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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre quarante-troisième — Quatrième demande de l’Oraison Dominicale

DONNEZ-NOUS AUJOURD’HUI NOTRE PAIN QUOTIDIEN

La quatrième demande, et les autres qui suivent ont pour objet spécial, et nettement exprimé, les biens propres de l’âme et du corps. Elles se rattachent de très près et logiquement aux trois précédentes. tel est en effet l’ordre et la disposition de l’Oraison Dominicale, qu’après avoir demandé à Dieu ce qui se rapporte directement à Lui, nous passons ensuite à ce qui regarde le corps et la conservation de la vie présente.

De même en effet que les hommes doivent se porter vers Dieu, comme vers leur fin dernière, de même aussi, et par une raison identique, les biens de la vie humaine sont subordonnés aux biens du ciel, et nous ne devons les désirer et les demander qu’autant que l’ordre providentiel le permet, ou bien parce qu’ils nous servent de moyens pour acquérir les biens divins, et pour atteindre le but que nous devons toujours nous proposer. Ce but, c’est notre fin dernière ; en d’autres termes, le Royaume et la Gloire du Père céleste. Et cette fin nous ne pouvons l’obtenir que par l’observation des Commandements de Dieu et de toutes ses volontés. Ainsi tout ce qui est renfermé dans cette demande, avec toute la portée qu’elle possède, nous devons le rapporter exclusivement à Dieu et à sa Gloire.

§ I. — DE QUELLE MANIÈRE IL FAUT DEMANDER LES BIENS DE LA VIE.

Les Pasteurs devront s’appliquer à bien faire comprendre aux Fidèles qu’en demandant des choses qui touchent à l’usage et à la jouissance des biens terrestres, nous devons toujours diriger notre cœur et nos désirs sur les prescriptions de Dieu, sans nous en écarter aucunement. Car c’est principalement en demandant ces biens vains et fragiles que nous tombons dans la faute que nous reproche l’Apôtre: (Rm., 8, 26.) « Nous ne savons point ce que nous devons demander ni le faire comme il faut. » II faut donc demander ces choses d’une manière convenable. Autrement, si nous les demandons mal, Dieu pourrait nous répondre (Matth., 20, 22.) « Vous ne savez pas ce que vous demandez. »

Nous possédons une marque certaine pour juger notre Prière, et savoir si elle est bonne ou mauvaise ; nous n’avons qu’à consulter notre intention et notre dessein. Ainsi demander les biens de la terre comme s’ils étaient des biens véritables, s’y arrêter et s’y reposer comme dans sa fin dernière, sans rien désirer au delà, ce n’est évidemment pas prier comme il faut. (Lib., 2 de Serm. Dom.) « En effet, dit Saint Augustin, nous ne demandons point ces choses temporelles comme des biens mais comme des besoins. » Et l’Apôtre Saint Paul, écrivant aux Corinthiens, enseigne positivement que tout ce qui regarde les nécessités de la vie, doit être rapporté à la Gloire de Dieu. (I Cor., 10, 31.) « Soit que vous mangiez, dit-il, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelqu’autre chose, faites tout pour la Gloire de Dieu. »

Afin de faire sentir aux Fidèles l’extrême nécessité de cette demande, les Pasteurs leur mettront sous les yeux. En quelque sorte, les choses dont nous avons besoin pour la nourriture et la conservation de notre vie. Et pour leur rendre cette démonstration plus sensible, ils feront bien de comparer les besoins de notre premier Père avec ceux de ses descendants. Il est vrai que dans cet état de parfaite innocence où il avait été créé, et dont il fut privé par sa faute avec toute sa postérité, il eût été obligé de recourir à la nourriture pour réparer ses forces ; mais quelle différence entre ses besoins et les nôtres ! Il ne lui fallait ni vêtements pour se couvrir, ni habitation pour s’y retirer, ni armes pour se défendre, ni remèdes pour se guérir, ni beaucoup d’autres choses qui nous sont nécessaires à nous, pour protéger notre faiblesse et notre fragilité naturelle. II lui suffisait, pour se rendre immortel, de manger le fruit précieux que l’arbre de vie lui aurait procuré sans aucun travail de lui ou de ses descendants.

Cependant, au milieu de toutes les délices de ce paradis, l’homme ne devait point rester oisif. C’était pour travailler que Dieu l’avait placé dans ce séjour du bonheur. Mais mille occupation ne lui eût été pénible, nul devoir désagréable. Il aurait recueilli perpétuellement les fruits les plus délicieux de la culture de ses heureux jardins ; ni ses espérances, ni son travail ne l’auraient jamais trompé.

Mais sa postérité n’a pas été seulement privée du fruit de l’arbre de vie, elle s’est encore vue condamnée par cette sentence effroyable: (Gn., 3, 17 et seq.) « La terre est maudite dans votre travail ; vous mangerez de ses fruits dans vos travaux tous tes jours de votre vie ; elle vous produira des ronces et des épines, et vous mangerez tes herbes de la terre: à la sueur de votre front vous vivrez de votre pain jusqu’à ce que vous retourniez à la terre d’où vous avez été tiré ; vous êtes poussière et vous retournerez en poussière. »

Il nous est donc arrivé tout le contraire de ce que nous eussions éprouvé, Adam et nous, s’il eût été fidèle au Commandement de Dieu. tout a été retourné et changé de la manière la plus déplorable. Et ce qu’il y a de plus malheureux pour nous, c’est que, très souvent, les plus grandes dépenses, les travaux les plus durs, les sueurs elles-mêmes, tout reste vain et sans résultat. Les grains confiés à une terre ingrate sont étouffés par les mauvaises herbes qui les couvrent, ou bien ils périssent détruits par les pluies, le vent, la grêle, la chaleur ou la rouille, de sorte que l’on voit le labeur de toute une année réduit à rien en un instant par quelque injure de l’air ou des saisons. Malheur trop mérité, par l’énormité de nos fautes qui éloignent Dieu de nous, et L’empêchent de bénir nos efforts. Ainsi s’accomplit la terrible sentence prononcée contre nous dés le commencement.

Les Pasteurs voudront bien insister sur ce point, afin que les Fidèles n’ignorent pas que c’est par leur faute que les hommes éprouvent ces maux et ces calamités ; afin qu’ils comprennent aussi que si d’une part il faut travailler et souffrir pour se procurer les choses nécessaires à la vie, de l’autre toute espérance sera trompeuse, tout effort inutile, si Dieu ne bénit nos travaux. Car ni celui qui plante, n’est quelque chose, ni celui qui arrose ; mais Dieu qui donne l’accroissement (I Cor., 3, 7.). Et: si Dieu Lui-même ne bâtit point la maison, ceux qui l’élèvent travaillent en vain (Ps., 126, 1.).

C’est pourquoi les Pasteurs enseigneront que nous avons besoin d’une multitude de choses, soit pour conserver notre vie, soit pour la passer d’une manière agréable. Lorsque les Fidèles auront conscience de ces besoins et de l’infirmité de notre nature, ils se sentiront obligés de recourir au Père céleste, et de Lui demander humblement les biens de la terre et du ciel, ils imiteront l’enfant prodigue qui, pressé par le besoin dans une contrée lointaine, et ne trouvant personne pour apaiser sa faim, même en lui donnant la plus vile nourriture, rentra enfin en lui-même et comprit qu’il ne trouverait qu’auprès de son Père le remède à ses maux.

Mais ce qui augmentera encore la confiance des Fidèles dans cette Prière, ce sera de penser que Dieu, dans sa Bonté infinie, est toujours attentif à la voix de ses enfants. Et de fait, puisqu’il nous exhorte à Lui demander notre pain, n’est-ce pas une véritable promesse qu’Il nous fait de l’accorder en abondance à tous ceux qui le demanderont comme il convient ? en nous apprenant à prier, Il nous exhorte à le faire ; en nous exhortant, II nous y porte ; en nous y portant Il promet, et en promettant Il fait naître en nous l’espérance certaine d’être exaucés.

Après avoir excité et enflammé l’ardeur des Fidèles, le Pasteur ne manquera pas de leur expliquer ensuite ce que l’on sollicite comme fruit de cette demande, et d’abord quel est ce pain que nous demandons.

§ II. — NOTRE PAIN QUOTIDIEN.

Ce nom de pain, dans la sainte Ecriture, signifie beaucoup de choses, mais spécialement les deux suivantes premièrement tout ce qui sert à notre nourriture, et en général à tous les besoins du corps, secondement toutes les grâces que Dieu nous accorde pour la vie de notre âme et pour notre salut.

C’est sur l’autorité des saints Pères, très affirmatifs sur ce point, que nous demandons tout ce qui est nécessaire pour notre vie terrestre. Il ne faut donc pas écouter ceux qui prétendent qu’il n’est pas permis à des Chrétiens de demander à Dieu les biens matériels de cette vie. C’est une erreur combattue par tous les saints Pères, et contraire à un grand nombre d’exemples de l’Ancien et du nouveau testament. Ainsi Jacob, en faisant son vœu, disait: (Gn., 28, 20.) « Si le Seigneur est avec moi, qu’Il me garde dans la route que je fais, et qu’Il me donne du pain pour me nourrir et des vêtements pour m’habiller, et que je retourne heureusement à la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu, et cette pierre que j’ai élevée pour témoignage sera appelée maison de Dieu, et je Lui ofrirai la dfme de tout ce, qu’Il m’aura donné. »

Salomon demandait aussi ce qui est nécessaire à la vie matérielle, lorsqu’il faisait cette Prière: (Prov., 30, 8.) « Ne me donnez ni la pauvreté, ni les richesses, mais accordez-moi seulement les choses nécessaires pour ma subsistance. »

Et notre Sauveur Lui-même ne nous ordonne-t-Il pas de demander des choses dont personne n’oserait nier qu’elles se rapportent à la vie du corps ? Priez, disait-il (Matth., 24, 20.), que votre fuite n’arrive pas en hiver, ni le jour du Sabbat. Que dirons-nous de Saint Jacques, dont voici les paroles: (Jacq., 5, 13.) « Si quelqu’un de vous est triste, qu’il prie ; s’il est dans la joie, qu’il chante. » Que dirons-nous enfin de l’Apôtre Saint Paul, qui parlait ainsi aux Romains: (Rm., 15, 30.) « Je vous conjure, mes Frères, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, et par la Charité du Saint-Esprit, de m’aider dans vos Prières pour moi auprès de Dieu, afin que je sois délivré des infidèles qui sont en Judée. »

Ainsi donc, puisque Dieu permet aux Fidèles de Lui demander le secours des biens temporels, et que d’autre part Notre-Seigneur nous a laissé une formule de prières qui renferme tous nos besoins, il est impossible de douter que sur les sept demandes, il n’y en ait une pour ces sortes de biens.

Nous demandons le pain quotidien, c’est-à-dire ce qui est nécessaire à la vie, et par là nous devons entendre les vêtements pour nous couvrir et les aliments pour nous nourrir, quelle que soit d’ailleurs cette nourriture, pain ; viande, poisson ou toute autre chose. C’est dans ce sens que nous voyons ce mot employé par le Prophète Elisée, lorsqu’il avertit le Roi d’Israël de fournir du pain aux soldats Assyriens: car on leur donna toutes sortes d’aliments en abondance. Voici également ce que nous lisons de Jésus-Christ: (Luc, 14, 1.) « Il entra un jour de Sabbat dans la maison de l’un des principaux Pharisiens pour y manger le pain, » c’est-à-dire pour y prendre un repas, lequel se compose du boire et du manger.

Mais pour bien marquer le sens précis de cette demande, il ne faut point perdre de vue que par ces mots de pain nous entendons signifier non des mets et des vêtements recherchés et nombreux mais seulement le simple nécessaire.

C’est la pensée de l’Apôtre Saint Paul, dans ce passage (I Tim., 6, 8.) « ayant de quoi nous nourrir et nous vêtir, soyons, contents ». Et Salomon que nous avons déjà cité, ne demandait pas autre chose: (Prov., 30, 8.) « donnez-moi seulement, disait-il ce qui est nécessaire pour sa subsistance »

Le mot notre qui accompagne celui de pain nous rappelle aussi cette modération et cette frugalité dont nous parlons. En effet, lorsque nous disons notre pain, nous demandons positivement le pain de la nécessité, et non pas le pain du luxe. Et il faut remarquer de plus que nous disons notre, non point parce que nous pouvons nous le procurer par notre travail et sans le secours de Dieu — car toutes les créatures, dit David en s’adressant à Dieu, attendent que Vous leur donniez leur nourriture au temps marqué. Vous la donnerez, et elles la recevront ; Vous ouvrirez votre main, et elles seront toutes rassasiés de vos biens. Ailleurs il dit encore: les yeux de toutes les créatures espèrent en vous, Seigneur, et Vous leur donnez leur nourriture au temps convenable — nous disons notre pain, parce qu’il nous est nécessaire, et que Dieu seul nous le donne, Dieu qui est le Père de toutes choses et qui nourrit tous les êtres animés par sa sainte Providence.

Nous l’appelons encore notre, ce pain, parce que nous ne devons l’acquérir que par des moyens légitimes, et ne pas nous le procurer par l’injustice, la fraude, ou le vol. Ce que nous obtenons par des voies coupables, n’est point à nous, mais aux autres ; et trop souvent de graves ennuis en accompagnent l’acquisition, ou la possession ou à coup sûr la perte. Au contraire les richesses honnêtement acquises par le travail sont, au témoignage du Prophète, une source de paix et de grande satisfaction pour les gens vertueux. « Parce que vous vous nourrirez du travail de vos mains, dit-il (Ps., 127, 2.), vous serez heureux et comblés de biens. » C’est qu’en effet Dieu dans sa Bonté promet de bénir et de faire fructifier le travail de ceux qui ne voient dans leurs fatigues quotidiennes que le moyen providentiel de gagner leur vie. « Le Seigneur, est-il dit dans nos Saints Livres (Dr., 28, 8.), versera ses bénédictions sur vos celliers, et sur tous les ouvrages de vos mains, et Il vous bénira. » Et non seulement nous demandons à Dieu qu’Il nous permette d’user de ce que nous avons acquis grâce à Lui, par nos sueurs et notre énergie — et qu’à ce titre nous appelons vraiment notre — mais encore nous Lui demandons la bonne disposition du cœur qui nous fera user avec sagesse et légitimement de ce que nous aurons légitimement acquis.

Quotidien. Ce mot nous rappelle aussi cette frugalité et cette modération dont nous pariions tout à l’heure. nous ne demandons ni la variété, ni la délicatesse des mets, mais uniquement ce qui est nécessaire aux besoins de la nature. nous ne craignons pas de faire rougir de honte certaines personnes qui dédaignent une nourriture et une boisson communes, et sont toujours en quête de ce qu’il y a de pies exquis dans les aliments et dans les vins.

Ce même mot: quotidien, n’est-il pas aussi la condamnation de ceux à qui s’adressent ces terribles menaces d’Isaïe: (Is., 5, 8.) « Malheur à vous, qui joignez une maison à une autre, un champ à un autre, jusqu’à l’extrémité du pays où vous êtes ? est-ce que vous habiterez seuls au milieu de la ferre ? » Ces hommes en effet, sont d’une avidité insatiable ; et c’est d’eux que Salomon disait:. (Eccl., 5, 9.) « L’avare ne sera jamais rassasié d’or », et Saint Paul: (I Tim., 6, 9.) « Ceux qui veulent devenir riches tomberont dans la tentation et dans les filets du démon. »

Nous appelons encore ce pain quotidien, parce que nous nous en nourrissons, pour réparer le principe vital qui se consume tous les jours par l’effet de la chaleur naturelle.

Enfin, une dernière raison de nous servir de ce mot quotidien, c’est que nous devons demander ce pain tous les jours, afin de nous retenir dans l’habitude d’aimer et d’adorer Dieu tous les jours, et de nous convaincre absolument de cette vérité essentielle, que notre vie et notre salut dépendent entièrement de Dieu.

§ III. — DONNEZ-NOUS AUJOURD’HUI.

Donnez-nous. Dans ces deux simples mots, quelle abondante matière offerte aux Pasteurs pour exhorter les Fidèles à honorer et à respecter, avec toute la piété possible, l’infinie Puissance de Dieu qui dispose de tout absolument. Et à détester le crime exécrable de Satan, l’orgueilleux et le menteur qui osa dire à Jésus-Christ: (Luc, 4, 6.)« Toutes choses m’ont été livrées, et je les donne à qui je veux. » Car c’est le seul bon plaisir de Dieu qui distribue, qui conserve, et qui augmente tout.

Mais, dira-t-on, pourquoi imposer aux riches la nécessité de demander leur pain quotidien, puisqu’ils sont dans l’abondance de toutes choses ? C’est, répondons-nous, non afin qu’ils obtiennent des biens dont la bonté de Dieu les a comblés, mais afin qu’ils ne les perdent point. Au surplus c’est pour eux que l’Apôtre Saint Paul a écrit: (I Tim., 6, 17.) « Que les riches ne devaient point être orgueilleux, ni mettre leur confiance dans l’incertain des richesses, mais dans le Dieu vivant qui nous donne abondamment de quoi fournir à nos besoins. » Une autre raison que donne Saint Chrysostome, de la nécessité de cette Prière: (Hom., 14.) « C’est que nous devons demander, non pas seulement que la nourriture nous soit donnée, mais qu’elle nous soit donnée par la main du Seigneur qui, en lui communiquant une vertu bienfaisante et tout à fait salutaire, fait que cette nourriture profite au corps, et que le corps sert l’âme. »

Mais pourquoi disons-nous: donnez-nous, au pluriel, et non pas: donnez-moi ? Parce que c’est le propre de la Charité chrétienne, que chacun ne songe pas seulement à soi-même, mais qu’il s’intéresse aussi au prochain, et qu’en s’occupant de ses propres intérêts, il se souvienne aussi de ceux des autres. Joignez à cela que lorsque Dieu accorde des avantages à quelqu’un, ce n’est pas pour que celui-là en profite seul, ou qu’il en jouisse avec intempérance, mais pour qu’il distribue aux autres son superflu (Hom., 14 et Hom., 6.). « Car, disent Saint Basile et Saint Ambroise, C’est le pain de ceux qui ont faim que vous retenez, c’est le vêtement de ceux qui sont nus que vous cachez, et cet argent que vous enfouissez dans la terre, c’est le rachat, c’est la délivrance des malheureux. »

Aujourd’hui. Ce mot nous avertit tous de notre commune faiblesse. Car quel est l’homme qui, même s’il n’espère pas pouvoir par ses seules ressources s’assurer pour un temps un peu long les choses nécessaires à la vie, ne se flatterait du moins de se suffire à lui-même durant l’espace d’un jour ? et cependant Dieu n’autorise pas cette confiance en nous, puisqu’Il nous a fait un commandement de Lui demander notre pain de tous les jours. Et ceci est fondé sur cette raison capitale, qu’ayant tous et chaque jour besoin de nourriture, chaque jour aussi nous devons tous la demander dans l’Oraison Dominicale.

Voilà ce@ que nous avions à dire du pain matériel qui nourrit et soutient le corps, qui est commun aux Fidèles et aux infidèles, aux justes et aux impies, qui est distribué à tous par l’admirable bonté de Dieu, « qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et qui fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » (Matth., 5, 45.)

§ IV. — DU PAIN SPIRITUEL.

Reste le Pain spirituel dont nous avons également à parler ici. Or, ce Pain signifie et comprend tout ce don nous avons besoin en cette vie pour le salut et la sanctification de notre âme. Car de même qu’il y a différente espèces d’aliments propres à nourrir notre corps, de même aussi il existe plus d’un. genre de nourriture capable d’entretenir la vie de l’esprit et de l’âme.

Et d’abord la Parole de Dieu est véritablement une nourriture de l’âme. « Venez, dit la Sagesse (Prov., 9, 5.), mangez mon Pain et buvez le Vin que j’ai préparé pour vous. »

Et lorsque Dieu enlève aux hommes le bienfait de sa Parole — ce qu’Il fait ordinairement pour les punir de quelque grand crime — on dit alors qu’Il les afflige par la famine. Ecoutons le Prophète Amos: (Am., 8, 11.) « J’enverrai la famine sur la terre ; non la famine du pain, ni la soif de l’eau, mais celle de la parole de Dieu. »

Et comme c’est un signe certain de mort prochaine de ne pouvoir plus prendre de nourriture, ou de ne plus supporter celle que l’on a prise, ainsi c’est une marque presque certaine d’éternelle réprobation de ne point rechercher la Parole de Dieu, de ne la point supporter, lorsqu’on l’entend, et d’oser répéter à Dieu ces paroles épouvantables (Job, 21, 14.) « Retirez-Vous de nous, nous n’avons que faire de connaître la science de vos voies. »

On trouve cet aveuglement, cette fureur insensée, chez ceux qui abandonnent leurs chefs légitimes, c’est-à-dire les Evêques et les Prêtres, qui se séparent de la sainte Eglise Romaine, pour se faire les disciples des hérétiques qui ne savent que corrompre la Parole de Dieu. Ensuite Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même est ce Pain qui est vraiment la nourriture de l’âme. n’a-t-il pas dit Lui-même: (Jean, 6, 41.) « Je suis le pain vivant descendu du ciel » ? et il est impossible d’imaginer la joie et le bonheur que ce Pain surnaturel procure aux âmes pieuses, même lorsqu’elles sont aux prises avec les plus grands chagrins et les plus cruels mécomptes. nous le voyons par l’exemple des saints Apôtres dont il est dit: (Act., 5, 41.) « qu’ils sortirent du conseil, et s’en allèrent pleins de joie. » Les vies des Saints sont remplies de traits semblables ; et Dieu Lui-même, en parlant de ces délices intérieures des âmes justes, nous dit: (Ap., 2, 17.) « Je donnerai au vainqueur une manne cachée. »

Mais c’est principalement dans le Sacrement de l’Eucharistie, où il est substantiellement présent, que notre Seigneur Jésus-Christ est, à proprement parler, notre Pain, [le Pain de nos âmes]. Et c’est lorsqu’Il était sur le point de retourner à son Père qu’Il nous donna ce gage incompréhensible de son amour, dont Il a dit Lui-même: (Jean, 6, 57.) « Celui qui mange ma Chair et qui boit mon Sang, demeure en Moi, et Moi en lui ; (Matth., 26, 26.) venez et mangez, ceci est mon Corps. »

Pour l’utilité et l’instruction des Fidèles, les Pasteurs feront bien, sur le point qui nous occupe, de consulter le chapitre de ce catéchisme, où nous traitons séparément de la nature et de la vertu de l’Eucharistie.

Ce Pain, que nous appelons notre Pain n’est cependant que le Pain des Fidèles, c’est-à-dire de ceux qui, remplis de Foi et de Charité, effacent les souillures de leurs péchés dans le sacrement de Pénitence, et qui, se gardant bien d’oublier qu’ils sont les enfants de Dieu, honorent et reçoivent ce divin Sacrement avec toute la piété et le respect dont ils sont capables.

Mais pourquoi Jésus-Christ est-il notre Pain quotidien ? en voici deux raisons excellentes: La première, c’est que chaque jour, dans les sacrés Mystères de l’Eglise, on L’offre à Dieu, et on Le distribue à ceux qui Le demandent avec innocence et piété. La seconde, c’est que. nous devrions chaque jour prendre cette nourriture, ou tout au moins vivre de telle sorte que nous puissions tous les jours nous en nourrir, si cela nous était possible. Ecoutez, vous qui prétendez que l’on ne doit prendre cette nourriture de l’âme qu’à de longs intervalles, écoutez Saint Ambroise: (Lib., 5, de Sac. c., 4.) « Si c’est un Pain quotidien, dit-il, pourquoi ne le mangez-vous qu’une fois l’an ? »

Mais, en expliquant cette demande, l’un des points sur lesquels il importe le plus de donner une conviction aux Fidèles, c’est que, après avoir employé toute leur sagesse et toute leur habileté pour se procurer les choses nécessaires à la vie, ils doivent en remettre le succès à Dieu, et régler leurs désirs sur sa Volonté. Car Dieu, dit le Prophète (Ps., 54, 23.), ne laissera point le juste dans une éternelle agitation. En effet, ou bien Dieu leur accordera ce qu’ils Lui demandent, et alors leurs désirs seront satisfaits ; ou bien Il ne l’accordera pas, et alors ils auront une preuve manifeste qu’il n’y avait rien ni de salutaire ni d’utile dans ce qu’Il aura refusé à ses justes. Car Il a bien plus de sollicitude pour leur salut, qu’ils ne peuvent en avoir eux-mêmes. Les Pasteurs, pour développer davantage cette considération et la mettre en lumière, pourront consulter avec fruit la remarquable lettre de Saint Augustin à Proba.

Enfin, nous terminons ce que nous avions à dire sur cette quatrième demande, en rappelant aux riches qu’ils doivent rapporter à Dieu, de qui ils les tiennent, leur fortune et leurs grandes ressources, et ne jamais oublier qu’ils n’ont été comblés de tous ces biens que pour en faire part aux indigents. Ainsi l’enseigne l’Apôtre Saint Paul dans sa première épître à Timothée. Les Pasteurs n’ont qu’à la consulter ; ils y trouveront en abondance tout ce dont ils ont besoin, pour expliquer clairement aux Fidèles un si important sujet.