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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre douzième — Du onzième article du Symbole

JE CROIS LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR

§ I. — PREUVE DE LA RÉSURRECTION.

La preuve manifeste de la force et de la valeur de cet article pour confirmer la vérité de notre Foi, c’est que nos Saintes Ecritures ne se contentent pas de le proposer à la croyance des Fidèles, mais ont soin de l’appuyer sur plusieurs raisonnements. Ce qu’elles ne font presque jamais par rapport aux autres articles. D’où nous devons conclure que la Résurrection de la chair est en quelque sorte le fondement le plus solide de nos célestes espérances. Si les morts ne ressuscitent point, dit très bien l’Apôtre Saint Paul, (I Cor., 15, 13, 14.) Jésus-Christ non plus n’est point ressuscité ; par conséquent, notre prédication est vaine, et notre Foi est vaine aussi. Le Pasteur devra donc apporter autant de zèle à établir et à expliquer cette Vérité, que tant d’impies en ont mis à essayer de la détruire. La connaissance en sera très utile et très avantageuse aux Fidèles ; nous le ferons voir tout à l’heure.

Remarquons d’abord que la résurrection des hommes prend ici le nom de résurrection de la chair. Et ce n’est pas sans raison. Les Apôtres ont voulu par là confirmer cette vérité — qu’il faut nécessairement admettre — l’immortalité de l’âme. Et comme ils pouvaient craindre qu’on ne vînt à s’imaginer que cette âme périssait avec le corps, et qu’ensuite elle était rappelée à la vie avec lui, — malgré les nombreux passages de l’Ecriture qui attestent son immortalité — ils n’ont à dessein parlé dans cet article que de la Résurrection de la chair. Il est vrai que nous voyons plus d’une fois dans la Sainte Ecriture le mot chair désigner l’homme tout entier, comme dans ce texte d’Isaïe: (Is., 40, 6.) toute chair est comme du foin ; et dans celui-ci de Saint Jean: (Jean, 1, 14.) Le Verbe s’est fait chair. Mais ici il ne désigne que le corps afin de bien nous montrer que des deux parties qui composent l’homme, l’âme et le corps, le corps seule ment est sujet à la corruption et retourne à la poussière d’où il a été tiré, tandis que l’âme est absolument incorruptible. Dès lors, comme personne ne peut ressusciter sans avoir auparavant passé par la mort, il est impossible, à proprement parler, de dire que l’âme ressuscite.

Une autre raison encore a fait employer ici ce mot, chair: on voulait réfuter l’hérésie d’Hyménée et de Philéte, deux hérétiques du temps de Saint Paul, qui prétendaient que lorsque la Sainte Ecriture nous parle de la résurrection, il ne s’agit point de la résurrection des corps, mais de cette résurrection spirituelle qui nous fait passer de la mort du péché à la Vie de la Grâce. Or les termes même du pré sent article ont précisément pour effet de détruire cette hérésie, et d’établir nettement la vérité de la Résurrection des corps.

Les Pasteurs auront soin de faire ressortir cette vérité par des exemples tirés de l’Ancien et du nouveau testament, ainsi que de l’histoire de l’Eglise. Elie et Elisée dans l’Ancien testament, dans le nouveau, les Apôtres, et beau coup d’autres personnages rappellent des morts à la vie, sans compter ceux que Jésus-Christ a ressuscités Lui-même. toutes ces résurrections confirment la doctrine enseignée dans cet article. En effet si nous croyons qu’un bon nombre de morts ont été rappelés à la vie, pourquoi ne pas croire également que tous le seront un jour ? A vrai dire le premier fruit que nous devons retirer de ces miracles est de croire plus fermement au dogme de la Résurrection.

Cette vérité d’ailleurs a pour elle dans l’Ecriture de nombreux témoignages, qui se présenteront naturellement à l’esprit de ceux qui sont quelque peu versés dans la connaissance des Livres Saints. Les plus remarquables de l’Ancien testament sont, dans le livre de Job: Je verrai mon Dieu dans ma chair (Job, 19, 26.), et dans les prophéties de Daniel: Ceux qui dorment dans la poussière se réveilleront, les uns pour la Vie Eternelle, les autres pour l’Opprobre éternel (Dn., 12, 2.). A son tour le nouveau testament nous parle clairement de la Résurrection des corps en plusieurs en droits, par exemple dans Saint Matthieu lorsqu’il nous rapporte la dispute de Notre-Seigneur avec les Sadducéens (Matth., 22, 31.). Et dans Saint Jean quand il nous raconte le jugement dernier (Jean, 5, 25, 28, 29.). A cela il faut joindre ce que l’Apôtre écrivait aux Corinthiens et aux Thessaloniciens, en traitant spécialement cette question (I Cor., 15, 12.), et (I Thess., 4, 13.) bien que la Résurrection soit absolument certaine par la Foi, cependant il sera très avantageux de montrer par des exemples, et par le raisonnement, que ce que l’Eglise nous propose à croire dans cet article n’a rien de contraire à la nature, ni à la raison.

Saint Paul, répondant à cette question: comment les morts ressusciteront-ils ? « Insensés que vous êtes, dit-il, (I Cor., 15, 36, etc.) ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne prend pas de vie, s’il ne meurt auparavant ? et quand vous semez, vous ne semez point le corps de la plante même qui doit naître, mais la graine seulement, comme celle du blé ou d’autre chose semblable ; et Dieu lui donne le corps qu’Il veut. Un peu après il ajoute: le corps est semé dans la corruption, et il ressuscitera incorruptible.

A cette comparaison de l’Apôtre, Saint Grégoire fait voir qu’on en peut joindre beaucoup d’autres. (Saint Greg. lib., 14. Moral., c., 28, 92.) Tous les jours, dit-il, la lumière disparaît à nos yeux, comme si elle mourait, et tous les jours elle se montre de nouveau, comme si elle ressuscitait. Les plantes perdent leur verdure, et la reprennent ensuite, comme si elles revenaient d la vie ; les semences meurent en pourrissant, et elles ressuscitent, en germant.

Les écrivains ecclésiastiques apportent en outre un certain nombre de raisons très propres, ce semble, à démontrer la Résurrection des corps.

La première est que nos âmes, qui ne sont qu’une partie de nous-mêmes, sont immortelles, et conservent toujours leur propension naturelle à s’unir à nos corps. Dés lors il paraîtrait contraire à la nature qu’elles en fussent séparées à jamais. Or ce qui est contraire à la nature, et dans un état de violence, ne peut pas durer toujours. Par conséquent il est de toute convenance que l’âme soit réunie à son corps, et par conséquent aussi il faut que le corps ressuscite. C’est le raisonnement dont voulut se servir notre Sauveur lui-même, dans sa dispute contre les Sadducéens, lorsque de l’immortalité des âmes, il conclut à la Résurrection des corps. (Matth., 22, 32.)

Une seconde raison se tire de la Justice infinie de Dieu, qui a établi des châtiments pour les méchants et des récompenses pour les bons. Mais combien quittent cette vie, les uns avant d’avoir subi les peines dues à leurs péchés, les autres sans avoir revu en aucune manière les récompenses méritées par leurs vertus ? Il est donc de toute nécessité que les âmes soient de nouveau unies à leurs corps, afin que ces corps qui ont servi d’instruments pour le bien comme pour le mal, partagent avec les âmes les récompenses et les punitions méritées: C’est la pensée que Saint Jean Chrysostome (Saint Chry. Hom., 49 et 50.) a développée avec le plus grand soin dans une homélie au peuple d’Antioche. De son côté, l’Apôtre Saint Paul traitant le même sujet, avait dit: (I Cor., 15, 19.) Si c’est pour cette vie seulement que nous espérons en Jésus Christ, nous sommes les plus misérables des hommes. Paroles qui ne doivent point s’entendre des misères de l’âme, car l’âme est immortelle, et quand même les corps ne ressusciteraient pas, elle pourrait cependant posséder le bonheur dans la Vie future. Il faut donc les rapporter, ces paroles, à l’homme tout entier. Si en effet le corps ne doit pas recevoir sa récompense pour les peines qu’il en dure, il est impossible d’échapper à cette conclusion que ceux qui souffrent dans cette vie toutes sortes d’afflictions et de maux, comme les Apôtres, sont, à coup sûr, let plus malheureux de tous les hommes.

Le même Saint Paul enseigne cette vérité aux Thessaloniciens, et en termes beaucoup plus clairs encore: (II Thess., 1, 4 et seq.) nous nous glorifions en vous, dans toutes les Eglises, à cause de votre patience et de votre Foi, au milieu même de toutes les persécutions et de toutes les tribulations qui vous arrivent. Elles sont des marques du juste jugement de Dieu, et elles servent à vous rendre dignes de son Royaume pour lequel aussi vous souffrez. Car il est juste devant Dieu qu’il afflige à leur tour tous ceux qui vous affligent maintenant, et que vous, qui êtes dans l’affliction, Il vous fasse jouir du repos avec nous, lorsque le Seigneur Jésus descendra du ciel avec les Anges, ministres de sa puissance, lorsqu’Il viendra au milieu des flammes pour tirer vengeance de ceux qui ne connaissent point Dieu, et qui n’obéissent point à l’Evangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ajoutez à cela qu’il n’est pas possible à l’homme, tant que l’âme est séparée du corps, de posséder une félicité entière, et au comble de tous les biens. Si la partie, séparée du tout, est nécessairement imparfaite, l’âme séparée du corps est dans le même cas. D’où il suit que la Résurrection du corps est nécessaire, pour que rien ne manque à la félicité de l’âme. Avec ces raisons et d’autres du même genre, le Pasteur pourra donner sur ce point aux Fidèles des lumières suffisantes.

Mais il faudra de plus qu’il leur explique soigneusement, selon la doctrine de l’Apôtre, qui sont ceux qui doivent ressusciter (I Cor., 15, 22.). De même que tous meurent en Adam, dit-il aux Corinthiens, de même tous seront vivifiés en Jésus Christ. tous ressusciteront donc, sans distinction de bons et de mauvais, mais ils n’auront pas tous le même sort (Jean, 5, 29.). Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la Vie Eternelle, et ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour leur condamnation.

Et quand nous disons tous, nous entendons, et ceux qui seront morts avant le Jugement dernier, et ceux qui mourront alors. L’opinion qui affirme que tous les hommes mourront, sans en excepter un seul, est celle de l’Eglise, et la plus conforme à la vérité, au dire de Saint Jérôme. (Hier., Epist., 152.) Saint Augustin est du même avis (Saint Aug. C. D., 20, 20.). Et ce sentiment n’est point en opposition avec ces paroles de l’Apôtre aux Thessaloniciens: (I Thess., 4.) Ceux qui sont morts en Jésus-Christ ressusciteront les premiers. Puis nous qui sommes vivants, et qui seront demeurés en vie jusqu’à ce moment, nous serons enlevés avec eux sur les nuées, pour aller au devant de Jésus-Christ dans les airs. Saint Ambroise pour expliquer ce passage, ajoute: (In 1 Epist. ad th. c., 4.) La mort nous saisira comme un sommeil dans cet enlèvement même. A peine l’âme sera-t elle sortie du corps qu’elle y rentrera. nous mourrons pendant le temps même que nous serons enlevés, afin qu’en arrivant devant le Seigneur sa Présence nous rende nos âmes, parce que les morts ne peuvent pas être avec le Seigneur. Cette opinion a pour elle aussi le témoignage et l’autorité de Saint Augustin, dans son livre « de la cité de Dieu. » (Saint Aug. de Civ. Dei. lib., 20. c., 20.)

§ II. — ÉTAT DES CORPS RESSUSCITÉS.

Une autre chose très importante à connaître, et que les Pasteurs devront expliquer avec tout le soin possible, c’est que chacun de nous ressuscitera avec son propre corps, c’est-à-dire avec le même corps que nous avons sur la terre, et qui aura été corrompu dans le tombeau et réduit en poussière. Ainsi l’enseigne l’Apôtre. (I Cor., 15, 53.) Il faut, dit-il, que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité. Car le mot, ce corps, désigne nettement le corps que nous avons maintenant. Job a prédit aussi le même miracle, et sans la moindre obscurité. (Job, 19, 26.) Je verrai Dieu dans ma chair, dit il, je le verrai moi-même, je Le contemplerai de mes propres yeux, moi et non un autre.

La même conclusion se déduit de la définition même de la Résurrection. Qu’est-ce en effet, selon Saint Jean Damas cène, (Dam. Lib. 4. de fid. orth.) que la Résurrection, sinon le retour à l’état d’où l’on était déchu ? — enfin si nous voulons considérer les raisons que nous avons établies plus haut de la nécessité de la Résurrection, aucun doute sur ce point ne sera plus possible. nous devons tous ressusciter, avons-nous dit, afin que nos corps reçoivent, (I Cor., 5, 10.) suivant ce qu’ils auront fait, le bien ou le mal. Donc il faut que l’homme ressuscite avec ce même corps qu’il aura employé au service de Dieu, ou au service du démon, afin que dans ce même corps égale ment, il obtienne la couronne et la récompense de son triomphe, ou bien qu’il ait le malheur de supporter les peines et les châtiments qu’il aura mérités.

Et non seulement notre propre corps ressuscitera, mais tout ce qui appartient à l’intégrité de sa nature, à l’orne ment et à la beauté de l’homme lui sera restitué. nous avons dans Saint Augustin un excellent témoignage en faveur de cette Vérité. Alors, dit-il, (S. Aug. lib. 22. de Civ. Dei,) il ne restera rien de défectueux dans le corps. Ceux qui auront trop d’embonpoint et d’obésité, ne reprendront point toute celte masse de chair: tout ce qui dépassera une juste proportion sera réputé superflu. Au contraire, tout ce que la maladie ou la vieillesse aura détruit dans le corps, sera réparé par la Vertu divine de Jésus-Christ. Il en sera de même des corps naturellement maigres et décharnés ; non seulement le Seigneur les ressuscitera, mais il leur rendra tout ce que les maux de la vie leur avaient ôté. Dans un autre endroit le même Saint Augustin dit encore: (S. Aug. Euch. c., 86 et seq.) L’homme ne renaîtra pas alors avec tous ses cheveux, mais avec tous ceux que la convenance demandera, selon ce que nous lisons dans l’Evangile, que tous les cheveux de notre tête sont comptés, (Matth., 10, 30.) c’est-à-dire tous les cheveux que la Sagesse Divine jugera à propos de nous rendre.

Nos membres surtout seront rétablis et remis tous en place, parce qu’ils sont tous nécessaires à l’intégrité du corps humain. Ainsi les aveugles de naissance, ou ceux qui le seront devenus par accident, les boiteux, les manchots, les infirmes de toute sorte, tous ressusciteront avec un corps parfait et complet. Autrement, l’âme qui a un si grand désir de s’unir au corps, n’aurait pas la satisfaction qu’elle réclame. Et cependant nous croyons fermement qu’à la Résurrection tous ses désirs seront satisfaits et remplis.

De plus n’est-il pas certain que la Résurrection est, avec la Création, l’un des principaux ouvrages de Dieu ? Si donc au commencement tout fut créé dans un état parfait, il faut bien reconnaître qu’il en sera de même dans la Résurrection.

Et cela n’est pas seulement vrai des Martyrs, dont Saint Augustin a dit expressément: (Saint Aug. lib. 22. de Civ. Dei.) Ils ne resteront pas sans leurs membres. Cette mutilation ne pourrait être dans leurs corps qu’un défaut choquant. Et ceux qui auraient eu la tête tranchée devraient ressusciter sans tête. Ils porteront encore, il est vrai, dans leurs membres, les traces du glaive ; mais ces cicatrices glorieuses, comme celles de Jésus-Christ, brilleront avec plus d’éclat que l’or et les pierres précieuses. — Les méchants aussi ressusciteront avec tous leurs membres, même avec ceux qu’ils auraient perdus volontairement. Plus en effet ils auront de membres, plus leurs souffrances seront multipliées. Ce ne sera pas pour leur avantage qu’ils seront rétablis dans leur premier état, mais pour leur malheur et leur châtiment. Le mérite de nos actes n’appartient pas à nos membres, mais à la personne qui possède ces membres. Par conséquent, ceux qui auront fait pénitence recouvreront tous leurs membres pour que leur récompense en soit augmentée, et ceux qui auront méprisé la pénitence, pour l’augmentation de leur supplice. — Si les Pasteurs savent méditer cette doctrine avec attention, ils ne manqueront ni de motifs, ni de paroles pour exciter les Fidèles à la piété, et les enflammer d’amour envers Dieu. Ainsi, en présence des peines et des misères de la vie, ils tourneront leurs regards et leurs espérances vers cette Résurrection si heureuse et si glorieuse qui est promise aux Justes et aux Saints.

§ III. — QUALITÉS DES CORPS RESSUSCITÉS.

S’il est vrai que les corps qui ressusciteront doivent être, quant à la substance, les mêmes que la mort aura détruits, cependant il faut que les Fidèles sachent bien que leur condition sera notablement changée. En effet, sans parler ici de tout le reste, la différence capitale entre leur premier et leur deuxième état, c’est que nos corps qui étaient auparavant sujets à la mort, deviendront immortels, dés qu’ils auront été rappelés à la vie, sans distinction de bons et de méchants. Admirable restauration de notre nature dont nous sommes redevables à la victoire que notre Seigneur Jésus-Christ a remportée sur la mort. La Sainte Ecriture est formelle sur ce point: Il anéantira la mort à jamais, dit Isaïe en parlant de Jésus-Christ (Is., 25, 8.). Osée Lui fait dire: (Os., 18, 14.) Ô mort, Je serai ta mort. Saint Paul, expliquant cette parole, ne craint pas d’affirmer (I Cor., 15, 26) qu’après tous les autres ennemis, la mort même sera détruite.

Nous lisons dans Saint Jean: (Ap., 21, 4.) Il n’y aura plus de mort. Il était en effet de suprême convenance que les mérites de Jésus-Christ, qui ont détruit l’empire de la mort, fussent infiniment plus efficaces et plus puissants que le péché d’Adam (Hébr., 2, 14.). — enfin la Justice Divine demandait que les bons fussent pour toujours en possession de la Vie. bienheureuse, tandis que les méchants, souffriraient leurs éternels tourments, chercheraient la mort sans la trouver, et la désireraient sans pouvoir l’obtenir (Ap., 9, 6.).

L’immortalité sera donc commune aux bons et aux méchants.

De plus les corps des Saints, après la Résurrection, posséderont certaines prérogatives, certaines qualités très brillantes qui les rendront bien plus excellents qu’ils n’étaient auparavant. nos Pères en comptent quatre principales conformément à la doctrine de l’Apôtre (I Cor., 15, 42.).

La première est l’impassibilité, c’est-à-dire ce don précieux qui les préservera de toute espèce de mal, de douleur, en un mot de toute chose fâcheuse. La rigueur du froid, l’ardeur de la flamme, la violence des eaux, rien ne pourra leur nuire. Le corps est semé corruptible, dit l’Apôtre, (Id. ibid.) il se relèvera incorruptible. Si les théologiens ont employé ce mot d’impassibilité plutôt que celui d’incorruptibilité, c’est qu’ils voulaient n’exprimer par là que ce qui convient aux corps glorieux. Les damnés en effet ne partageront point avec les Saints l’impassibilité. Au contraire leurs corps, malgré leur incorruptibilité pourront souffrir du chaud, du froid, et de mille autres tourments.

La seconde est la clarté qui rendra les corps des Saints aussi brillants que le soleil. Notre-Seigneur l’affirme nettement dans Saint Matthieu: (Matth., 13, 43.) Les justes brilleront comme le soleil dans le Royaume de mon Père. Et pour enlever tout doute sur ce point, il opère devant ses Apôtres le miracle de la transfiguration (Matth., 17, 2.). Saint Paul, pour exprimer cette qualité, se sert tantôt du mot de clarté, tantôt du mot de gloire. (Philipp., 3, 21.) Jésus-Christ, dit-il, reformera notre corps vil et abject, en te rendant semblable à son Corps glorieux. Et dans un autre endroit: (I Cor., 15, 43.) le corps est semé dans l’ignominie, il ressuscitera glorieux. Les Israélites, dans le désert (Ex., 34, 29.), virent une image de cette gloire sur le front de Moise, lorsque sortant de l’entretien qu’il avait eu face à face avec Dieu, il parut devant eux avec un visage si lumineux, que leurs yeux ne pouvaient en soutenir l’éclat.

Or cette clarté n’est qu’un rayon de la souveraine félicité de l’âme rejaillissant sur le corps tout entier, et le corps sera heureux du bonheur de l’âme, comme l’âme n’est heureuse que parce qu’elle participe à la félicité même de Dieu. Mais il ne faut pas croire que ce don de clarté sera également distribué à tous, comme le don de l’impassibilité. Les corps des Saints seront tous impassibles de la même manière, mais ils n’auront pas tous le même degré de clarté. Car, dit Saint Paul (Jean, 13, 1.), autre est l’éclat du Soleil, autre celui de la lune, autre celui des étoiles. Et de même qu’une étoile diffère d’une autre en clarté, ainsi en sera-t-il de la Résurrection des morts.

La troisième qualité des corps des Saints sera l’agilité. Elle délivrera le corps du poids qui l’accable dans la vie présente. Ainsi ce corps pourra se porter partout où il plaira à l’âme avec une facilité et une vitesse incomparables. C’est l’enseignement formel de Saint Augustin dans son ouvrage de la Cité de Dieu, et de Saint Jérôme dans son commentaire sur Isaïe (S. Aug. lib., 11.)- (Saint Hier, cap., 40.). C’est pourquoi l’Apôtre a dit: (I Cor., 15, 43.) Le corps est semé dans l’infirmité, mais il ressuscitera dans la puissance. 

La quatrième est la subtilité. Elle rendra le corps entièrement soumis à l’empire de l’âme ; il sera son serviteur, toujours prêt à lui obéir au moindre signe. C’est l’affirmation très nette de l’Apôtre Saint Paul: (I Cor., 15, 44.) ce qui est semé en terre, dit-il, est un corps animal, et ce qui ressuscitera sera un corps spirituel. tels sont à peu près les points principaux qu’il faudra mettre en lumière, en expliquant cet article.

§ IV. — FRUITS A TIRER DE CET ARTICLE.

Afin que les Fidèles soient en état de bien apprécier tous les fruits qu’ils peuvent retirer de la connaissance de tant et de si grands Mystères, il y aura lieu d’abord de leur déclarer qu’ils doivent toute leur reconnaissance à Dieu qui a daigné révéler ces choses aux petits, pendant qu’Il les a cachées aux sages (Matth., 11, 25.). Combien en effet d’hommes éminents par leur sagesse, et distingués par leur science, qui n’ont été que de pauvres aveugles vis-à -vis d’une Vérité si incontestable ? Si donc le Seigneur nous a découvert ces secrets, auxquels nous n’avons pas même le droit d’aspirer, quel motif pour nous d’exalter, par des louanges continuelles, sa Bonté et sa Clémence infinies !

En second lieu, voici un autre avantage très appréciable que nous retirerons de la méditation de cet article, c’est que, à la mort de ceux qui nous sont unis par les liens du sang ou de l’amitié, il nous sera plus facile de consoler les autres, et de nous consoler nous-mêmes. L’Apôtre Saint Paul ne manqua pas de se servir de ce moyen, lorsqu’il écrivit aux Thessaloniciens sur les morts qu’ils pleuraient (I Thess., 4, 13.).

Troisièmement, la pensée de la Résurrection nous apportera également la meilleure consolation dans toutes les peines et les misères de la vie. C’est l’exemple que nous a laissé le saint homme Job, qui ne se consolait de ses afflictions et de ses malheurs, que par l’espérance de voir le Seigneur son Dieu, au jour de la Résurrection (Job, 19, 26.).

Enfin il n’y a peut-être pas de vérité plus capable de porter les fidèles à faire tous les efforts possibles pour mener une vie sainte, et pure de tout péché. En effet, s’ils pensent sérieusement à ces richesses incalculables qui doivent suivre la Résurrection, et qui les attendent, ils n’auront pas de peine à s’adonner avec ardeur à la pratique de la vertu et de la piété. — et au contraire, rien ne peut être plus efficace pour réprimer les mauvaises passions, et pour détourner l’homme du mal, que de lui rap peler fréquemment les châtiments et les supplices qui frapperont les méchants, lorsque, au dernier jour, ils ressusciteront pour être condamnés (Jean, 5, 29.).