, explique Haymon, c'est Lucifer, tombé de la société des anges. Par l’absinthe, qui est une herbe très amère, il faut entendre la doctrine perverse des hérétiques qui, par sa fausseté, change la douceur de la foi en amertume de perfidies et d'erreurs et d'opérations ». Saint Albert dit que « la troisième trompette signifie que le diable va tenter de subvertir par l'hérésie les fidèles qu'il n'a pas pu avoir par la persécution ». Selon saint Albert, « les fleuves et les fontaines sont les Saintes Écritures et les Évangiles, et les hommes nombreux meurent des eaux, c’est-à-dire de l'usage de ces écritures infectées parce qu'elles sont devenues amères, à savoir par les mauvaises explications des hérétiques ». Cela fait réfléchir. Saint Albert écrite au XIII siècle.

Alors, l'Église elle-même va bientôt être frappée puisque dans la quatrième trompette, « la troisième partie du Soleil, de la Lune et des étoiles fut frappée et cesse de donner sa lumière » (Ap., 8, 12). Ces astres symbolisent l'Église. « Alors bientôt, un aigle parcourt le ciel en criant par trois fois malheur aux habitants de la terre en raison des trois anges qui vont venir » (Ap., 8, 13).

Alors arrive la cinquième trompette, le cinquième ange, « et une étoile tomba du ciel et il lui fut donné la clé du puits de l'abîme » (Ap., 9, 1). Alors, plusieurs pères voient dans cette étoile une sorte d'antéchrist ou de pseudo-prophète, ou encore l'hérésie. Saint Albert le Grand y voit « le diable lui-même transformé en ange de lumière ». Alors, qu'est-ce que le puits ? « Le puits est la profondeur de la terre où le soleil n'envoie jamais ces rayons », explique saint Béat. Abîme, abyssus en latin, vient du grec abyssos qui signifie « mer sans fond ». Donc l'abîme, c'est une mer sans fond, la mer symbolisant les peuples et les nations. Saint Augustin explique « qu’il envoya le diable dans l’abîme. Par ce nom est signifiée la multitude innombrable des impies dont les cœurs sont beaucoup approfondis par leur malice contre l'Église de Dieu. Ce n'est pas que le diable n’y était déjà, mais il est dit y être envoyé car étant exclu des croyants, il commence par posséder les impies plus encore. Le puits de l'abîme représente donc cette partie des peuples que la lumière de l'Église n'atteint jamais ». Alors Saint Béat poursuit son interprétation : « et elle ouvrit le puits de l'abîme, c’est-à-dire que le peuple quitta l'Eglise avec son pseudo-prophète. Le peuple ouvrit le puits parce qu'il manifesta son cœur par des paroles. On parle d’abîme car cela se cachait, dissimulé, et il monta une fumée du puits comme la fumée d'un grand four, et le soleil fut obscurcit ainsi que l'air de la fumée du puits. Le soleil est l'Eglise. La fumée, ce sont les paroles des hommes mauvais. De même que la fumée va devant le feu, ainsi, ils obscurcissent eux-mêmes l'Église et la convainque discours, et ils rendent certains aveugles, et de la fumée sortirent des sauterelles, c’est-à-dire une multitude de démons qui se mettent dans les cœurs et s'insurgent contre l'Église. Et il leur fut donné la puissance comme les scorpions de la terre ont la puissance. Le scorpion, en effet, parle avec la bouche et frappe avec la queue. Ainsi font ces gens. La figure des sauterelles est la figure des chevaux préparés pour la guerre. Sur leurs têtes, des couronnes semblables à l'or, c’est-à-dire sous le nom de chrétienté, comme des chevaux libérés courant au mal et leur visage étaient des visages d'hommes, c’est-à-dire qu'ils paraissaient rationnels, et ils avaient des cheveux comme des cheveux de femme, c’est-à-dire fluides, efféminés, et ils avaient des dents comme des lions, c’est-à-dire pour dévorer les forts, et ils avaient des queues semblables aux scorpions et ils avaient des dards à leur queue. Et le peuple adversaire de l'Église se montrait dans ce cheval et marquait de nombreux membres en un seul corps, à la tête les princes de la terre, à la queue, les faux prêtres qui, soutenus par l'amitié des rois, oppriment l'Église et promettent la sécurité au peuple. Et ils ont pour roi, dit l'Apocalypse, l'ange de l'abîme, c’est-à-dire le diable ou le roi du monde - en effet, l’abîme est le peuple, - son nom hébreu est Abaddon, en grec, Apollyon, en latin, celui qui perd ou qui extermine ». Comme saint Béat, Haymon explique que la clé du puits de l'abîme symbolise la puissance du diable, et saint Albert nous donne la synthèse : « de la mauvaise doctrine des hérétiques naît une multitude de prédicateurs et de disciples de l'Antéchrist ». Alors pourquoi les sauterelles sont-elles assimilées à des chevaux ? Eh bien, parce que les chevaux sont rapides, et donc la doctrine de ces sauterelles va couvrir le monde entier très rapidement. Les cheveux des femmes signifient qu'ils ont des âmes efféminées et lascives parce qu'ils sont des hommes qui se plaisent en eux-mêmes et suivent leur volupté. On a une féminisation des mauvais prédicateurs. Dans le livre cinq de son commentaire, saint Béat développe que « les hommes vont se complaire dans leur péché ».

Et arrive la sixième trompette où quatre anges qui étaient liés dans le fleuve de l'Euphrate sont relâchés. Le fleuve de l'Euphrate est le grand fleuve qui irrigue Babylone et qui a de nombreux bras. Saint Béat et Haymon expliquent que « le diable était retenu » [par les bras du fleuve], l'Antéchrist était retenu pour qu'il n'arrive pas avant le temps convenu, et alors, à la sixième trompette, ils sont relâchés.

Les bêtes et la fausse Eglise

Après les sept trompettes, il y a les bêtes, et, il faut bien le dire, la figure d'une fausse Eglise. Saint Jean va faire une nouvelle description du dragon et des bêtes qu'il suscite pour combattre l'Eglise.

D'abord, saint Jean voit dans le ciel une femme vêtue du soleil, avec une couronne de douze étoiles, qui va enfanter et aller dans la douleur de l'enfantement (Ap., 12, 1-2). Alors, tous les pères, Haymon, Béat et saint Albert expliquent que cette femme ne peut être la Sainte Vierge puisque la Sainte Vierge, ayant conçu son plaisir, à enfanter sans douleur. Cette femme, disent-ils, représente l'Église qui est enceinte du Christ dans ses membres et qui donne la naissance et la vie aux chrétiens. Alors, le dragon précipite la troisième partie des étoiles sur la terre (Ap., 12, 3-4). Le dragon va cracher de l'eau comme un fleuve pour tenter d'y engloutir la femme. Mais la terre va aider la femme (Ap., 12, 15-16). Alors le fleuve, c'est évidemment l'eau, ce sont les peuples qui veulent entraîner l'Église et la noyer. Et la terre, les Pères de l'Église expliquent que c'est l'humanité du Christ ici qui va aider l'Église à résister. Le dragon se tient sur le sable de la mer, c’est-à-dire, commente saint Albert, « sur les stériles, les arides, ceux qui ne portent pas de fruits, ceux qui ne sont pas compacts ». Saint Béat explique « qu’il y a deux édifices dans l'Eglise, un qui est sur la pierre, qui est le Christ, l'autre qui est sur le sable et qui est l'hérésie. Ce dernier se tient sur le sable de la mer, c’est-à-dire sur la multitude de son peuple où il est reconnu comme roi, la multitude des mauvais chrétiens ». Saint Victorin explique que « le diable doit être relâché et il séduira les peuples de toute la terre et il lancera une guerre contre l'Église dont le nombre des ennemis sera comme le sable de la mer ». Alors saint Jean voit la Bête sortir de la mer (Ap., 13, 1). « Malheur à la terre et à la mer, car le diable descend à vous, ayant une grande colère, sachant qu'il a peu de temps » (Ap., 12, 12). Saint Grégoire le Grand assimile cette bête au Léviathan dont Job parle dans le chapitre 41 de son livre. J'y reviendrai tout à l'heure.

Alors, qu'est-ce qu'une bête ? Saint Béat explique que le mot bête vient du fait qu'elle dévaste, c’est-à-dire qu'elle dévore. De fait, j'ai cherché un peu l'étymologie de bestia, mais, même aujourd'hui, les spécialistes de l'étymologie ne trouvent pas d'étymologie claire à bestia. Et donc on peut retenir cette étymologie de saint béat de Liébana. La bête, c'est ce qui dévore.

Saint Béat, en parlant de la bête qui sort de la mer, évoque les quatre bêtes de Daniel. Il évoque la statue de Nabuchodonosor et dit que c'est cette bête. Elle a sept têtes, la bête qui sort de la mer, et elle est semblable à un léopard. Alors, qu'est-ce que ça signifie ? La robe du léopard est tachetée. Et, tous les pères, saint Victorin le premier, nous disent que cette robe tachetée symbolise la variété des nations et des peuples. C'est l'ère du mondialisme. Haymon explique que « par la variété des couleurs de la peau du léopard est montrée la diversité des nations qui la croira. La bête a des pattes d'ours, c’est-à-dire d'une bête forte et très sale, les pieds signifiant les chefs ». Saint Albert commente que « l'ours est sale, brutal et aime la douceur du miel. Les prédicateurs de l'Antéchrist seront impurs par la luxure et piétinant ceux qui ne veulent pas acquiescer, ils aiment les choses douces, c'est-à-dire temporelles, et les délectations charnelles ». « La bête a encore une bouche de lion, c’est-à-dire destinée à verser le sang », dit saint Victorin. Donc, rappelons que dans le livre de Daniel, chapitre sept, la première bête est une lionne, la seconde est un ours, la troisième est un léopard, et la quatrième ne ressemble à aucun animal connu. Le Léviathan, c’est-à-dire la quatrième bête, a la malice de toutes les autres bêtes en fait.

Alors l'apôtre saint Jean décrit la victoire de la bête sur l'Église : « et le dragon lui donna sa force et une grande puissance et elle ouvrit sa bouche en blasphème contre Dieu, blasphémant son nom et son tabernacle et ceux qui sont dans le ciel - le ciel, c'est l'Eglise - Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre, et il lui fut donné toute puissance sur toute tribu, peuple, langue et nation. - on ne peut pas faire mieux si j'ose dire - Et tous les habitants de la Terre l'adorèrent et tous furent en admiration après la bête. Et ils adorèrent le dragon qui a donné puissance à la bête. Et ils adorèrent la bête en disant : qui est semblable à la bête ? qui peut se battre avec elle ? Et l'apôtre de conclure : si quelqu'un a une oreille, qu’il entende. Ici est la patience et la foi des saints. » (Ap., 13, 2-10) Saint Béat explique que « la bête qui monte de l'abîme et celle qui monte de la mer sont une ». Il explique ce que signifie monter : « Saint Jean voit le peuple qui monte du peuple, c’est-à-dire qui en naît comme la fleur descend de la racine, de même que l'herbe vénéneuse qui meurt quand vient l'hiver renaît de sa semence au printemps. Ainsi, alors qu'ils sont mauvais, les hommes meurent en leur temps et d’eux d'autres mauvais naissent en les imitant ». Alors je pourrais citer encore ici saint Victorin qui rapproche la bête qui monte de l'abîme d'un passage du livre d'Ézéchiel où on parle « d'Assur, la Syrie, qui est grand et fort comme un cèdre du Liban et qui symbolise l'Antéchrist ; les eaux le nourrissent et l'abîme l'a élevé ». Vous voyez que ce sont toujours les mêmes concepts, les mêmes images qui sont reprises par les divers prophètes. Alors, cette bête porte une femme, « Babylone la grande, la mère des fornications et des abominations de la terre » (Ap., 17, 5), et cette bête va s'attaquer à l'Agneau. Saint Béat commente : « cet agneau et la bête semblent maintenant s'affronter dans l'Eglise. La bête est le nom général de ce qui est contraire à l’Agneau. Cette bête est un seul corps, mais a distinctement de nombreux membres. Parfois, en effet, le diable est dit la bête ; parfois son corps, ce sont les infidèles, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas baptisés ; parfois une des têtes de cette bête, je vais y revenir, qui, presque morte, a ressuscité en ce qu'elle est une imitation de la vraie foi, c’est-à-dire les mauvais chrétiens dans l'Église ; parfois, bête signifie seulement les préposés, c’est-à-dire les évêques, les prêtres qui vivent selon la chair à l'intérieur de l'Église. Tous ses membres forment un seul corps ».

Autres prophéties annonçant la fausse Eglise

Il y a énormément d'autres prophéties dans l'Apocalypse. Je dirais simplement que plusieurs de ces prophéties concernent le mauvais clergé qui devient hérétique, la fausse Église.

Elle est symbolisée par Jézabel au début de l'Apocalypse, dans l'Eglise de Thyatire, qui trompe les saints, les amène à pécher et les entraîne vers l'hérésie (Ap., 2, 18-20).

Elle est symbolisée par les sauterelles. La queue des sauterelles, tous les pères, se fondant sur Isaïe, considèrent que ce sont les mauvais évêques (Ap., 9, 10).

Il y a également la queue, qui a la forme d'un serpent, des chevaux qui sont libérés pour ravager le monde (Ap., 9, 19). Les queues de serpent ont une tête ; les pères de l'Église expliquent qu’elles symbolisent les mauvais évêques.

Et puis, vous avez évidemment la figure de la bête qui sort de la terre elle-même, qui porte deux cornes comme l'Agneau (Ap., 13, 11) et qui, évidemment, est une simulation de l'Eglise véritable puisque c'est une simulation de l'Agneau, et elle parle comme le dragon, et la terre, c’est l'Eglise. La mer, ce sont les peuples, la terre, c'est l'Église. Donc, c'est un monstre qui sort de l'Église elle-même.

Et ensuite, cette fausse Eglise est symbolisée par le faux prophète qui vient après la bête qui sort de la terre, et de la bouche du faux prophète sortent trois grenouilles. Tous les Pères de l'Église, saint Béat et saint Thomas d'Aquin expliquent que ces grenouilles, ce sont des hérésies, ce sont des esprits impurs qui vont corrompre le peuple fidèle.

Saint Béat de Liébana explique donc qu'il va y avoir une fausse Eglise. Au début de la description de la bête qui sort de la mer, la bête à sept têtes (Ap., 12, 3 ; 13, 1 ; 17,3 ; 17,7), et puis, à un moment, elle a huit têtes et la tête est blessée et elle paraît morte mais, en fait, elle vit (Ap., 13, 3). Tous les Pères de l'Église expliquent que cette huitième tête, c'est un faux clergé qui paraît mort au monde [comme s’il suivait le Christ crucifié mais qui ne l’est pas parce que ce n’est pas pour Dieu mais pour les honneurs du monde qu’il porte le fardeau du Christ,] un faux clergé qui paraît comme blessé par le glaive de l’Evangile mais qui parle comme le dragon. Et saint Béat de Liébana, qui écrit au VIII siècle, explique que « cette huitième tête de la bête tiendra le primat dans l'Église » !

Tout ceci, c’est ce que saint Paul a appelé le mystère d'iniquité.

Le mystère d’iniquité

Le mot mystère d'iniquité n'est utilisé qu'une fois dans toute la Sainte Écriture. Dans la seconde épître de saint Paul aux Thessaloniciens, chapitre 2, saint Paul dit que « viendra l'homme du péché, le fils de perdition, qui combattra et s'élèvera au-dessus de tout ce qui est Dieu et l'honore en sorte qu'il s'asseye dans le temple de Dieu en se présentant comme s'il était Dieu », et il précise que « le mystère d'iniquité s’opère déjà ». Donc, pour saint Paul, le mystère d'iniquité, c'est un processus historique qui était déjà au travail à son époque et qui va se poursuivre pendant toute la vie de l'Église.

Saint Augustin explique que ce passage de saint Paul se réfère à l'Antéchrist parce que le temple de Dieu, c'est l'Église.

Saint Thomas d'Aquin dit que « le mystère d'iniquité, c’est-à-dire l'iniquité mystique qui retient, va retenir jusqu'à ce que l'iniquité devienne publique ».

Et, la Babylone, la femme qui est sur le dos de la bête qui sort de la mer, porte sur son front marqué « mysterium » (Ap., 17, 5). Ce mystère, c'est le mystère d'iniquité qui devient public dans l'Église.

Et donc, tous ces pères de l'Eglise et ces grands théologiens nous disent la même chose. En fait, ils nous disent que l'Eglise finira par être vaincue par le monde, par l'hérésie, par l'iniquité.

Deuxième partie : mon interprétation

Je me risque très rapidement à vous faire une petite interprétation de ces faits.

A propos du combat du bélier et du bouc dans les visions de Daniel

Il apparait très clairement que le bélier est la figure du pape. Le bélier est celui qui dirige les brebis et, avec ses cornes, il combat les hérésies qui viennent de tous côtés dans le monde, puis les cornes du pape sont brisées par le bouc. Vous savez que la corne du bouc, c'est la corne de l’astuce, c’est-à-dire de la malice diabolique, et aujourd'hui, avec les papes que nous avons, je vais peut-être en choquer certains, on se demande où est passé l'infaillibilité pontificale. Lorsqu'on nous fait un synode sur l'Amazonie qui a des relents de panthéisme, on se demande vraiment ce qui se passe. Or, le combat du bélier et du bouc s'achève par la victoire du bouc. Et, on voit bien qu’aujourd’hui, quelque part, la papauté est vaincue.

A propos du combat entre le roi du midi et le roi de l’aquilon dans Daniel et du règne de 1000 ans dans l’Apocalypse

Le roi de l’aquilon, le roi du nord, c'est le roi qui vient du froid, c'est le diable. Le roi du midi, c'est le roi de la charité, c'est le Christ. Au début l'Eglise, le roi du midi, gagne contre le roi de l'aquilon et lui propose sa fille en mariage. Et, en effet, au début, l'Eglise a vaincu le monde et la chrétienté a existé et le monde lui-même est devenu chrétien, et puis le diable est revenu.

Et [ce règne de la chrétienté] a duré environ 1000 ans, ce qui correspond au passage de l'Apocalypse où saint Jean dit que « le diable va être enchaîné pour 1000 ans » (Ap., 20, 2). Ceci a donné lieu à des mouvements millénaristes. Saint Jérôme et saint Augustin, qui écrivaient au début de l'Eglise, disent que c'est l'Église. Et on sait bien qu'il y a eu à peu près 1000 ans dans l'histoire de l'Église où elle a été triomphante en quelque sorte, où elle a vaincu le monde, où la chrétienté est arrivée, et où Charlemagne dirigeait le monde.

Et puis, au bout d'un moment, l'hérésie est arrivée. Les premières hérésies ont commencé dès le Moyen Âge, se sont poursuivies pendant la Renaissance, puis les Lumières sont venues. On peut faire le parallèle entre le mouvement des Lumières et le Léviathan. Hobbes, l'un des principaux penseurs des Lumières, explique que la République, c'est le Léviathan. C'est le titre de son ouvrage. Comment ne pas voir dans le grand mouvement de sécularisation des Lumières et la démocratie universelle qu'on nous donne aujourd'hui, cette espèce de bête diabolique qui remplace la chrétienté et qui évidemment procède du peuple, sort de la mer ? C'est donc cette bête. Comment ne pas voir dans la huitième tête de cette bête qui sort de la mer et dans la bête qui sort de de la terre, le mauvais clergé d'aujourd'hui qui ne remplit plus sa fonction de proclamer l'Évangile du Christ ? Et donc, je pense que ces images terribles que nous donne saint Jean et que commentent les Pères de l'Église nous parlent beaucoup aujourd'hui et nous permettent de mieux supporter ces événements.

A propos de Babylone

Et encore un petit mot sur Babylone.

L'étymologie de Babylone, Babel, signifie « la confusion ». Babylone, c'est donc le mélange des peuples. Et c'est ce que disent les Pères pour interpréter la peau de léopard de la bête qui sort de la mer. Comment ne pas voir ici une image du mondialisme ?

Conclusion

Pour conclure, il faut se reporter aux textes de la Sainte Ecriture.

Daniel a été rendu malade par toutes ces prophéties et à un moment, après la vision du combat du roi de l’aquilon et du roi du midi, il voit apparaître à côté du Tigre un homme vêtu de lin qui a une ceinture d'or. Et de même, saint Jean, au début de l'Apocalypse, voit un homme vêtu de ce qu'on appelle la peau d'Arès, c’est-à-dire l'aube, une grande robe blanche de lin (Ap., 1, 13). Et tous les pères expliquent que cet homme vêtu de lin, c'est le Christ. Et que dit-il cet homme vêtu de lin ? Il dit : « Va Daniel ; ces discours sont fermés et scellés jusqu'au temps défini. Beaucoup seront choisis et ils seront blanchis et ils seront éprouvés comme par le feu, et les impies agiront de façon impie et aucun impie ne comprendra ; mais les instruits comprendront » (Dn., 12, 9-10). Ce passage, « les instruits comprendront », est très étonnant. La Bible nous dit donc qu’il faut se former, qu’il faut travailler.

Et de même, l'homme vêtu de lin avertit Daniel : « Je suis venu pour t’instruire ce qui arrivera à ton peuple dans les derniers jours, car c'est encore une vision dans des jours lointains » (Dn., 10, 14). Toutes ces prophéties nous sont données pour nous instruire de ce qui va nous arriver et pour nous rassurer quand surviennent les événements. Tout va bien, tout se déroule conformément au plan divin.

Donc la Sainte Écriture prédit une apostasie générale et les méfaits d'un mauvais clergé, et Notre Seigneur nous avertit que cette abomination de la désolation va arriver et qu’elle arrivera jusqu'à la fin. Il ne faut pas nous troubler. Alors, bien sûr, il y aura des tas de gens sérieux, rationnels, pour dire que toutes ces considérations apocalyptiques ne sont pas pertinentes, ne sont pas raisonnables. Mais je vous renvoie à saint Paul qui dit de « ne pas mépriser pas les prophéties » (I Thess, 5, 20). Et saint Jean explique qu’il est « bienheureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre » (Ap., 22, 7), et il menace que « si quelqu'un retranche quelque chose des paroles du livre de cette prophétie, Dieu lui retranchera sa part du livre de vie » (Ap., 22, 19).

Alors, me direz-vous, comment en sortir ? Que va-t-il se passer maintenant alors que la crise de l'Église s'aggrave chaque jour malheureusement ? Luc Ferry le dit sur les ondes ; Saint Luc nous dit que « Jérusalem sera piétinée par les nations » (Luc, 21, 24) et aucune issue ne se dessine ; et Daniel nous dit que « personne ne pouvait libérer le bélier de la puissance du bouc » (Dn., 8, 7). Cette parole est terrible !

Combien de temps cette crise va-t-elle durer ? Eh bien, nous n'en savons rien. Et l'archange Gabriel qui parle à Daniel lui annonce 72 semaines, mais on ne sait pas bien interpréter cette durée.

Alors comment en sortir ? Évidemment, par un miracle. Seul un miracle peut nous sauver. Et de fait, la Sainte Écriture suggère que la sortie de cette crise sera miraculeuse. La statue de Nabuchodonosor est détruite par « une pierre qui est détachée de la montagne sans la main des hommes » (Dn., 2, 34). Saint-Irénée voit Notre-Seigneur lui-même dans cette pierre : « Le Christ est cette pierre qui est coupée sans les mains, qui détruit les royaumes temporels et conduit à l'éternité qui est la résurrection des Justes ». La terrible quatrième bête de Daniel, elle périt quand « l'ancien des jours s'assied pour juger » (Dn., 7, 22). Et le bouc qui s'est élevé contre le prince des princes, c’est-à-dire contre Dieu, « il sera brisé sans la main » (Dn., 8, 25), nous dit le livre de Daniel. Il sera brisé sans la main, c’est-à-dire pas par des hommes. Et saint Paul décrit la fin de l'Antéchrist : « alors sera révélé cet impie que le Seigneur Jésus tuera d'un souffle de sa bouche et il le détruira de l'éclat de son avènement » (II Thess, 2, 8). Et, à la fin de l'Apocalypse, « l'ange fort jette une pierre comme une grande meule dans la mer dont le flot anéantit la bête et Babylone » (Ap., 18, 21). Haymon voit dans cet ange fort, le Christ lui-même, et dans la meule, le poids des péchés. Et le cavalier blanc fait périr la bête, les rois de la terre et leurs troupes du glaive qui sort de sa bouche (Ap., 19, 21). Dieu, enfin, fait descendre le feu du ciel qui dévore Satan et son armée qui est nombreuse comme le sable de la mer et qui assiège le camp des saints (Ap., 20, 9).

L'intervention divine aurait donc lieu seulement à la fin des temps. L'abomination de la désolation dans le lieu saint s'achèverait ainsi par l'avènement du Christ en majesté. Pourtant, la date et la forme de cette intervention divine restent obscures. Décrivant les tribulations des derniers temps, les faux christs et les guerres, Notre Seigneur nous demande « de n'être point troublé car il faut que ces choses arrivent et ce n'est pas encore la fin » (Matth., 24, 6), et il avertit : « Mais sur ce jour et cette heure, personne ne le connaît, ni les anges du ciel, ni le Fils, mais seulement le Père » (Marc, 13, 32).

Le concile de Trente enseigne que la prédication universelle de l'Évangile et la grande apostasie sont des signes précurseurs du jugement général. Or, ces événements sont manifestement réalisés. Pourtant, l'Antéchrist comme personne physique n'est pas encore apparu. Gabriel a averti, je l'ai dit, que la désolation persévère jusqu'à la consommation et la fin. Cette fin est-elle proche ou éloignée ? Dieu interviendra-t-il dès maintenant pour sauver son Église ? Attendra-t-il l'homme de péché ? Serions-nous proche de la consommation du siècle comme le dit saint Matthieu et du Jugement dernier ? Le retour, c’est-à-dire la parousie du Christ, est-il pour bientôt ? Il serait, à mon sens, imprudent de l'affirmer. Face au grand ébranlement de l'Église, il est juste permis de s'interroger. Mais, dans la tribulation où nous sommes, contentons-nous de méditer la leçon des prophéties : c'est Dieu lui-même qui nous sauvera. Afin de nous encourager, le Christ nous révèle que l'épreuve n'ira pas à son terme et que « si ses jours n'étaient écourtés, aucune chair ne serait sauvée ; mais, à cause des élus, ces jours seront abrégés » (Matth., 24, 22). Notre Seigneur a dit que « les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre son Église » (Matth., 16, 18). Mais il n'a pas dit comment. Nous savons seulement que saint Michel aura un grand rôle. Et c'est dit dès l'Ancien Testament, dans le livre de Daniel : « Mais en ce temps-là s’élèvera Michel, le grand prince qui se tient debout pour les fils de ton peuple » (Dn., 12, 1). De fait, l'homme de lin déclare à Daniel : « Et voici que Michel, un des premiers princes, vient à mon aide » (Dn., 10, 13) et « personne ne m'aide dans toutes ces choses, sinon Michel, votre prince » (Dn., 10, 21). L'Apocalypse dit encore : « un grand combat se fit dans le ciel, Michel et ses anges combattaient contre le dragon, et le dragon et ses anges combattaient et ils ne prévalurent pas, et on ne les trouva plus dans le ciel » (Ap., 12, 7-8). Donc, l'Église revit sa passion, c'est très clair. L'Église revit la Passion du Christ. Le Christ a prévu cela. Il en tirera une plus grande gloire. Espérons avec confiance que Dieu enverra son ange pour faire tomber les chaines de l'Église. Gardons la foi en Dieu. La résurrection est un miracle !

Je vous remercie.

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