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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre vingt-neuvième — Du premier Commandement

« Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai tiré de la terre d’Egypte, de la maison de servitude ; tu n’auras point de dieux étrangers devant Moi ; tu ne te feras point d’idoles », etc.

Cette Loi que Dieu donna aux Juifs sur le mont Sinaï, la nature l’avait imprimée et gravée longtemps auparavant dans le cœur de tous les hommes, et tous les hommes pour ce motif étaient obligés de l’accomplir. Dieu l’avait ainsi voulu. II sera donc très utile d’expliquer avec soin aux Fidèles les termes mêmes dans lesquels elle fut promulguée par Moïse, qui en fut le ministre et l’interprète, et de leur faire connaître l’histoire si pleine de mystères du peuple hébreu.

§ I. — RÉCIT ABRÉGÉ DE L’HISTOIRE SACRÉE.

Les Pasteurs commenceront par raconter que de toutes les nations qui vivaient sur la terre, Dieu en choisit une qui descendait d’Abraham. Ce saint Patriarche, pour obéir à Dieu, avait habité comme étranger la terre de Chanaan, et Dieu lui avait promis de lui donner cette terre ; mais ni lui ni ses descendants ne la possédèrent qu’après avoir erré pendant plus de quatre cents ans. Durant ce long pèlerinage, Dieu ne les abandonna jamais. Ils allaient de nation en nation, de peuple en peuple, mais nulle part II ne souffrit qu’on leur fît aucun mal, et même Il punit les rois qui voulaient leur nuire. Avant qu’ils descendissent en Egypte, Il envoya dans ce pays un homme dont la sagesse devait les préserver, eux et les Egyptiens, des suites de la famine. Il les entoura tellement de sa Bonté protectrice, que malgré la résistance de Pharaon et son acharnement à les perdre, ils se multiplièrent prodigieusement. Puis quand Il les vit dans l’affliction et soumis au plus dur esclavage, Il suscita un chef dans la personne de Moïse pour les tirer d’Egypte par la puissance de son bras. C’est de cette délivrance que Dieu fait mention au commencement de la Loi. quand Il dit: (Ex., 20, 2.) « Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai tiré de la terre d’Egypte, de la maison de servitude. »

Ici le Pasteur fera remarquer avec soin que si Dieu choisit cette nation entre toutes, pour l’appeler son peuple, et pour être plus spécialement connu et servi par elle, ce n’est point qu’elle fût plus nombreuse ou plus juste que les autres, comme Dieu ne manque pas de le lui rappeler ; mais c’est qu’Il le voulut ainsi pour rendre plus sensible et plus éclatante aux yeux de tous sa Puissance et sa Bonté, en comblant de bienfaits et de richesse une nation si peu nombreuse et si pauvre. Quelque misérable que fût l’état des Hébreux, Dieu s’attacha à eux, et les aima, au point que le Maître du ciel et de la terre ne rougit point d’être appelé leur Dieu. (Dr., 10, 15.) Son but était de provoquer les autres peuples à les imiter, et d’amener tous les hommes à embrasser son culte, par le bonheur dont Il comblait les Israélites sous leurs yeux. De même l’Apôtre Saint Paul déclarera plus tard (Rm., 11, 14.) qu’Il a excité l’émulation de son peuple, en lui représentant le bonheur des Gentils, et la connaissance du vrai Dieu qu’Il leur avait donnée.

Ensuite le Pasteur enseignera aux Fidèles que Dieu laissa longtemps les Patriarches hébreux errer comme des voyageurs en pays étranger, et leurs descendants gémir sous l’oppression et l’accablement de la plus dure servitude, pour nous apprendre qu’on ne peut être ami de Dieu, sans être ennemi du monde et étranger sur la terre, et par conséquent qu’il est d’autant plus facile de gagner son amitié qu’on est plus détaché et séparé du monde. En même temps, Il voulait nous faire comprendre, à nous qui Lui rendons le culte qu’Il mérite, qu’il y a infiniment plus de bonheur à Le servir, qu’à servir le monde. C’est ce que l’Ecriture nous rappelle quand elle dit: (II Par., 12, 8.) « Les enfants de Judas seront soumis à Sésac, afin qu’ils apprennent quelle différence il y a entre mon service et le service des rois de fa terre ».

Il expliquera aussi que Dieu n’accomplit sa promesse qu’après plus de quatre cents ans, afin d’entretenir son peuple dans la Foi et l’Espérance. Le Seigneur en effet veut que ses enfants dépendent continuellement de Lui et qu’ils mettent tout leur espoir dans sa bonté, comme nous le dirons en développant le premier Commandement.

Enfin il marquera le temps et le lieu où le peuple d’Israël reçut de Dieu cette Loi. Ce fut après sa sortie d’Egypte et dès qu’il fut entré dans le désert, afin que le souvenir de sa récente délivrance et la vue d’une région si sauvage le rendît plus propre à recevoir ses Commandements. Les hommes en effet s’attachent fortement à ceux dont ils viennent d’éprouver la bonté, et ils se réfugient sous la protection de Dieu, lorsqu’ils se voient privés de tout secours humain. Et c’est ce qui nous fait conclure que nous sommes d’autant mieux disposés à recevoir les Vérités divines, que nous fuyons davantage les attraits du monde et les plaisirs mauvais. Aussi est-il écrit dans le Prophète: (Is., 20, 9.) « A qui le Seigneur enseignera-t-il sa Loi ? A qui donnera-t-il l’intelligence de sa parole ? Aux enfants sevrés et arrachés du sein de leurs mères. »

§ II. — APPLICATION DE CETTE HISTOIRE AUX CHRÉTIENS.

Que le Pasteur s’efforce donc, autant qu’il le pourra, d’amener les Fidèles à avoir toujours présentes à l’esprit ces paroles si graves: Je suis le Seigneur votre Dieu. Elles leur feront comprendre qu’ils ont pour législateur le Créateur Lui-même, Celui qui leur a donné la vie et qui la leur conserve, et leur permettront de répéter en toute vérité : (Ps., 94, 7.) « Oui, il est notre Seigneur et notre Dieu: nous sommes le peuple de ses pâturages, le troupeau de sa droite. » Ces paroles souvent répétées, et avec une sainte ardeur, auront la vertu de les rendre plus prompts à obéir à la Loi, et de les éloigner du péché.

Quant aux suivantes: « Qui vous ai tirés de la terre d’Egypte, de la maison de servitude, » bien qu’elles semblent s’appliquer uniquement aux Hébreux délivrés de la domination des Egyptiens, néanmoins si l’on considère ce qu’est en elle-même l’œuvre du salut de tous, il est facile de voir qu’elles se rapportent infiniment mieux aux Chrétiens qui ont été arrachés par Dieu Lui-même non pas à la servitude d’Egypte, mais à la région du péché et à la puissance des ténèbres, pour être introduits enfin dans le Royaume de son Fils bien-aimé. C’est ce grand bienfait qu’avait en vue le Prophète Jérémie quand il disait: (Jr.,16, 14, 15, 16 et 17.) « Voici que des jours viennent, dit le Seigneur, oie l’on ne dira plus: Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d’Israël de la terre d’Egypte ! mais vive le Seigneur, qui a rappelé les enfants d’Israël du Septentrion, et de toutes les parties de la terre où ils avaient été dispersés, pour les réunir dans la terre qui avait été donnée à leurs pères ! Voilà, dit le Seigneur, que J’enverrai des pêcheurs en grand nombre, et ils pêcheront les enfants d’Israël. »

En effet, ce Père infiniment bon a rassemblé, par son Fils,. ses enfants dispersés (Jean, 11, 52.), afin que désormais esclaves de la justice et non plus du péché (Rm., 6, 12.), nous le servions en marchant devant Lui tous les jours de notre vie dans la sainteté et la justice (Luc, 1, 74, 75.).

Ainsi à toutes les tentations sachons opposer, comme un bouclier, ces paroles de l’Apôtre (Rm., 6, 2.): « Etant mort au péché, comment pourrions-nous vivre encore dans le péché ? » nous ne sommes plus à nous, mais à Celui qui est mort et qui est ressuscité pour nous. C’est le Seigneur notre Dieu Lui-même qui nous a achetés au prix de son Sang. Comment pourrions-nous pécher encore contre Lui, et de nouveau l’attacher à la croix ? puisque nous sommes vraiment libres, de cette liberté que Jésus-Christ Lui-même nous a rendue (Gal., 2, 31.), faisons servir nos membres à la justice, et à notre propre sanctification, comme nous les avons fait servir à l’injustice et à l’iniquité.

§ III. — OBJET DU PREMIER COMMANDEMENT.

« Vous n’aurez point de dieux étrangers devant Moi. » Le Pasteur fera remarquer que dans le Décalogue la première place est pour les choses qui regardent Dieu, et la seconde pour celles qui regardent le prochain. C’est qu’en effet Dieu est la cause des devoirs que nous accomplissons envers le prochain. Et ce prochain nous ne l’aimons conformément à l’ordre de Dieu que si nous l’aimons pour Dieu. — On sait que la première des deux tables de pierre renfermait les Commandements qui ont Dieu pour objet. — Le Pasteur montrera ensuite que les paroles qui expriment le premier Commandement contiennent deux préceptes, dont l’un a pour but de commander et l’autre de défendre.

Car en se servant de ces mots: vous n’aurez point de dieux étrangers devant Moi, Dieu disait en d’autres termes : vous M’adorerez, Moi le Dieu véritable, mais vous n’aurez point de culte pour les dieux étrangers. 

Le premier de ces préceptes embrasse la Foi, l’Espérance et la Charité. Qui dit Dieu, en effet, dit un être constant, immuable, toujours le même, fidèle, parfaitement juste. D’où il suit que nous devons nécessairement accepter ses oracles, et avoir en Lui une Foi et une confiance entières. Il est Tout-Puissant, clément, infiniment porté à faire du bien. Qui pourrait ne pas mettre en Lui toutes ses espérances ? et qui pourrait ne pas l’aimer en contemplant les trésors de bonté et de tendresse qu’Il a répandus sur nous ? de là cette formule que Dieu emploie dans la sainte Ecriture soit au commencement, soit à la fin de ses préceptes: Je suis le Seigneur.

Voici la seconde partie du précepte: vous n’aurez point de dieux étrangers devant Moi. Si le Législateur l’a aussi formulée, ce n’est pas que sa volonté n’eût été assez clairement expliquée dans cette partie impérative et positive de son Commandement: Vous M’adorerez, Moi le seul Dieu. Car s’il y a un Dieu, il n’y en a qu’un. Mais c’était pour dissiper l’aveuglement d’un grand nombre d’hommes, qui, tout en faisant profession d’adorer le vrai Dieu, avaient cependant des hommages pour une multitude de divinités ; et il y avait quelques Juifs dans ce cas ; on le voit par ces reproches que leur faisait le Prophète Elie (III Rois, 18, 21.): « Jusques à quand boiterez-vous des deux côtés ? » Ce fut aussi le crime des Samaritains (IV Rois, 17, 33.), qui adoraient en même temps et le Dieu d’Israël et les divinités des nations.

A ces explications il faudra ajouter que ce Commandement est le premier et le plus grand de tous, non seulement par le rang qu’il occupe, mais encore par sa nature, sa dignité, et son excellence. nous devons à Dieu infiniment plus d’amour, de respect et de soumission qu’à nos supérieurs et à ceux qui nous gouvernent. C’est Lui qui nous a créés ; c’est Lui qui nous conserve, qui nous a nourris dès le sein de nos mères, qui ensuite nous a appelés à la lumière ; c’est Lui enfin qui nous fournit toutes les choses nécessaires à notre vie et à notre entretien.

Ceux-là donc pèchent contre ce premier Commandement, qui n’ont ni la Foi, ni l’Espérance, ni la Charité. Et leur nombre, hélas ! est extrêmement considérable. Ce sont ceux qui tombent dans l’hérésie, qui ne croient pas ce que la sainte Eglise notre mère nous propose à croire ; ceux qui ont foi aux songes, aux augures et à toutes les vaines superstitions de ce genre ; ceux qui désespèrent de leur salut, qui manquent de confiance dans la miséricorde divine ; ceux qui ne s’appuient que sur les richesses, la santé et les forces du corps. On peut voir, pour plus de détails, les Auteurs qui ont écrit sur les vices et les vertus.

§ IV. — DU CULTE ET DE L’INVOCATION DES ANGES ET DES SAINTS.

En expliquant ce Commandement, le Pasteur fera soigneusement remarquer aux Fidèles que le culte et l’invocation des Saints, des Anges et des Ames bienheureuses qui jouissent de la Gloire du ciel, comme aussi le respect pour les corps mêmes et les reliques des Saints, tel que l’Eglise l’a toujours pratiqué, ne sont nullement contraires à l’esprit de ce premier Commandement. Est-il un homme assez insensé pour s’imaginer qu’un souverain qui interdirait à ses sujets de prendre la qualité de roi, et d’exiger les hommages et les honneurs qui ne sont dus qu’à cette dignité suprême, défendrait par là -même d’honorer les magistrats ? Quoiqu’il soit dit que les Chrétiens, à l’exemple des Saints de l’Ancien testament, adorent les Anges, cependant ce culte qu’ils leur rendent diffère essentiellement de celui qu’ils offrent à Dieu. Et si quelquefois nous voyons les Anges refuser les honneurs qui leur étaient rendus par des hommes, cela signifie simplement qu’ils ne voulaient point prendre pour eux la gloire qui n’est due qu’à Dieu. Car le même esprit-Saint qui a dit (I Tim., 1, 17. ; Ex., 22, 12. ; Lv., 19, 32.): « A Dieu seul honneur et gloire », nous ordonne néanmoins d’honorer nos parents et les vieillards. Les Saints n’adoraient que Dieu seul, et cependant comme le remarque l’Ecriture, ils avaient pour les rois une espèce d’adoration, en ce sens qu’ils les honoraient assez pour se prosterner devant eux. Or si les rois par qui Dieu gouverne le monde ont droit à de tels honneurs, les esprits angéliques que Dieu a faits ses ministres, qu’Il emploie non seulement dans le gouvernement de son Eglise, mais encore dans celui de l’univers entier, et dont la protection nous délivre tous les jours des plus grands dangers et de l’âme et du corps, ces esprits bienheureux ne recevront-ils pas de nous, bien qu’ils ne se montrent point visiblement à nos yeux, des honneurs d’autant plus grands qu’eux-mêmes l’emportent en dignité sur tous les rois de la terre ?

Ajoutez à cela la Charité qu’ils ont pour nous. C’est cette Charité qui les fait prier, comme nous le voyons dans la sainte Ecriture, pour les provinces dont ils sont les protecteurs. Et il n’est pas permis de douter qu’ils n’agissent de même envers ceux dont ils sont les Gardiens, puisqu’ils présentent à Dieu nos prières et nos larmes. Voilà pourquoi le Seigneur nous enseigne dans l’Evangile (Matth., 18, 10.): « Qu’il ne faut point scandaliser même les plus petits enfants, parce que leurs Anges qui sont dans le ciel voient sans cesse la face du Père qui est dans le ciel. »

Il faut donc invoquer les Anges, et parce qu’ils voient Dieu continuellement, et parce qu’ils se chargent avec joie du soin qui leur est confié de veiller à notre salut. L’Ecriture sainte nous rapporte des exemples de ces invocations. Ainsi Jacob prie l’Ange avec lequel il avait lutté, de le bénir. Il lui fait même une sorte de violence, car il proteste qu’il ne le laissera point aller, avant d’avoir reçu sa bénédiction. Et non seulement il invoqua l’Ange qu’il voyait, mais encore il en invoqua un autre qu’il ne voyait pas, le jour où il disait (Gn., 48, 16.): « Que l’Ange qui m’a délivré de tout mal bénisse mes enfants ! »

D’où l’on peut conclure aussi que les honneurs rendus aux Saints qui sont morts dans le Seigneur, les invocations qu’on leur adresse, la vénération dont on entoure leurs reliques et leurs cendres sacrées, toutes ces pieuses pratiques, loin de diminuer la Gloire de Dieu, l’augmentent au contraire, parce qu’elles élèvent et confirment les espérances des hommes, et qu’elles les excitent à marcher sur les traces des Saints. Au reste ce culte est approuvé par le second Concile de Nicée, ceux de Gangres et de Trente, et par l’autorité des Saints Pères.

Mais afin que le Pasteur soit en état de mieux réfuter les adversaires de cette vérité, il devra lire surtout Saint Jérôme contre Vigilance, et Saint Jean Damascène. Et encore aux raisons qu’ils apportent il faut joindre une considération qui prime toutes les autres: nous sommes ici en présence d’une coutume qui remonte aux Apôtres, et qui s’est maintenue et conservée sans interruption dans l’Eglise de Dieu. toutefois, aucune autre preuve ne peut être plus évidente ni plus solide que le témoignage même de la sainte Ecriture, laquelle célèbre d’une manière admirable les louanges des Saints. Il est des Saints en effet dont la Parole de Dieu même dans nos Livres sacrés a publié hautement la gloire. Dés lors pourquoi les hommes ne leur rendraient-ils pas des honneurs particuliers ? — enfin un autre motif plus puissant encore d’honorer et d’invoquer les Saints, c’est qu’ils prient continuellement pour le salut des hommes, et que nous devons à leurs mérites et à leur crédit un grand nombre des bienfaits que Dieu nous accorde.

S’il y a dans le ciel une grande joie (Luc, 13, 7, 10.) pour un pécheur qui fait pénitence, peut-on douter que les Saints ne viennent en aide aux pénitents qui les invoquent, qu’ils ne répondent à leurs prières en obtenant le pardon de leurs péchés et la grâce de la réconciliation avec Dieu ?

Si on prétend, comme quelques-uns l’ont fait, que la protection des Saints est inutile, attendu que Dieu n’a pas besoin d’interprète pour recevoir nos prières, c’est une assertion fausse et impie, réfutée d’ailleurs par ce mot de Saint Augustin: (Quest., 149, super Exod.) « Il est beaucoup de choses que Dieu n’accorderait pas sans le secours et les bons offices d’un médiateur et d’un intercesseur. » Remarque pleinement justifiée par les exemples fameux d’Abimélech et des amis de Job. Ce ne fut en effet que par les prières de ces deux Patriarches qu’ils obtinrent le pardon de leurs péchés.

Voudrait-on alléguer encore que c’est l’affaiblissement ou le défaut de Foi qui nous font recourir au patronage et à l’intercession des Saints ? mais que répondre alors à l’exemple du Centurion ? (Matth., 8, 10. ; Luc, 7, 3.) nous connaissons l’éloge admirable que Notre-Seigneur fait de sa Foi. Et pourtant cet homme lui avait envoyé quelques anciens d’entre les Juifs pour le prier de guérir son serviteur qui était malade.

Sans doute nous devons reconnaître (I Tim., 2, 5.) « que nous n’avons qu’un seul Médiateur, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui nous a réconciliés par son Sang (Hébr., 9, 12 ; 7, 25.) avec le Père céleste, et qui, nous ayant rachetés pour l’éternité, est entré une seule fois dans le Sanctuaire, où il ne cesse d’intercéder pour nous. » Mais ceci ne prouve nullement que nous ne devions pas recourir à l’intercession des Saints. Si nous n’avions pas le droit d’implorer leur protection, par cela seul que nous avons Jésus-Christ pour Avocat, l’Apôtre Saint Paul n’eût jamais témoigné tant d’empressement à se faire recommander et aider auprès de Dieu par les prières de ses Frères encore vivants. Car il est bien évident que les prières des Justes qui sont encore en ce monde ne diminueraient pas moins que celles des Saints du ciel la gloire et la dignité de notre Médiateur Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Mais quel est celui qui, au récit des merveilles opérées sur les tombeaux des Saints, ne voudrait pas reconnaître le culte qu’on leur rend, et n’aurait pas pleine confiance dans leur protection ? c’est là que les aveugles ont recouvré la vue, que les infirmes et les paralytiques ont repris l’usage de leurs membres ; c’est là que la vie a été rendue aux morts, et que les démons ont été chassés des corps qu’ils possédaient. Et ces miracles nous sont attestés par des témoins dignes de foi. Des hommes comme Saint Ambroise et Saint Augustin nous les racontent dans leurs écrits (S. Amb. epist. et serm., 95.), non pas, comme un grand nombre, pour en avoir entendu parler, non pas même, comme un bien plus grand nombre encore pour les avoir lus, mais pour les avoir vus de leurs propres yeux.

Enfin, que dirons-nous de plus ? si les vêtements et les ombres même des Saints pouvaient, avant leur sortie de ce monde, chasser les maladies et rendre les forces perdues, qui oserait soutenir que Dieu ne peut opérer les mêmes prodiges par le moyen de leurs cendres sacrées, de leurs

ossements et de leurs autres reliques ? On eut un jour une preuve de ce que nous disons, lorsque le cadavre jeté par hasard dans le tombeau d’Elisée revint tout à coup à la vie, au seul contact du corps du Prophète.

§ V. — CHOSES DÉFENDUES PAR LE PREMIER COMMANDEMENT.

(Sir., 20, 4.) « Vous ne ferez point d’images taillées, ni de figures des créatures qui sont dans le ciel et sur la terre, dans les eaux et sous la terre ; vous n’adorerez point toutes ces choses et vous ne les honorerez point. »

Quelques-uns ont vu dans ces paroles un second précepte différent du premier, et en même temps ils ont prétendu que les deux derniers Commandements du Décalogue n’en faisaient qu’un. Au contraire Saint Augustin maintient la séparation de ces deux derniers préceptes, et soutient que notre texte fait partie du premier. nous nous rangeons volontiers à son sentiment, parce qu’il est consacré dans l’Eglise. Au surplus, nous avons une excellente raison de penser de la sorte: c’est qu’il était convenable de joindre au premier Commandement les récompenses et les punitions qui s’y rapportent.

Mais que personne ne s’imagine que Dieu défend par ce Commandement la peinture, la sculpture et la gravure. Car nous lisons dans la Sainte Ecriture que sur l’ordre de Dieu même les hébreux firent des figures et des images, par exemple les Chérubins et le serpent d’airain. Les images étaient défendues uniquement pour empêcher qu’on ne retranchât quelque chose du culte dû à Dieu, pour le leur attribuer comme à de vraies divinités.

Or, il y a évidemment, par rapport à ce précepte, deux manières principales d’outrager la Majesté de Dieu. La première c’est d’adorer des idoles et des images comme on adore Dieu Lui-même, de croire qu’il y a en elles une sorte de divinité et de vertu spéciale qui méritent qu’on leur rende un culte, ou bien encore de leur adresser nos prières et de mettre en elles notre confiance, comme autrefois les païens mettaient leurs espérances dans leurs idoles. La Sainte Ecriture leur en fait souvent le reproche.

La seconde c’est de vouloir représenter Dieu sous une forme sensible, comme si la Divinité pouvait être vue des yeux du corps, ou exprimée avec des couleurs et par des figures. « Qui pourrait, comme dit Saint Jean Damascène, (1. 4 de ort. fid. c., 17.) représenter Dieu qui ne tombe point sous le sens de la vue, qui n’a pas de corps, qui ne peut être limité en aucune manière, ni dépeint par aucune figure ? » Cette pensée est développée en détail dans le second Concile de Nicée (Conc. Nic. 2 Act. 3.). C’est pourquoi l’Apôtre a très bien dit des Gentils (Rm., 1, 23.) « qu’ils avaient transporté la gloire d’un Dieu incorruptible à des figures d’oiseaux, de quadrupèdes et de serpents. » Car ils adoraient tous ces animaux comme la Divinité même dans les images qu’ils en faisaient. C’est pour cela qu’on appelle idolâtres les Israélites qui s’écriaient devant la statue du veau d’or: (Ex., 32, 4.) « Israël, voilà. les dieux, voilà ceux qui t’ont tiré de la ferre d’Egypte » car par là (Ps., 105, 20.) « ils changeaient le Dieu de gloire contre la figure d’un veau qui mange l’herbe des champs. »

Ainsi donc après avoir défendu d’adorer des dieux étrangers, Dieu, voulant détruire toute idolâtrie, défendit aussi de tirer de l’airain ou de toute autre matière une image de la Divinité. Ce qui a fait dire à Isaïe: (Is., 40, 18.) « A qui ferez-vous ressembler Dieu ? quelle forme et quelle image Lui donnerez-vous ? »

Il est certain que tel est le sens de ce Commandement. Car outre les Saints Pères qui l’interprètent de cette manière, comme on peut le voir dans les actes du septième Concile général, les paroles suivantes que nous lisons dans le Deutéronome et que Moïse adressa au peuple pour le détourner de l’idolâtrie, nous en donnent une autre preuve : (Dr., 3, 15, 16.) « Vous n’avez pas vu que Dieu ait pris aucune forme le jour où, sur la montagne d’Horeb, Il vous parla au milieu des éclairs. » Ce sage législateur leur tenait ce langage pour les empêcher de se laisser tromper et séduire et d’en venir à représenter la Divinité par des images, et à rendre à la créature l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu.

§ VI. — ON PEUT CEPENDANT CHEZ LES CHRÉTIENS REPRÉSENTER LA DIVINITÉ PAR DES SYMBOLES.

Cependant il ne faudrait pas croire qu’on pèche contre la Religion et la Loi de Dieu, lorsqu’on représente quelqu’une des trois Personnes de la Sainte Trinité par certaines figures sous lesquelles elles apparurent dans l’Ancien et dans le nouveau testament. nul n’est assez ignorant pour croire que ces images soient l’expression réelle de la Divinité. Le Pasteur aura soin de déclarer qu’elles servent seulement à rappeler certaines propriétés et certaines opérations qu’on attribue à Dieu. C’est ainsi que le Prophète Daniel (Dn., 7, 9.) le dépeint « comme un vieillard (l’ancien des jours) assis sur un trône avec des livres ouverts devant Lui. » Il voulait par là nous représenter son Eternité et cette Sagesse infinie qui considère toutes les pensées et toutes les actions des hommes pour les juger.

On donne également aux Anges la forme humaine à laquelle on ajoute des ailes. C’est pour nous faire comprendre toute leur bienveillance pour le genre humain, et toute leur promptitude à exécuter les ordres de Dieu (Hébr., 1, 14.). « Ils sont tous des esprits au service du Seigneur, envoyés pour remplir un ministère en faveur de ceux qui doivent hériter du salut. » La colombe et les langues de feu qui figurent le Saint-Esprit dans l’Evangile et les Actes des Apôtres indiquent des attributs qui lui sont propres, et qui sont trop familiers à tout le monde pour qu’il soit nécessaire de nous y arrêter plus longtemps.

§ VII. — LES IMAGES DE JÉSUS-CHRIST, DE LA SAINTE VIERGE ET DES SAINTS SONT PERMISES.

En ce qui regarde Notre-Seigneur Jésus-Christ, sa très Sainte et très chaste Mère, et tous les autres Saints, comme ils ont été revêtus de la nature humaine, non seulement il n’est pas défendu par ce commandement de représenter et d’honorer leurs images ; mais au contraire ces actes ont toujours eu un caractère de piété sincère et de vive reconnaissance. Aussi bien les monuments des temps apostoliques, les conciles œcuméniques et un grand nombre de Saints Pères et de Docteurs sont d’accord pour déposer en leur faveur.

Le Pasteur ne se contentera donc pas d’enseigner qu’il est permis d’avoir des images dans les églises et de leur rendre des honneurs et un culte, puisque ce culte se rapporte à la personne même des saints ; mais il établira encore les grands avantages que cette pratique a procurés aux Fidèles jusqu’à ce jour, comme on le voit dans le livre de Saint Jean Damascène qui a pour titre du Culte des images, et comme l’enseigne le septième Concile général, c’est-à-dire le second Concile de Nicée.

Toutefois, comme l’ennemi du genre humain cherche sans cesse à corrompre par ses ruses et ses tromperies les institutions les plus saintes, si le Pasteur vient à remarquer qu’il s’est glissé sur ce point quelque erreur parmi le peuple, il fera tous ses efforts pour le corriger, conformément au décret du Concile de Trente. Et même si les circonstances le permettent, il devra expliquer le décret lui-même. Ainsi il apprendra aux ignorants et à ceux qui ne comprennent pas le but de l’institution des images, qu’elles ont pour objet de nous faire connaître l’histoire des deux testaments, et de nous en renouveler de temps en temps le souvenir, afin que la pensée des bienfaits de Dieu nous excite à L’honorer davantage et augmente dans nos cœur s le feu de l’amour que nous avons pour Lui. Le Pasteur montrera aussi que si l’on place dans nos temples les images des Saints, c’est afin que nous honorions ceux qu’elles représentent, et que, avertis par leur exemple, nous soyons capables de former sur eux notre vie et nos mœurs.

§ VIII. – MOTIFS d’OBSERVER LA LOI : RECOMPENSES ET CHATIMENTS

« Je suis le Seigneur votre Dieu, le Dieu fort et jaloux, qui poursuis l’iniquité des pères dans les enfants jusqu’à la troisième et quatrième génération de ceux qui me haïssent ; et qui fais miséricorde jusqu’à mille générations à ceux qui M’aiment et qui gardent mes préceptes. »

Il y a deux choses, dans cette dernière partie du premier Commandement. qui demandent à être expliquées avec grand soin.

La première, c’est que la menace ici accompagne très justement le précepte, parce que la violation de ce premier Commandement est le plus grand des crimes, et que les hommes sont très portés à le commettre. Cependant la question des peines est l’appendice obligé de tous les préceptes. Il n’y a pas de loi en effet qui n’ait ses châtiments et ses récompenses pour amener les hommes à observer ses prescriptions. Voilà pourquoi on rencontre si souvent dans l’Ecriture Sainte tant de promesses de la part de Dieu. Et sans nous arrêter aux témoignages presque innombrables que nous trouverions dans l’Ancien testament, méditons ceux que l’Evangile nous fait lire: (Matth., 19, 17.) « Si vous voulez entrer dans la vie, observez les Commandements. » Et ailleurs: (Id., 7, 21.) « Celui-là entrera dans le Royaume des Cieux qui fait la volonté de mon Père qui est dans le ciel. » (Id., 3, 10 et 7, 19.) « Tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. » (Id.) « Quiconque se fâchera contre son frère méritera d’être condamné par le jugement. » (Id., 6, 15.) « Si vous ne pardonnez point les péchés d’autrui, votre Père ne vous pardonnera point les vôtres. »

La seconde chose, c’est qu’il faut expliquer ces paroles d’une manière bien différente, à ceux qui sont parfaits. Et à ceux qui sont encore charnels.

Les hommes parfaits, qui se laissent conduire par l’esprit de Dieu et qui Lui obéissent avec joie et empressement, reçoivent la menace de ces châtiments comme une nouvelle très agréable et comme une grande preuve de la bienveillance divine à leur égard. Ils y voient la sollicitude d’un Père plein de tendresse, qui oblige en quelque sorte les hommes, tantôt par des récompenses, tantôt par des châtiments, à L’adorer et à Le servir. Ils reconnaissent dans ce Commandement qu’Il veut bien leur faire, un effet de cette bonté infinie du Seigneur qui se sert de ses créatures pour procurer la gloire de son nom. Et non seulement ils reconnaissent en cela sa bonté, mais ils ont encore la ferme espérance qu’en ordonnant ce qu’Il veut, II leur accordera les forces nécessaires pour exécuter ce qu’Il demande.

Les hommes charnels au contraire, qui ne sont pas encore délivrés de l’esprit de servitude, et qui s’abstiennent de faire le mal plutôt par la crainte des châtiments que par l’amour de la vertu, trouvent l’appendice dont nous parlons très dur et très sévère. Le Pasteur ne manquera pas d’élever leurs âmes par de pieuses exhortations, et de les conduire comme par la main à l’accomplissement de la Loi. Au surplus, toutes les fois qu’il aura l’occasion d’expliquer quelque précepte, il devra tenir compte de ces observations.

Remarquons encore qu’il y a dans ces paroles qui terminent le premier Commandement, ce qu’on pourrait appeler deux aiguillons, capables d’exciter les hommes charnels aussi bien que les hommes spirituels à l’observation de la Loi.

Et d’abord, ces mots, « le Dieu fort, » doivent être expliqués avec d’autant plus de soin, que souvent la chair, trop peu effrayée des menaces divines, invente pour son usage différentes raisons qui la feront échapper sûrement à la colère de Dieu, et éviter ses châtiments. Mais quiconque est assuré que Dieu est le Dieu fort, redit avec David: (Ps., 138, 7.) « Où irai-je pour m’éloigner de votre esprit ? Où fuirai-je pour me dérober à votre vue ? » D’autres fois la chair se défie des promesses divines, exagère les forces de l’ennemi, et s’imagine qu’elle ne pourra jamais résister à ses efforts. Au contraire, ceux qui ont une Foi vive, ferme et solide, une Foi qui s’appuie sur la Force même et la Vertu de Dieu, sentent leur courage se ranimer et se fortifier car ils se disent à eux-mêmes: (Ps., 26, 1.) « Le Seigneur est ma lumière et mon salut. Qui craindrai-je ? »

Le second aiguillon, c’est la jalousie divine. très souvent les hommes s’imaginent que Dieu ne s’occupe point des choses humaines, pas même de notre fidélité ou de notre négligence à garder sa Loi. De là de graves désordres dans leur vie. Mais quand on est convaincu que Dieu est un Dieu jaloux, cette pensée retient facilement dans le devoir.

Toutefois la jalousie que nous attribuons à Dieu n’est point celle qui agite et trouble l’esprit. La jalousie de Dieu, c’est cet Amour, cette Charité qu’il a pour nous, et qui l’empêche de laisser jamais personne s’éloigner de Lui impunément. En effet, dit le Prophète David, (Ps., 72, 27.) « Il perd fous ceux qui Le renient »

Ainsi la jalousie dont nous parlons, n’est rien autre chose que cette justice toujours calme et sereine. qui répudie l’âme corrompue par l’erreur et les passions, et qui la repousse parce qu’elle est indigne de rester l’épouse de son Dieu. A coup sûr, elle doit nous paraître bien douce et bien agréable, cette jalousie de Dieu, puisqu’elle est une preuve assurée de l’immense, de l’incroyable Amour qu’Il a pour nous. Et comme parmi les hommes il n’y a point d’amour plus vif, d’union plus forte et plus étroite que celle qui est cimentée par le mariage, Dieu nous montre combien Il nous aime, lorsqu’il se compare si souvent, vis-à-vis de nos âmes, à un fiancé, ou à un Epoux, et s’appelle Lui-même un Epoux jaloux. C’est pourquoi le Prêtre ne manquera pas d’apprendre aux Fidèles qu’ils doivent être tellement passionnés pour tout ce qui regarde le culte et l’honneur de Dieu, qu’on puisse dire d’eux avec vérité que non seulement ils Lui sont attachés, mais même qu’ils L’aiment d’un amour de jalousie, à l’exemple de celui qui disait de lui-même: (III Rois, 19, 14.) « J’ai été rempli de zèle pour le Seigneur le Dieu des armées, » et comme Jésus-Christ Lui-même dont il est écrit: (Ps., 68, 10.) « Le zèle de votre Maison me dévore. »

Quant à la menace qui termine ce précepte, elle signifie que Dieu ne laissera point les pécheurs impunis, mais qu’Il les châtiera comme un bon Père, ou qu’Il les punira sévèrement et sans pitié comme un juge. C’est ce que nous déclare positivement Moise: (Dr., 7, 9.) « et vous saurez que le Seigneur votre Dieu est un Dieu fort et fidèle, gardant son alliance en faisant miséricorde d ceux qui L’aiment et qui gardent ses préceptes, jusqu’à mille générations, et punissant sur-le-champ ceux qui le haïssent. » C’est aussi ce que dit Josué: (Josué, 24, 19.) « Vous ne pourrez servir le Seigneur, car c’est un Dieu saint, un Dieu fort et jaloux, et Il ne pardonnera point vos crimes, ni vos péchés. Si vous abandonnez le Seigneur, et si vous servez des dieux étrangers, Il se tournera contre vous, II vous affligera et Il vous renversera. »

Mais il faut bien montrer au peuple que si Dieu, à la fin de ce premier précepte, menace de punir les méchants et les impies jusqu’à la troisième et quatrième génération, cela ne veut pas dire que tous les descendants portent toujours la peine des crimes de leurs ancêtres, mais que si les coupables et leurs enfants pèchent impunément, jamais leur postérité entière n’échappera à la colère de Dieu. Et n’évitera ses châtiments. C’est ce qui arriva pour le roi Josias. A cause de sa piété extraordinaire, Dieu l’avait épargné. Il lui avait accordé de mourir en paix, d’être enseveli dans le tombeau de ses pères et de ne pas être témoin des malheurs qui devaient bientôt tomber sur Jérusalem et la tribu de Juda, à cause des impiétés de Manassès. Mais à peine fut-il mort que la vengeance de Dieu s’exerça contre sa postérité et n’épargna pas même ses enfants.

Comment concilier maintenant ces paroles que nous venons d’expliquer avec ce qui est dit dans le prophète Ezéchiel: (Éz., 18, 4.) « C’est l’âme qui a péché qui mourra ? » Saint Grégoire, d’accord sur ce point avec tous les Pères de l’antiquité, répond admirablement: (Lib., 25. Moral. C., 31.) « Quiconque imite l’iniquité d’un père corrompu, est enchaîné à son sort ; mais quiconque n’imite point cette iniquité, n’est point accablé par le poids des crimes de son père. Ainsi le fils pervers d’un père pervers comme lui, paie non seulement pour ses fautes, mais encore pour celles de son père, puisque, aux crimes de celui-ci qu’il savait avoir provoqué le courroux du Seigneur, il n’a pas craint d’ajouter sa propre perversité. Et c’est justice que celui qui, en présence d’un Juge inflexible, ose néanmoins suivre les voies iniques de son père, soit forcé d’expier les fautes de ce père dans la vie présente. »

Enfin le Pasteur aura grand soin de rappeler combien la bonté et la miséricorde de Dieu l’emportent sur sa justice. Car si sa colère s’étend jusqu’à la troisième et quatrième génération, sa miséricorde va jusqu’à la millième.

Ces paroles, « de ceux qui Me haïssent » nous montrent toute la grandeur du péché de ceux qui transgressent ce premier Commandement. Qu’y a-t-il en effet de plus détestable et de plus odieux que de haïr la souveraine bonté. la souveraine vérité ? Or c’est ce que font tous les pécheurs. Car de même que (Jean, 14, 21.) « Celui qui a reçu les Commandements et qui les observe, aime Dieu », de même celui qui méprise la Loi de Dieu et qui n’observe point ses Commandements doit passer à bon droit pour un homme qui hait Dieu.

Quant aux mots de la fin, « à ceux qui M’aiment, » ils nous apprennent de quelle manière et pour quel motif nous devons garder la Loi. Il est nécessaire que ce soit le motif de la Charité, c’est-à-dire de l’amour même que nous avons pour Dieu. C’est ce qu’il faudra rappeler dans l’explication de chacun des Commandements.