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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre vingt-huitième — Des Commandements de Dieu en général

Saint Augustin n’a pas craint de dire que le Décalogue est le sommaire et l’abrégé de toutes les Lois. Bien que Dieu eût fait pour son peuple un grand nombre de prescriptions, néanmoins Il ne donne à Moïse que les deux tables de pierre, appelées les tables du témoignage, pour être déposées dans l’Arche. Et en effet, il est facile de constater que tous les autres Commandements de Dieu dépendent des dix qui furent gravés sur les tables de pierre, si on les examine de près, et si on les entend comme il convient. Et ces dix Commandements dépendent eux-mêmes des deux préceptes de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain, dans lesquels sont renfermés la Loi et les Prophètes. (Matth., 22, 40.)

§ I. — NÉCESSITÉ D’ÉTUDIER ET D’EXPLIQUER LE DÉCALOGUE.

Le Décalogue étant l’abrégé de tous les devoirs, les Pasteurs sont obligés de le méditer jour et nuit, non seulement pour y conformer leur propre vie, mais encore pour instruire dans la Loi du Seigneur le peuple qui leur est confié. Car (Ml., 2, 7.) « les lèvres du Prêtre sont dépositaires de la science, et les peuples recevront de sa bouche l’explication de la Loi, parce qu’il est l’ange du Seigneur des armées. » Ces paroles s’appliquent admirablement aux Prêtres de la Loi nouvelle, parce qu’étant plus rapprochés de Dieu que ceux de la Loi ancienne, ils doivent (II Cor., 3, 18.) « se transformer de clarté en clarté, comme par l’Esprit du Seigneur. » D’ailleurs, puisque Jésus-Christ Lui-même leur a donné le nom de (Matth., 5, 14.) « lumière », leur devoir et leur rôle, c’est d’être (Rm., 2, 20.) « la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, les docteurs des ignorants, les maures des enfants ; et si (Gal., 6, 1.) quelqu’un tombe par surprise dans quelque péché, c’est à ceux qui sont spirituels à le relever. »

Au tribunal de la Pénitence ils sont de véritables juges, et la sentence qu’ils portent est en raison de l’espèce et de la grandeur des fautes. Si donc ils ne veulent ni s’abuser eux-mêmes, ni abuser les autres par leur ignorance, il est nécessaire qu’ils étudient la Loi de Dieu avec le plus grand soin, et qu’ils sachent l’interpréter avec sagesse, afin de pouvoir rendre sur toute faute, action ou omission, un jugement conforme à cette règle divine, et encore comme dit l’Apôtre (II Tim., 4, 3.) afin de pouvoir donner « la saine Doctrine », c’est-à-dire, une doctrine exempte de toute erreur, et capable de guérir les maladies de l’âme, qui sont les péchés, et de faire des Fidèles (Tite, 2, 14.) « un peuple agréable à Dieu par la pratique des bonnes œuvres. »

§ II. — DIEU AUTEUR DU DÉCALOGUE.

Mais dans ces sortes d’explications, le Pasteur doit rechercher, tant pour lui-même que pour les autres, les motifs les plus propres à obtenir l’obéissance à cette Loi. Or, parmi ces motifs, le plus puissant pour déterminer le cœur humain à observer les prescriptions dont nous parlons, c’est la pensée que Dieu Lui-même en est l’Auteur. Bien qu’il soit dit (Gal., 2, 14.) « que la Loi a été donnée par le ministère des Anges », nul ne peut douter qu’elle n’ait Dieu Lui-même pour auteur. nous en avons une preuve plus que suffisante, non seulement dans les paroles du législateur que nous allons expliquer, mais encore dans une multitude de passages des saintes Ecritures, qui sont assez connus des Pasteurs.

Il n’est personne en effet qui ne sente au fond du cœur une Loi que Dieu Lui-même y a gravée, et qui lui fait discerner le bien du mal, le juste de l’injuste, l’honnête de ce qui ne l’est pas. Or la nature et la portée de cette Loi ne diffèrent en rien de la Loi écrite, par conséquent il est nécessaire que Dieu, Auteur de la seconde, soit en même temps l’Auteur de la première.

Il faut donc enseigner que cette Loi intérieure, au moment où Dieu donna à Moise la Loi écrite, était obscurcie et presque éteinte dans tous les esprits par la corruption des mœurs, et par une dépravation invétérée ; on conçoit dès lors que Dieu ait voulu renouveler et faire revivre une Loi déjà existante plutôt que de porter une Loi nouvelle. Les Fidèles ne doivent donc pas s’imaginer qu’ils ne sont pas tenus d’accomplir le Décalogue, parce qu’ils ont entendu dire que la Loi de Moïse était abrogée. Car il est bien certain qu’on doit se soumettre à ces divins préceptes, non pas parce que Moïse les a promulgués, mais parce qu’ils sont gravés dans tous les cœur », et qu’ils ont été expliqués et confirmés par Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même.

Toutefois, (et cette pensée aura une grande force de persuasion), il sera très utile d’engager les Fidèles à se rappeler que Dieu Lui-même est l’Auteur de la Loi ; Dieu dont nous ne pouvons révoquer en doute la Sagesse et l’équité, Dieu enfin dont la Force et la Puissance sont telles qu’il nous est impossible d’y échapper. Aussi, quand Il ordonne par ses Prophètes l’observation de sa Loi, nous l’entendons dire: « Je suis le Seigneur Dieu. » Et au commencement du Décalogue: (Ex., 20, 1.) « Je suis le Seigneur votre Dieu » et ailleurs: (Ml., 1, 6.) « si Je suis le Seigneur, où est la crainte que vous avez de moi » ?

Mais cette pensée n’excitera pas seulement les Fidèles à garder les Commandements de Dieu, elle les portera encore à Le remercier d’avoir fait connaître ses volontés qui nous donnent les moyens d’opérer notre salut. L’Ecriture, dans beaucoup d’endroits, rappelle aux hommes ce grand bienfait, et les exhorte à sentir tout ensemble leur propre dignité et la bonté de Dieu comme dans ce passage du Deutéronome: (Dr., 4, 6.) « Telle sera votre Sagesse et votre Intelligence devant nous les peuples, que tous ceux qui auront connaissance de ces commandements diront: voilà un peuple sage et intelligent, voilà une grande nation. » Et dans celui-ci du Psalmiste: (Ps., 147, 20.) « Il n’a pas agi de la sorte avec toutes les nations ; Il ne leur a pas ainsi manifesté ses jugements. »

Si le Pasteur a soin de rapporter et de dépeindre ensuite, d’après l’autorité de la Sainte Ecriture, la manière dont la Loi fut donnée, les Fidèles n’auront pas de peine à comprendre avec quelle piété et quelle soumission ils doivent accomplir des Commandements qui leur viennent de Dieu.

Trois jours avant la promulgation du Décalogue, sur l’ordre formel de Dieu, tous les Hébreux furent obligés de laver leurs vêtements et de garder la continence, afin d’être purs et plus prêts à recevoir la Loi du Seigneur. Quand les trois jours de préparation furent passés, ils vinrent tous au pied de la montagne, où Dieu avait résolu de leur donner sa Loi par l’intermédiaire de Moise. Moise en effet fut appelé seul sur la Montagne. Alors Dieu lui apparut dans tout l’éclat de sa Majesté. Il se mit à parler avec lui et lui donna les préceptes du Décalogue au milieu des tonnerres, des feux, des éclairs, et d’un nuage épais qui couvrit toute la Montagne. Or, que voulait la Sagesse divine par tous ces prodiges ? Sinon de montrer avec quelle pureté de cœur et quelle humilité nous devons accueillir sa Loi, et quels châtiments terribles sa justice nous réserve, si nous n’y faisons pas attention.

Ce n’est pas assez ; le Pasteur devra faire voir aussi que cette Loi n’est pas difficile à accomplir. Il lui suffira pour cela d’apporter cette raison donnée par Saint Augustin: (Serm., 47.) « Comment, dit-il, peut-il être impossible à l’homme d’aimer son Créateur qui le comble de tant de biens, d’aimer un père qui l’a tant aimé, d’aimer sa propre chair dans ses frères ? Or, celui qui aime accomplit la Loi. » C’est ce qui faisait dire à l’Apôtre Saint Jean: (I Jean, 5, 3.) « Les Commandements de Dieu ne sont point pénibles. » En effet, dit à son tour Saint Bernard, (Lib. de dilig. Deo.) « on ne pouvait exiger de l’homme rien de plus juste, rien de plus digne, rien de plus avantageux pour lui. » De là aussi cette exclamation de Saint Augustin, admirant la Bonté infinie de Dieu: (Serm. 6 de Temp.) « Qu’est-ce que l’homme, ô mon Dieu, pour que Vous lui ordonniez de Vous aimer, et que Vous le menaciez des plus grands châtiments, s’il ne Vous aime pas ? n’est-ce pas déjà un assez grand châtiment de ne Vous aimer pas ? »

Si quelqu’un s’excusait de ne pouvoir aimer Dieu, en alléguant la faiblesse de sa nature, il faudrait lui apprendre que Dieu qui exige que nous L’aimions, allume Lui-même le feu de son Amour dans nos cœurs par le Saint-Esprit, et que le Père céleste communique toujours cet esprit de bonté et d’amour à ceux qui le Lui demandent. Saint Augustin avait donc bien raison de dire: (Lib. x. Conf.) « Seigneur, donnez-moi tout ce que Vous exigez, et exigez tout ce que Vous voulez. » Ainsi donc, puisque Dieu est toujours disposé à nous aider, surtout depuis que son divin Fils Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort pour nous, et a chassé loin de nous par sa Mort le prince des ténèbres, personne ne peut plus s’écarter de la Loi de Dieu par la difficulté de l’observer. II n’y a rien de difficile pour celui qui aime.

§ III. — NÉCESSITÉ DE GARDER LES COMMANDEMENTS.

Le Pasteur disposera d’un moyen très puissant pour obtenir ce qu’il demande ici, s’il a soin de bien montrer que l’observation des Commandements de Dieu est d’une nécessité absolue. Et il insistera d’autant plus sur ce point qu’aujourd’hui il ne manque pas d’hommes, qui ne craignent pas de soutenir, pour leur malheur, que cette Loi, facile ou difficile, n’est pas nécessaire au salut. Pour réfuter cette doctrine impie et criminelle, il n’aura qu’à invoquer le témoignage de la Sainte Ecriture, et particulièrement de ce même Apôtre sur l’autorité duquel on s’efforce d’appuyer cette erreur funeste. Que dit en effet l’Apôtre: (I Cor., 7, 19.) « Il importe peu d’être circoncis, ou incirconcis, ce qui est absolument nécessaire, c’est l’observation des Commandements de Dieu. » Quand ensuite il répète ailleurs la même maxime et nous dit que (Gal., 6, 15.) « La nouvelle créature en Jésus-Christ vaut seule quelque chose », il nous fait clairement entendre que par cette nouvelle créature en Jésus-Christ il veut signifier celui qui observe les Commandements de Dieu. Car avoir reçu les Commandements de Dieu et les observer, c’est L’aimer, d’après ce témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même dans Saint Jean: (Jean, 14, 21, 23.) « Celui qui M’aime gardera ma parole. » En effet, quoique l’homme puisse cesser d’être impie, avant d’avoir accompli des actes extérieurs de chaque précepte de la Loi, cependant il est impossible à celui qui a l’usage de sa raison, de passer de l’impiété à la justice, sans avoir le cœur disposé à garder tous les Commandements de Dieu.

§ IV. — AVANTAGE DE LA LOI DE DIEU.

Enfin, pour ne rien omettre de ce qui peut amener le peuple chrétien à pratiquer la Loi, le Pasteur aura soin de montrer combien les fruits qu’elle porte sont nombreux et consolants. A cette fin il n’aura qu’à citer le Psaume dix-huitième qui célèbre les mérites de la Loi de Dieu. Et le plus grand des mérites de cette Loi, c’est de révéler la gloire de son Auteur et de faire ressortir sa divine Majesté, bien mieux encore que les corps célestes eux-mêmes dont la beauté éclatante et l’ordre magnifique frappent d’admiration les peuples les plus barbares et les obligent à reconnaître la Gloire, la Sagesse et la Puissance de l’Artiste incomparable, Créateur de toutes choses. Cette Loi (Ps., 18, 8.) élève et convertit les âmes à Dieu ; c’est elle qui nous instruit de ses Voies, nous révèle sa très sainte Volonté, et nous fait marcher dans le chemin que Lui-même nous a tracé. Mais comme il n’y a que ceux qui craignent Dieu qui sont les vrais sages, le Psalmiste attribue encore à la Loi cette vertu singulière « de donner la sagesse aux petits. » (Psal., 18, id.) Et enfin, dit-il, ceux qui l’observent fidèlement possèdent des joies pures, des consolations abondantes puisées dans la contemplation des divins Mystères, des récompenses infinies en cette vie et en l’autre.

Cependant prenons garde d’accomplir cette sainte Loi moins pour notre avantage que pour l’amour que nous devons à Dieu, précisément parce qu’Il a bien voulu nous exprimer sa Volonté en nous la donnant. Et puisque toutes les autres créatures Lui sont soumises, n’est-il pas bien plus juste encore que nous-mêmes Lui obéissions en toutes choses

Mais il ne faut pas passer sous silence une réflexion qui nous fait sentir vivement la Clémence de Dieu à notre égard, et apprécier les trésors de son infinie Bonté. Ce Dieu pouvait nous obliger à servir les intérêts de sa Gloire, sans aucune récompense, néanmoins il Lui a plu de rapprocher tellement sa Gloire de notre avantage, que ce qui sert à Le glorifier, sert aussi à notre propre bien. Cette considération est très forte et très frappante. Le Pasteur ne manquera pas de montrer aux Fidèles avec le Prophète que (Ps., 18, 12.) « Dans l’accomplissement de la Loi se trouvent d’abondantes récompenses. » Dieu ne nous promet pas seulement les bénédictions qui semblent se rapporter plutôt au bonheur terrestre, comme (Dr., 28, 3.) « les bénédictions de nos villes et de nos champs », mais II nous propose encore (Matth., 5, 12.) « un immense trésor dans le ciel, et (Luc, 6, 38.) cette mesure pleine, pressée, entassée, coulant par-dessus les bords », que nous méritons avec l’aide de sa divine miséricorde, par des œuvres de justice et de piété.