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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre cinquième — Du quatrième article du Symbole

QUI A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE, A ÉTÉ CRUCIFIÉ, EST MORT, ET A ÉTÉ ENSEVELI.

Pour montrer combien la connaissance de cet article est nécessaire, et avec quel zèle le Pasteur doit exhorter les Fidèles à se rappeler le plus souvent possible la Passion du Sauveur, il suffit de citer ces paroles du grand Apôtre dans lesquelles (I Cor., 2, 2.) il fait profession de ne savoir rien autre chose que Jésus-Christ crucifié. Le Pasteur devra donc employer tous ses soins et tous ses efforts à bien faire ressortir cette vérité, afin que le souvenir d’un si grand bienfait fasse impression sur les Fidèles et les porte à reconnaître et à admirer sans réserve la bonté et l’amour de Dieu pour nous.

§ I. — QUI A SOUFFERT SOUS PONCE-PILATE

La première partie de cet article (on parlera de la seconde un peu plus loin) nous propose à croire que notre Seigneur Jésus-Christ a été crucifié dans le temps où Ponce Pilate gouvernait la Judée, au nom de l’empereur tibère. En effet Il fut arrêté, accablé de railleries et d’injures, tourmenté de diverses manières, et enfin attaché à une croix. Et il n’est pas permis de douter que son âme, dans sa partie inférieure, n’ait été sensible à ces tourments. Car par le seul fait qu’Il avait revêtu la nature humaine, nous sommes obligés de reconnaître qu’Il ressentit dans son âme la plus vive douleur. Aussi dit-il Lui-même: (Matth., 26, 38 ; Marc, 14, 34.) mon âme est triste à en mourir. Sans doute la nature humaine se trouvait unie en Lui à une personne divine, mais il n’en est pas moins vrai qu’Il souffrit toute l’amertume de sa Passion, comme si cette union n’avait pas existé. Les propriétés des deux natures furent conservées dans la Personne unique de Jésus-Christ. Par conséquent ce qui, en Lui, était passible et mortel, demeura passible et mortel ; et ce qui était impassible et immortel, c’est-à-dire la nature divine, ne perdit rien de ses qualités essentielles.

Quant au soin particulier avec lequel on a voulu rappeler ici que Jésus-Christ souffrit dans le temps où Ponce Pilate gouvernait la Judée, réduite en province romaine, le Pasteur ne manquera pas d’en donner la raison ; c’est que la connaissance d’un événement si considérable, et en même temps si nécessaire pour l’humanité, devenait beaucoup plus facile pour tous, en précisant l’époque certaine de son accomplissement. C’est ce que l’Apôtre Saint Paul avait fait. (I Tim., 6, 13.) De plus, il faut voir dans ces paroles l’accomplissement de cette prophétie du Sauveur disant de Lui-même: (Matth., 20, 19.) Ils le livreront aux Gentils pour être outragé, flagellé et crucifié.

Ce fut également par un conseil particulier de Dieu qu’Il voulut mourir sur une croix. Ne fallait-il pas que la vie nous revînt par où la mort nous était venue ? (Préf. Pass.) Le serpent qui avait triomphé de nos premiers parents avec le fruit d’un arbre, fut vaincu à son tour par Jésus-Christ sur l’arbre de la Croix. Les Saints Pères ont longuement développé un bon nombre de raisons que nous pourrions reproduire, pour faire comprendre toutes les convenances de ce genre de mort, plutôt que tout autre. Mais le Pasteur avertira les Fidèles qu’il leur suffit de croire que Jésus-Christ a choisi la Croix pour y mourir, parce qu’il la trouvait la plus convenable et la mieux appropriée à la Rédemption du genre humain. En effet, il n’y avait rien de plus honteux ni de plus humiliant. Et ce n’étaient pas seulement les païens qui regardaient ce supplice comme abominable, et Plein de honte et d’infamie ; la loi de Moïse elle-même prononçait l’anathème contre celui qui est pendu au bois. (Dr., 21, 23. ; Gal., 3, 13)

Le Pasteur n’oubliera pas non plus de raconter l’histoire des souffrances de Jésus-Christ, si soigneusement décrites par les Évangélistes. tout au moins il fera connaître aux Fidèles les points principaux de ce mystère, c’est-à-dire ceux qui semblent plus nécessaires pour confirmer la vérité de notre Foi. C’est sur cet article en effet, que la Foi et la Religion chrétienne reposent comme sur leur base. Si l’on a soin de bien l’établir, tout le reste se soutient parfaitement. Car si l’esprit humain trouve ailleurs des difficultés, c’est sans contredit dans le mystère de la Rédemption qu’il en rencontre le plus. nous avons peine à concevoir que notre salut dépende de la Croix et de Celui qui s’y laissa clouer pour notre amour. Mais c’est en cela même, selon l’enseignement de l’Apôtre, qu’il faut admirer la souveraine Providence de Dieu. Car (I Cor., 1, 21.) voyant que le monde, avec sa sagesse, ne L’avait point reconnu dans les œuvres de sa divine Sagesse, il lui a plu de sauver par la folie de la prédication ceux qui croiraient. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris que les Prophètes, avant son arrivée dans le monde et les Apôtres, après sa Mort et sa Résurrection, aient fait tant d’efforts pour persuader aux hommes que Jésus-Christ est leur Rédempteur, et pour les amener à reconnaître la puissance de ce Crucifié, et à Lui obéir.

On peut dire que le mystère de la Croix, humainement parlant, est plus que tout le reste, en dehors des conceptions de la raison ; voilà pourquoi, depuis le péché d’Adam, Dieu n’a point cessé d’annoncer la mort de son Fils, tantôt par des figures, tantôt par des oracles de ses Prophètes. Ainsi, pour dire un mot des figures, Abel (Gn., 4, 8.) tué par la jalousie de son frère, Isaac (Gn., 22, 6, 7, 8) offert par son père en sacrifice, l’agneau (Ex., 12, 5, 6, 7.) immolé par les Hébreux à leur sortie d’Égypte, le serpent (Nb., 21, 8, 9.) d’airain que Moïse fit élever dans le désert, voilà bien autant de figures qui représentaient par avance la Passion et la Mort de notre Seigneur Jésus-Christ ! Quant aux Prophètes, presque tous les ont prédites ; et leurs prophéties sont trop connues pour que nous ayons à les rapporter ici. Mais outre celles de David (Ps., 2 ; 21 ; 68 ; 109.), qui a embrassé dans ses Psaumes tous les mystères de notre Rédemption, est-il possible d’en trouver de plus claires et de plus évidentes que celles d’Isaïe ? (Is., 53, 7.) et ne dirait-on pas que ce voyant raconte des faits accomplis, bien plus qu’il ne prophétise des événements futurs ? (Hier., Ep., ad Paul.)

§ II. — EST MORT, ET A ÉTÉ ENSEVELI.

(Matth., 27, 50. ; Marc, 15, 37. ; Luc, 23, 46. ; Jean, 19, 30.)

Le Pasteur enseignera que ces paroles nous obligent à croire que Jésus-Christ, après avoir été crucifié, mourut véritablement et fut enseveli. Et ce n’est pas sans raison que les Apôtres ont fait de cette vérité un article spécial de leur Credo. Car il s’est trouvé des hommes, et en certain nombre, pour soutenir que notre Seigneur n’était pas mort sur la Croix. Les Apôtres, ces personnages si saints et si vénérables, ont donc fait preuve de sagesse en établissant ce point particulier de notre Foi pour repousser cette erreur. Du reste, l’authenticité du fait ne laisse aucune place au doute. tous les Évangélistes sont d’accord pour dire que Jésus-Christ rendit l’esprit. Au surplus, notre Sauveur étant vraiment et parfaitement homme pouvait par là même mourir véritablement. Or l’homme meurt, lorsque son âme se sépare de son corps. Ainsi lorsque nous disons que Jésus-Christ est mort, nous entendons que son âme a été séparée de son Corps. Mais nous n’admettons pas que la Divinité en ait été séparée. non, car nous croyons fermement, au contraire, et nous faisons profession de croire qu’après la séparation du Corps et de l’Âme, la divinité demeura inviolablement unie au Corps dans le sépulcre, et à l’Ame dans les enfers. Or (Hébr., 2, 14) Il convenait que le Fils de Dieu mourût, afin que par sa mort, Il détruisît celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire le démon, et qu’Il délivrât ceux que la crainte de la mort tenait pendant toute la vie dans un état de servitude.

Mais ce qu’il y a d’extraordinaire dans la Mort de Jésus-Christ, c’est qu’Il mourut précisément en Maître de la mort, au moment même où Il avait décrété de mourir, et de plus que sa mort fut l’effet de sa volonté, et non de la violence de ses ennemis. Il avait, en effet, non seulement réglé et arrêté sa mort, mais encore Il en avait fixé le lieu et le moment. Isaïe avait dit de Lui: (Is.,53, 7.) Il a été offert (c’est-à-dire immolé), parce qu’Il l’a voulu. Lui-même, avant sa Passion disait à son tour: (Jean, 10, 18.) Je laisse mon âme pour la reprendre de nouveau. Personne ne Me l’enlève mais je la quitte de Moi-même. J’ai le pouvoir de la quitter, et J’ai le pouvoir de la reprendre. Et pour le temps et le lieu de sa mort, voici comment Il s’en explique lorsque Hérode Lui tendait des embûches pour Le faire périr: (Luc, 13, 32, 33.) Allez dire à ce renard — Je chasse les démons, et J’opère des guérisons aujourd’hui et demain et le troisième jour Je mourrai. Et cependant il faut que Je marche aujourd’hui et demain et le jour suivant: car il ne faut pas qu’un Prophète périsse hors de Jérusalem.

Ce ne fut donc ni malgré Lui ni par contrainte, ce fut au contraire par sa pleine volonté qu’Il s’offrit Lui-même, et qu’il dit en s’avançant vers ses ennemis: (Jean, 18, 5.) c’est Moi ! et ce fut de son plein gré qu’Il endura tous les tourments injustes et cruels dont ils L’accablèrent.

Rien n’est plus capable de nous émouvoir et de nous toucher profondément que le souvenir et la méditation de toutes ses souffrances et de toutes ses tortures. Si quelqu’un avait souffert pour nous toutes sortes de douleurs, non pas volontairement, mais par nécessité et par contrainte, peut-être pourrions-nous ne voir dans ces souffrances qu’un bienfait relatif. Mais au contraire, s’il s’agissait de quelqu’un qui, pour nous, uniquement pour nous, aurait bien voulu souffrir la mort de son plein gré, et lorsqu’Il pouvait s’y soustraire, ce trait de bonté serait si beau et si grand, que le cœur le plus reconnaissant, non seulement ne saurait exprimer, mais même ressentir, toute la gratitude qu’Il mériterait. Quelle est donc l’excellence de la charité de Jésus-Christ envers nous, et comment mesurer tout ce qu’il y a d’immense et de divin dans le bienfait de la Rédemption ?

Nous confessons ensuite qu’Il a été enseveli. Mais nous ne considérons pas ces paroles comme une vérité particulière qui offrirait des difficultés nouvelles, après les explications que nous avons données sur sa mort. En effet dès lors que nous croyons que Jésus-Christ est véritablement mort, il n’est plus difficile de nous persuader qu’Il a été enseveli. Si donc on a ajouté ces mots, c’est d’abord afin de supprimer tout prétexte de doute sur sa mort, car l’une des plus grandes preuves de la mort d’un homme, c’est le fait même de sa sépulture. C’est en second lieu afin de rendre plus sensible et plus éclatant le miracle de sa Résurrection.

Mais par ces paroles nous ne reconnaissons pas seulement que le Corps de Jésus-Christ a été enseveli, nous admettons de plus, et surtout ainsi que l’Église nous le propose à croire (Matth., 27, 60. ; Marc, 15, 46. ; Luc, 23, 53 ; Jean, 19, 38.), que c’est un Dieu qui a reçu la sépulture, comme nous disons en toute vérité, selon la règle de la Foi catholique, que Dieu est mort, que Dieu est né d’une Vierge. Et de fait, puisque la Divinité de Jésus-Christ n’a pas été séparée de son Corps renfermé dans le tombeau, nous avons le droit de dire que Dieu a été enseveli.

En ce qui regarde le genre et le lieu de cette sépulture, le Pasteur se contentera du texte des saints Évangiles. toutefois il fera ici deux observations très importantes: la première, que le Corps de Jésus-Christ dans le tombeau fut exempt de toute corruption, ainsi que le Prophète l’avait annoncé en ces termes: (Ps., 15, 10. ; Act., 2, 31.) Vous ne permettrez point, Seigneur, que votre Saint éprouve la corruption. La seconde, c’est que toutes les parties de cet article, la Sépulture, la Passion et la Mort ne conviennent à Jésus-Christ qu’en tant qu’Il est homme, et non en tant qu’Il est Dieu. Car la souffrance et la mort sont le triste apanage de la nature humaine. Cependant ces choses sont attribuées à Dieu dans le Symbole, parce qu’il est clair qu’on peut les dire avec raison de la Personne qui est tout à la fois Dieu parfait et homme parfait.

§ III. — CAUSES DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.

Ces vérités ainsi exposées, les Pasteurs auront soin de développer, sur la Passion et la mort de Jésus-Christ, certaines considérations propres à faire méditer aux Fidèles, la profondeur d’un si grand mystère.

Et d’abord, ils diront quel est Celui qui a enduré toutes ces souffrances. C’est Celui dont la dignité est telle que nous ne pouvons ni la comprendre ni l’expliquer -, Celui dont Saint Jean a dit (Jean, 1, 1.) qu’Il est le Verbe qui était en Dieu ; Celui dont l’Apôtre Saint Paul a fait ce magnifique éloge (Hébr., 1, 2, 3.), qu’il a été établi de Dieu héritier de toutes choses, que les siècles ont été faits par Lui ; qu’Il est la splendeur de la gloire et le caractère de la substance du Père ; qu’Il soutient tout par la parole de sa Puissance, qu’Il nous a purifiés de nos péchés, et qu’en conséquence, Il est assis à la droite de la Majesté suprême, au plus haut des cieux. Et, pour tout dire en un mot, Celui qui a souffert pour nous, c’est Jésus-Christ, Dieu et homme tout ensemble. Oui, c’est le Créateur qui souffre pour ses créatures ; c’est le Maître qui souffre pour ses esclaves. C’est Celui qui a créé les Anges, les hommes, le ciel et tous les éléments, enfin (Rm., 11, 36) Celui en qui, par qui, et de qui toutes ces choses subsistent. Il ne faut donc pas nous étonner que lorsque l’Auteur de la nature fut si violemment agité par tant de tourments, l’édifice tout entier n’ait été ébranlé, et que, selon le récit de l’Ecriture, (Matth., 27, 51.) la terre ait tremblé, que les rochers se soient fendus, que les ténèbres aient couvert toute la surface de la terre, et que le soleil se soit obscurci. Mais si ces créatures muettes et insensibles ont pleuré la mort de leur Créateur, quelles larmes ne doivent pas verser les Fidèles, et de quelle douleur ne doivent-ils pas être pénétrés, eux qui sont (Luc, 23, 44.) les pierres vivantes de la maison de Dieu ?

Il faut ensuite exposer les causes de la Passion, afin de rendre plus frappantes encore la grandeur et la force de l’Amour de Dieu pour nous. Or, si on veut chercher le motif qui porta le Fils de Dieu à subir une si douloureuse Passion, on trouvera que ce furent, outre la faute héréditaire de nos premiers parents, les péchés et les crimes que les hommes ont commis depuis le commencement du monde jusqu’à ce jour, ceux qu’ils commettront encore jusqu’à la consommation des siècles. En effet le Fils de Dieu notre Sauveur eut pour but dans sa Passion et dans sa Mort de racheter et d’effacer les péchés de tous les temps, et d’offrir à son Père pour ces péchés une satisfaction abondante et complète.

Il convient d’ajouter, pour donner plus de prix à son Sacrifice, que non seulement ce divin Rédempteur voulut souffrir pour les pécheurs, mais que les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les peines qu’Il endura. C’est la remarque de l’Apôtre Saint Paul dans son épître aux Hébreux: (Hébr., 12, 3.) Pensez, dit-il, en vous-mêmes à Celui qui a Souffert une si grande contradiction de la part des pécheurs élevés contre Lui, afin que vous ne vous découragiez point, et que vous ne tombiez point dans l’abattement.

Nous devons donc regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la Croix, à coup sur ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal (Hébr., 6, 6.) crucifient de nouveau dans leur cœur, autant qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés, et Le couvrent de confusion. Et il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’Apôtre, (I Cor., 2, 8.) s’ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne L’auraient jamais crucifié. Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains déicides.

Enfin la Sainte Écriture nous enseigne que Notre-Seigneur Jésus-Christ a été livré à la mort par son Père et par Lui-même. Le Prophète Isaïe fait dire à Dieu le Père: (Is., 53, 8.) Je L’ai frappé à cause du crime de mon peuple. Et, quelques lignes plus haut, le même Prophète plein de l’Esprit de Dieu, voyant dans l’avenir le Sauveur couvert de plaies et de blessures, s’écriait: (Is., 53, 6.) Nous nous sommes tous égarés comme des brebis. Chacun de nous a suivi sa voie, et le Seigneur a mis sur Lui les iniquités de nous tous. Puis en parlant de Dieu le Fils, il dit: (Is., 53, 16.) S’Il sacrifie sa vie pour le péché, Il verra une longue postérit. Et l’Apôtre Saint Paul confirme cette vérité par des paroles encore plus décisives, tout en voulant nous montrer d’ailleurs ce que nous avons à espérer de la Miséricorde et de la Bonté infinie de Dieu: (Rm., 8, 32.) Celui, dit-il, qui n’a pas épargné son Propre Fils, mais qui L’a libéré pour nous tous, comment, avec Lui, ne nous aurait-il pas aussi donné toutes choses ?

§ IV. — DOULEURS DE JÉSUS-CHRIST DANS SON CORPS ET DANS SON AME.

Ici le Pasteur devra expliquer combien furent cruelles les douleurs de la Passion. Hélas ! nous n’avons qu’à nous rappeler (Luc, 22, 44.) cette sueur qui coulait du corps du Sauveur jusqu’à terre en gouttes de sang, à la pensée des tortures et des supplices qui L’attendaient pour comprendre qu’il était impossible de rien ajouter à de pareilles souffrances. Car si la seule pensée des tourments qui Le menaçaient fut assez douloureuse pour exciter en Lui une sueur de sang, que ne souffrit-Il pas lorsqu’Il les endura réellement ? Il est donc bien certain que notre Seigneur Jésus-Christ ressentit dans son Corps et dans son Ame les plus cruelles douleurs.

Et d’abord il n’y eut aucune partie de son Corps qui n’éprouvât des tourments extrêmes. Ses pieds et ses mains furent cloués à la Croix, sa tête fut percée par la couronne d’épines et frappée à coups de roseau ; son visage fut souillé de crachats, et meurtri par les soufflets ; tout son Corps enfin fut battu de verges.

Ce n’est pas tout. Des hommes de tous rangs et de toutes conditions (Ps., 2, 2.) conspirèrent contre le Seigneur et contre son Christ. Juifs et Gentils furent également les instigateurs, les auteurs et les ministres de sa Passion. (Matth., 26 ; 27 ; Marc, 14 ; 15 ; Luc, 22 ; 25 ; Jean, 13 ; 19.) Judas Le trahi. Pierre Le renia. tous ses autres disciples L’abandonnèrent.

Voyons-Le maintenant sur la Croix. Faut-il déplorer la cruauté, ou l’ignominie d’un tel supplice, ou ces deux choses ensemble ? Certes, on ne pouvait inventer un genre de mort ni plus honteux, ni plus douloureux. Il était réservé aux grands criminels, aux derniers des scélérats, et la lenteur de la mort y rendait encore plus aigu le sentiment des douleurs les plus violentes.

Mais ce qui augmentait également l’intensité de ses souffrances, c’était la constitution et les qualités même du Corps de Jésus-Christ. Formé par l’opération du Saint-Esprit ce Corps était incomparablement plus parfait et plus délicatement organisé que celui des autres hommes. Voilà pourquoi aussi sa sensibilité était beaucoup plus vive, et Lui faisait ressentir plus profondément tous ces tourments.

Quant aux souffrances intimes de l’âme, personne ne peut douter qu’elles n’aient été extrêmes en Jésus-Christ. Lorsque les Saints avaient à subir des persécutions, ou étaient livrés aux supplices, leur âme recevait de Dieu des consolations ineffables qui les ranimaient au milieu des tourments et leur donnaient la force d’en supporter patiemment toutes les rigueurs. On en vit même quelquefois qui éprouvaient alors dans leur cœur la joie la plus vive. Je me réjouis, disait l’Apôtre (Col., 1, 24), dans les maux que j’endure pour vous, et je complète dans ma chair ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ, en souffrant moi-même pour son Corps qui est l’Église. Et ailleurs (II Cor., 7, 4.) : Je suis rempli de consolations, et je surabonde de joie dans toutes mes tribulations. Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ voulut boire le calice amer de sa Passion, sans mélange d’aucune douceur. Bien plus, Il laissa goûter, en quelque sorte, à la nature humaine dont Il s’était revêtu, toute la rigueur des tourments, comme s’Il n’avait été qu’un homme, et non pas un Dieu.

§ V. — FRUITS DE LA MORT DE JÉSUS-CHRIST.

Arrivé ici le Pasteur n’a plus qu’à expliquer — mais avec soin — les avantages et les biens que la Passion du Sauveur nous a procurés.

En premier lieu, Jésus-Christ par ses souffrances nous a délivrés du péché. Il nous a aimés, dit Saint Jean (Ap., 1, 5.) et Il nous a lavés de nos péchés dans son sang. Et encore, comme dit l’Apôtre (Col., 2, 13, 14.), Il nous a fait revivre avec Lui, nous remettant tous nos péchés, effaçant l’arrêt de condamnation écrit et porté contre nous, l’abolissant et l’attachant à la Croix.

Ensuite Il nous a arrachés à la tyrannie du démon. Voici maintenant le jugement du monde, dit le Sauveur Lui-même (Jean, 12, 30, 3.), et le prince de ce monde va en être chassé, et Moi, quand j’aurai été élevé de la terre, J’attirerai tout à Moi.

En troisième lieu, Il a payé la peine qui était due pour nos péchés.

De plus, comme on ne pouvait offrir à Dieu un sacrifice qui fût plus digne ou plus agréable, Il nous a réconciliés avec son Père (II Cor., 5, 18), Il L’a apaisé, et nous L’a rendu favorable.

Enfin, en enlevant nos péchés, Il nous a ouvert la porte du ciel que le péché commun à tous les hommes avait fermée. C’est ce que l’Apôtre nous marque bien dans ces paroles: (Hébr., 10, 19) Nous avons la confiance d’entrer dans le Sanctuaire, par le Sang de Jésus-Christ. Et l’Ancien testament ne manquait pas de symboles et de figures qui exprimaient la même vérité. Ainsi (Nb., 35, 25) les citoyens qui ne pouvaient rentrer dans leur pays qu’à la mort du grand prêtre, étaient l’image des Justes à qui l’entrée dans la Céleste Patrie était interdite, malgré toute leur sainteté, jusqu’à la Mort du Souverain et Eternel Pontife, Jésus-Christ. Mais depuis que le Rédempteur l’a subie, cette Mort, les portes du ciel sont ouvertes à tous ceux qui, purifiés par les Sacrements, et possédant la Foi, l’Espérance et la Charité, deviennent participants des mérites de sa Passion.

Le Pasteur montrera que tous ces avantages, tous ces divins Bienfaits nous viennent de la Passion de notre seigneur. En premier lieu, parce que sa mort fut une satisfaction pleine et entière qui Lui fournit le moyen admirable de payer à Dieu son Père toute la dette de nos péchés. Et ce prix qu’Il paya pour nous, non seulement égale notre obligation, mais lui est infiniment supérieur. En second lieu, parce que le sacrifice de la Croix fut infiniment agréable à Dieu. A peine Jésus-Christ l’eut-Il offert que la colère et l’indignation de son Père furent entièrement apaisées. Aussi l’Apôtre a-t-il soin de nous faire remarquer que la Mort du Sauveur fut un vrai Sacrifice (Éph., 5, 2.) Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et Il s’est livré Lui-même pour nous en s’offrant à Dieu comme une Victime et une Oblation d’agréable odeur. En troisième lieu, enfin, parce que la Passion fut pour nous cette Rédemption dont parle le prince des Apôtres, quand il dit (I Pierre, 1, 18, 19): ce n’est ni par l’or ni par l’argent corruptibles que vous avez été rachetés de la vanité de votre vie, que vous avez héritée de vos pères, mais par le Sang précieux de l’Agneau Saint et Immaculé, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et Saint Paul dit à son tour (Gal., 3, 13.): Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, en devenant malédiction pour nous.

Outre ces avantages si précieux, la Passion nous en fournit encore un autre d’un prix inestimable. Elle met sous nos yeux les exemples les plus frappants de toutes les vertus: la patience, l’humilité, une charité admirable, la douceur, l’obéissance, un courage surhumain à souffrir pour la justice, non seulement des douleurs, mais la mort elle-même. Et nous pouvons dire en vérité, que notre Sauveur, dans le seul jour de sa Passion, voulut représenter en Lui toutes les vertus dont Il avait recommandé la pratique pendant le cours entier de sa prédication.

Voilà ce que nous avions à dire ici sur la Passion et la Mort si salutaires de Notre-Seigneur Jésus-Christ ! Puissions-nous méditer sans cesse ces mystères au fond de nos cœurs ! Puissions-nous apprendre par là à souffrir, à mourir, à être ensevelis avec ce divin Sauveur ! C’est alors que purifiés des souillures du péché, et ressuscitant avec Lui à une vie nouvelle, nous mériterons, par sa Grâce et par sa Miséricorde, de participer un jour à la gloire de son Royaume céleste.