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Cathéchisme du Concile de Trente

Chapitre trente-deuxième — Du quatrième Commandement

Honorez votre Père et votre mère, afin que vous viviez longtemps sur la terre que le Seigneur Dieu vous donnera.

Les trois Commandements que nous venons d’expliquer sont les premiers à cause de la dignité. Et de l’excellence de leur objet. Ceux que nous abordons maintenant ne tiennent que le second rang, mais on peut dire qu’ils ne sont pas moins nécessaires. Les premiers se rapportent directement à notre fin qui est Dieu ; les seconds ont pour objet immédiat la Charité envers le prochain, mais logiquement, c’est-à-dire, s’ils atteignent leur but, ils nous mènent aussi à Dieu, ce but suprême pour lequel nous aimons le prochain lui-même. Ce qui a fait dire à Notre-Seigneur Jésus-Christ (Matth., 22, 39. ; Marc, 12, 31.) que le précepte d’aimer Dieu et le précepte d’aimer le prochain sont deus Commandements semblables. Quant à celui que nous expliquons ici, à peine peut-on dire et énumérer les avantages immenses qu’il renferme. Ses fruits sont abondants et exquis. Il est comme le signe qui fait briller notre soumission et notre attachement au premier Commandement. « Celui qui n’aime point son frère qu’il voit, dit l’Apôtre Saint Jean, (Jean, 4, 20.) comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? » On peut dire de même: si nous n’avons ni respect ni amour pour nos parents, que nous devons aimer selon Dieu, eux que nous avons presque continuellement sous les yeux, quel honneur et quel culte aurons-nous pour Dieu qui est aussi notre Père — Père tout puissant et infiniment bon, mais qui ne tombe jamais sous nos regards ? On voit par là combien ces deux Commandements ont de rapports l’un avec l’autre.

Ce quatrième précepte est d’une application très étendue. Outre ceux qui nous ont donné la vie, il est un grand nombre de personnes qu’il nous fait un devoir d’honorer comme nos pères et nos mères, à cause de leur autorité, de leur dignité, du besoin que nous avons d’elles, ou de l’excellence de leurs fonctions. II rend aussi moins lourde la charge des parents et des supérieurs, dont le soin principal est d’amener ceux qui sont placés sous leur autorité à vivre dignement et d’une manière conforme à la Loi divine. Or il est évident que cette tâche leur deviendra très facile si leurs inférieurs sont convaincus que c’est Dieu Lui-même qui leur impose l’obligation d’honorer leurs pères et leurs mères.

Pour atteindre ce but, il est nécessaire de connaître la différence qui existe entre les préceptes de la première table et ceux de la seconde.

§ I. — DIFFÉRENCE DES TROIS PREMIERS COMMANDEMENTS ET DES SUIVANTS.

Voici ce que le Pasteur expliquera tout d’abord. Il enseignera que les divins préceptes du Décalogue furent gravés sur deux tables différentes. La première, comme nous l’apprennent les Saints Pères, contenait les trois Commandements que nous venons de commenter, et la seconde les sept autres. Cet ordre est absolument logique, et nous fait comprendre par avance l’importance relative des préceptes, par la place même qu’ils occupent. tout ce que la Loi divine, en effet, ordonne ou défend dans nos Saints Livres se rapporte toujours à deux catégories. L’amour de Dieu ou l’amour du prochain, voilà le fond de toutes ses prescriptions. Or, les trois Commandements précédents nous apprennent quel amour nous devons à Dieu, et les sept qui suivent renferment les devoirs de Charité que les hommes sont obligés de pratiquer les uns envers les autres. Ce n’est donc pas sans raison qu’on les a divisés en préceptes de la première table, et en préceptes de la seconde.

Les trois premiers Commandements dont nous avons parlé ont Dieu pour objet, c’est-à-dire le souverain bien. L’objet des autres est le bien du prochain. Les premiers proposent l’amour souverain, les seconds, l’amour le plus grand après l’amour souverain. Les uns regardent la fin suprême elle-même, les autres seulement ce qui se rapporte à cette fin.

Au reste l’amour de Dieu ne dépend que de Lui-même, puisque c’est pour Lui-même et non à cause d’un autre que Dieu doit être souverainement aimé. L’amour du prochain, au contraire, a sa source dans l’amour de Dieu qui doit être en effet sa règle invariable. Car si nous aimons nos parents, si nous obéissons à nos supérieurs, si nous respectons ceux qui sont au dessus de nous, ce doit être principalement parce que Dieu est le Créateur, parce qu’Il a voulu les élever au dessus de nous, et que par leur entremise Il veille sur les autres hommes, les gouverne et les conserve. Et comme c’est Dieu lui-même qui nous commande de les honorer, nous devons le faire précisément par le motif qui les a rendus dignes de cet honneur. D’où il suit que l’honneur que nous rendons à nos pères et mères semble plutôt se rapporter à Dieu qu’à eux personnellement. C’est ce qu’on peut voir dans Saint Matthieu, quand il est question du respect envers les supérieurs. (Matth., 10, 40.) « Celui qui vous reçoit me reçoit. » L’Apôtre Saint Paul, dans son Epître aux Ephésiens, ne craint pas de dire: (Éph., 6, 5.) « Serviteurs, obéissez à ceux qui sont vos maîtres selon la chair, avec crainte, avec respect, et dans la simplicité de votre cœur, comme à Jésus-Christ Lui-même. ne les servez pas seulement lorsqu’ils ont l’œil sur vous, comme si vous ne vouliez que plaire aux hommes, mais comme vrais serviteurs de Jésus-Christ. »

Mais remarquons-le bien, ni nos hommages, ni notre piété, ni le culte que nous rendons à Dieu ne seront jamais parfaits, car l’amour que nous Lui devons n’a pas de limites et peut s’accroître indéfiniment. Il est même nécessaire que cet amour devienne de jour en jour plus ardent et plus fort, puisque Lui-même veut que nous L’aimions (Dr., 4, 5 ; Luc, 10, 27.- Matth., 22, 37, 38, 39.) de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos forces. Au contraire l’amour que nous avons pour le prochain a ses limites ; vu que le Seigneur nous ordonne de l’aimer comme nous-mêmes. Celui donc qui dépasserait ces bornes, et qui en viendrait à aimer Dieu et le prochain d’un amour égal, commettrait un grand crime. « Si quelqu’un vient à Moi, dit le Seigneur, (Luc, 14, 26.) et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sueurs et même sa propre vie, celui-là ne saurait être mon disciple. »

Et c’est dans ce même esprit qu’Il dit à un jeune homme qui voulait d’abord inhumer son père, et Le suivre, après (Luc, 9, 60.) « Laissez les morts ensevelir les morts. » Mais cette vérité devient plus claire encore par ces paroles que Saint Matthieu met dans la bouche de Notre-Seigneur: (Matth., 10, 37.) « Celui qui aime son père ou sa mère plus que Moi, n’est pas digne de Moi. »

Nous ne pouvons douter cependant que nous ne soyons obligés d’avoir pour nos parents un amour très grand et un respect très profond. Mais avant tout la piété exige que nos premiers hommages et notre principal culte appartiennent à Dieu, qui est le Principe et le Créateur de toutes choses. Elle exige également que nous aimions nos parents mortels d’ici-bas, de manière que tout, dans cet amour, ait pour fin dernière notre Père céleste et éternel. — Que si, d’aucunes fois, il nous commandent des choses contraires aux préceptes divins, il est hors de doute que nous devons absolument préférer la volonté de Dieu à leurs caprices. C’est le moment de nous rappeler cet oracle de l’Esprit Saint: (Act., 5, 29.): « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. »

§ II. — HONOREZ VOTRE PÈRE ET VOTRE MÈRE.

Après ces préliminaires, le Pasteur expliquera les mots de ce Commandement, et d’abord ce que signifie le premier: honorez. Honorer quelqu’un c’est avoir pour lui des sentiments d’estime, et faire très grand cas de tout ce qui se rapporte à lui. Cet honneur suppose nécessairement l’amour, le respect, l’obéissance, le service. Ce n’est pas sans motif que Dieu en nous donnant cette Loi a employé ce mot honorez, au lieu de aimez ou craignez, bien que cependant nous soyons obligés d’aimer fortement et de craindre nos parents. Car celui qui aime n’honore pas toujours, et celui qui craint n’honore pas non plus nécessairement. Mais celui qui honore du fond du cœur, possède par là -même l’amour et la crainte.

Après avoir donné ces explications le Pasteur devra dire quels sont ceux qui sont désignés par le nom de pères dans ce Commandement.

Or, quoique la Loi entende principalement ici ceux qui nous ont donné la vie, néanmoins ce nom de pères s’applique encore à d’autres que la Loi semble aussi avoir en vue, comme il est facile de le conclure de plusieurs endroits de la Sainte Ecriture. En effet, outre nos pères naturels, nos Livres sacrés, ainsi que nous l’avons vu plus haut, nous donnent encore d’autres pères que nous devons respecter et honorer d’une manière spéciale. tels sont les chefs de l’Eglise, les Pasteurs et les Prêtres, comme l’attestent ces paroles de l’Apôtre aux Corinthiens: (II Cor., 4, 14.): « Je ne vous écris point ces choses, pour vous causer de la honte ; mais je vous avertis comme mes plus chers enfants. Quand même vous auriez dix mille maîtres en Jésus-Christ, vous n’auriez pas plusieurs pères, puisque c’est moi qui, par l’Evangile, vous ai engendrés en Jésus-Christ. » On dit encore dans l’Ecclésiastique: (Sir., 44, 1.) « Honorons la mémoire des hommes illustres et de nos pères dans leur postérité. »

Ceux qui exercent un commandement, une magistrature, une autorité, ceux qui gouvernent la chose publique, reçoivent aussi le nom de pères. C’est ainsi que Naaman était appelé père de ses serviteurs.

Nous nommons encore pères les personnes au soin, à la fidélité, à la probité et à la sagesse desquelles d’autres sont confiés, comme par exemple les tuteurs, les curateurs, les précepteurs, les maîtres. C’est ainsi que les enfants des prophètes appelaient Elie et Elisée leurs pères.

Enfin nous donnons également ce nom aux vieillards, à ceux qui sont très avancés en âge et que nous devons particulièrement respecter.

Le Pasteur, dans ses instructions, insistera donc sur ce point que nous devons honorer tous ceux à qui on donne le nom de pères, mais surtout ceux qui sont pères selon la chair, puisque c’est d’eux avant tout que parle la Loi. Ils sont en effet pour nous comme une personnification du Dieu immortel ; nous contemplons en eux l’image de notre origine. Ce sont eux qui nous ont transmis la vie. C’est d’eux que Dieu s’est servi pour nous donner une âme et une intelligence. Ce sont eux qui nous ont ouvert la porte des Sacrements, qui nous ont instruits de la Religion, qui ont formé en nous l’homme et le citoyen, qui nous ont élevés dans la pureté des mœurs et la vraie Vie chrétienne. — Le Pasteur n’oubliera pas de faire remarquer ici que le mot de mère a été inséré très justement dans ce Commandement. Dieu voulait nous rappeler par là tous les services et tous les bienfaits dont nous sommes redevables à nos mères, les soins et la sollicitude avec lesquels elles nous ont portés, les peines et les douleurs au milieu desquelles elles nous ont mis au monde et élevés.

§ III. — EN QUOI CONSISTE L’HONNEUR DÛ AUX PARENTS.

[Si nous voulons pratiquer ce Commandement comme Dieu nous le demande], il faut que l’honneur et les égards que nous témoignons à nos pères et mères procèdent de l’amour que nous avons pour eux, c’est-à-dire d’un sentiment sincère et profond de l’âme. Et certes, nous le leur devons bien, à cause de la tendresse qu’ils ont pour nous ; tendresse telle qu’ils ne reculent devant aucune fatigue, aucun effort, aucun danger pour nous la prouver, et que rien ne peut leur être plus agréable que de se sentir aimés par des enfants que de leur côté ils aiment si vivement. Joseph qui, après le Pharaon, était le plus puissant et le plus honoré de toute l’Egypte, reçut son père à son arrivée dans ce pays avec les plus grandes marques d’honneur. Salomon, voyant un jour sa Mère venir à lui, se leva, la salua avec un profond respect, et la fit asseoir à sa droite sur le trône royal.

Il est encore d’autres devoirs que nous devons accomplir envers nos parents, si nous voulons leur rendre tout l’honneur auquel ils ont droit. Ainsi nous les honorons lorsque nous demandons humblement à Dieu que tout leur réussisse très heureusement, qu’ils soient environnés de la faveur et de la considération publiques, et surtout aimés de Dieu, et agréables aux Saints qui sont dans le ciel.

Nous les honorons aussi, lorsque nous réglons nos dispositions sur leur jugement et sur leur volonté. C’est le conseil de Salomon: (Prov., 1, 8.) « Ecoutez, ô mon fils, les instructions de votre père, et n’abandonnez point la loi de votre mère. Ces instructions et cette obéissance seront un ornement pour votre tête et comme un collier à votre cou. » Saint Paul a des recommandations du même genre (Éph., 6, 1.) : « Enfants, dit-il, obéissez à vos parents dans le Seigneur ; car cela est juste. » Et encore (Col., 3, 20.): « Enfants, obéissez en tout à vos parents, car cela est agréable à Dieu. » D’ailleurs ces maximes trouvent leur confirmation dans l’exemple des plus saints personnages. Quand Isaac (Gn., 22, 9.) fut lié par son père pour être sacrifié, il obéit humblement et sans résistance. Et les Réchabites, (Jr., 35, 6.) pour ne jamais désobéir à leur père, s’abstinrent pour toujours de l’usage du vin.

Nous honorons encore nos parents, lorsque nous imitons leurs bonnes actions, et leur conduite vertueuse. En effet, la plus grande marque d’estime que l’on puisse donner à quelqu’un, c’est de vouloir lui ressembler.

C’est encore les honorer que de demander leur avis, et surtout de le suivre.

Nous les honorons enfin, si nous avons soin de subvenir à leurs besoins, en leur procurant ce que réclament la nourriture et l’entretien. C’est ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même nous enseigne, quand II reproche aux Pharisiens leur impiété. (Matth., 15, 3, 4.) « Pourquoi vous-mêmes, leur dit-Il, violez-vous le Commandement de Dieu, pour suivre votre tradition ? Car Dieu a dit: honorez votre père et votre mère: celui qui maudira son père et sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous dites: quiconque dira à son père ou à sa mère: toute offrande que je présenterai, vous servira ; celui-là n’honorera pas son père et sa mère ; et vous avez rendu vain le Commandement de Dieu à cause de votre tradition. »

Accomplir nos devoirs envers nos pères et mères est pour nous une obligation de tous les instants, mais surtout dans leurs maladies graves et dangereuses. C’est alors que nous devons faire le nécessaire pour qu’ils ne soient point privés de la Confession et des autres Sacrements que les Chrétiens sont tenus de recevoir aux approches de la mort. Il faut aussi veiller de très près à ce qu’ils reçoivent fréquemment la visite d’hommes pieux et craignant Dieu, capables de les fortifier s’ils sont faibles et de les aider de leurs conseils, et s’ils sont déjà bien disposés, d’élever de plus en plus leur âme par l’espérance de l’immortalité, afin que, entièrement détachés des choses humaines, ils se confient uniquement à Dieu. Ainsi fortifiés et comme environnés de ce magnifique cortège des vertus de Foi, de Charité et de Religion, non seulement ils ne craindront pas la mort puisqu’elle est inévitable, mais même ils la désireront puisqu’elle ouvre directement l’éternité.

En dernier lieu, nous honorons encore nos parents après leur mort, en leur faisant des funérailles dignes d’eux, en leur donnant une sépulture convenable, en faisant célébrer pour eux des Sacrifices anniversaires, et en exécutant avec fidélité leurs dernières volontés.

§ IV. — QUI SONT CEUX QUE L’ON DOIT ENCORE HONORER AVEC LES PARENTS, ET COMMENT ?

Ce n’est pas seulement envers ceux qui nous ont transmis la vie naturelle que nous sommes redevables des devoirs dont nous venons de parler, c’est aussi envers ceux qui portent le nom de pères, c’est-à-dire les Evêques, les Prêtres, les rois, les princes, les magistrats, les tuteurs, les curateurs, les maîtres, les précepteurs, les vieillards et autres semblables. tous méritent de ressentir les effets, de notre charité, de notre obéissance et de nos efforts, mais pas au même degré.

Voici ce qui est écrit des Evêques et des Prêtres: (I Tim., 5, 17.) « Que les Prêtres qui gouvernent bien soient doublement honorés, principalement ceux qui travaillent à prêcher et à instruire. » Et quelles marques d’affection profonde les Galates ne donnèrent-ils pas à l’Apôtre Saint Paul, pour qu’il pût rendre à leur bienveillance ce témoignage incroyable : (Gal., 4, 15.) « Oui, je l’atteste, vous étiez prêts alors, si la chose eût été possible, à vous arracher les yeux pour me les donner ? »

Il faut aussi fournir aux Prêtres les choses qui leur sont nécessaires pour vivre. « Quel est le soldat, demande l’Apôtre, (I Cor., 9, 7.), qui fait la guerre à ses dépens ? » et n’est-il pas écrit dans l’Ecclésiastique ? (Sir., 7, 33.) « Honorez les Prêtres purifiez-vous par les oblations présentées de vos mains, donnez-leur la part des prémices et des hosties d’expiation, comme il a été ordonné. » L’Apôtre enseigne qu’il faut aussi leur obéir. (Hébr., 13, 17.) « Obéissez, dit-il, à vos conducteurs et soyez-leur soumis, car ils veillent sur vos âmes comme devant en rendre compte. » Bien plus, Notre-Seigneur Jésus-Christ commande d’obéir même aux mauvais Prêtres, lorsqu’il dit, en parlant des Scribles et des Pharisiens : (Matth., 23, 2, 3.) « Ils sont assis sur la chaire de Moise ; en conséquence, faites tout ce qu’ils vous ordonnent, mais ne faites point ce qu’ils font ; car ils disent ce qu’il faut faire et ne le font point. »

Il en faut dire autant des rois, des princes, des magistrats et de tous ceux à qui nous devons être soumis. L’Apôtre Saint Paul, dans son Epître aux Romains, (Rm., 13, 1.) s’étend longuement sur l’honneur, les égards et le respect qui leur sont dus. Ailleurs, (I Tim., 2, 2.) il nous avertit que nous devons prier pour eux. Saint Pierre nous dit à son tour: (I Pierre, 2, 13.) « Soyez soumis, pour l’amour de Dieu, à toute créature revêtue du pouvoir, soit au roi comme au souverain, soit au gouverneur, comme étant envoyé par lui. » — Car si nous leur rendons honneur, c’est à Dieu que cet honneur s’adresse. Les dignités humaines, si hautes qu’elles soient, n’obtiennent nos respects et nos hommages, qu’autant que nous voyons en elles l’image de la puissance même de Dieu. Et en agissant ainsi, nous vénérons en même temps la divine Providence qui confie à quelques hommes la charge des fonctions publiques, et qui se sert d’eux comme d’autant de ministres qui tiennent d’Elle leur pouvoir.

S’il se rencontre parfois des magistrats indignes, ce n’est ni leur perversité, ni leur malice que nous honorons, mais l’autorité divine qui est en eux. Et même, ce qui paraîtra peut-être incroyable, les inimitiés, les colères, les haines implacables qu’ils peuvent nourrir dans leur cœur contre nous, ne sont point des raisons suffisantes pour nous dispenser de nos devoirs envers eux. David ne rendit-il point les plus grand services à Saül, quoique celui-ci fût son plus cruel ennemi ? C’est ce qu’il nous rappelle lui-même par ces paroles: (Ps., 119, 7.) « J’étais pacifique avec ceux qui haïssent la paix. »

Cependant, s’ils avaient le malheur d’ordonner quelque chose de mauvais ou d’injuste, comme alors ils n’agiraient plus de par cette autorité légitime qu’ils ont reçue de Dieu, mais en suivant leurs sentiments injustes et pervers, nous ne serions obligés en aucune façon de leur obéir.

§ V. — RECOMPENSE ATTACHEE AU QUATRIEME COMMENDEMENT.

Quand le Pasteur aura exposé successivement les différents points que nous venons de traiter, il ne manquera pas de faire remarquer combien est belle et convenable la récompense réservée à ceux qui observent ce quatrième Commandement de Dieu. Or le premier fruit de leur obéissance, c’est une longue vie. On mérite en effet de jouir très longtemps d’un bienfait dont on garde fidèlement la mémoire. Ceux donc qui honorent leurs parents et qui leur témoignent une vive reconnaissance pour le bienfait de la vie et de la lumière, ont droit à jouir de la vie jusqu’à la plus grande vieillesse. Mais cette promesse divine veut être expliquée plus au long. Il faut savoir qu’elle n’a pas seulement pour objet la Vie Eternelle et bienheureuse, mais encore cette vie que nous avons à passer sur la terre. Saint Paul exprime très bien cette vérité quand il dit: (Tim., 4, 8.) « La piété est utile à tout: elle a les promesses de la vie présente et celles de la vie future. »

Et qu’on veuille bien le croire, cette récompense n’est ni vile, ni méprisable, encore que de très saints personnages comme Job (Job, 3.), David (Ps., 119, 5.), et Saint Paul (Philipp., 1, 23.) aient désiré la mort, et qu’il soit peu agréable de voir sa vie se prolonger, quand on est accablé de chagrin et de misère. Car ces paroles qui accompagnent la promesse divine : Que le Seigneur voire Dieu vous donnera, n’assurent pas seulement la longueur de la vie mais encore le repos, la tranquillité, la santé nécessaires pour vivre heureusement. Aussi bien le Deutéronome ne dit pas seulement: (Dr., 5, 16.) « afin que vous viviez longtemps, » il ajoute: « afin que vous soyez heureux sur la terre. » Et l’Apôtre, plus tard, (Éph., 6, 3.) redit la même chose.

Dieu accorde ces biens à ceux dont Il veut récompenser la piété, autrement Il ne serait ni fidèle ni constant dans ses promesses ; puisqu’il arrive quelquefois que les enfants qui se distinguent le plus par leur piété filiale, ne jouissent pas pour cela d’une longue existence. Si Dieu le permet ainsi, c’est à coup sûr pour leur plus grand bien. Ils sortent de la vie, avant d’avoir abandonné le chemin de la vertu et du devoir (Sg., 4, 10, 11.). « Ils sont enlevés, disent nos Saints Livres, de peur que la malice ne corrompe leur esprit, et que l’illusion ne séduise leur âme. » Ou bien encore parce que, au moment où la ruine et le bouleversement de toutes choses menacent le monde, ils sont dégagés des liens du corps pour échapper aux calamités publiques. Le juste, dit le Prophète (Is., 57, 1.), « a été soustrait à la malice des hommes, » de peur que son innocence et son salut même ne fussent en danger, lorsque Dieu par ses châtiments punirait les crimes des hommes ; ou enfin, pour leur épargner dans les temps de grande désolation, les douleurs, les deuils et les amertumes que nous cause la mort de nos amis et de nos proches. C’est la raison pour laquelle nous devons être saisis de crainte lorsque Dieu rappelle à Lui les gens de bien par une mort prématurée.

§ VI. — CHATIMENT RÉSERVÉ A CEUX QUI VIOLENT LE QUATRIÈME PRÉCEPTE.

Mais si Dieu promet une récompense et des avantages aux enfants qui sont reconnaissants envers leurs parents, il réserve des peines terribles aux fils ingrats et dénaturés. Il est écrit: (Ex., 21, 16, 17.) « Celui qui aura maudit son père ou sa mère sera puni de mort ; et (Prov., 19, 26.) celui qui afflige son père et chasse sa mère est un misérable et un infâme ; puis encore: (Prov., 20, 20.) « Celui qui maudit son père ou sa mère, verra sa lampe s’éteindre au milieu des ténèbres. » Et enfin (Prov., 30, 17.) que l’œil qui insulte à son père, et qui tourne en dérision l’enfantement de sa mère, soit arraché par les corbeaux des torrents °t dévoré par les fils de l’aigle. » nous voyons dans l’Ecriture que souvent la colère de Dieu s’est appesantie sur les enfants qui avaient outragé leurs parents. David ne reste point sans vengeance. Son fils révolté Absalon meurt percé de trois coups de lance: juste punition de son crime.

De même il est écrit de ceux qui n’obéissent point aux Prêtres (Dr., 17, 12.): « Celui qui s’enorgueillira, ne voulant point obéir au commandement du Prêtre qui en ce temps-là sera ministre du Seigneur notre Dieu, ni d la sentence du juge ; celui-là mourra. »

§ VII. — DEVOIRS DES PARENTS ET DES SUPÉRIEURS ENVERS LEURS ENFANTS ET LEURS INFÉRIEURS.

Si la Loi divine ordonne aux enfants d’honorer leurs parents, de leur obéir, de les respecter, elle fait aussi aux parents une obligation et une charge spéciale d’élever leurs enfants dans des principes parfaits et des mœurs pures, de leur donner d’excellentes règles de conduite, de les habituer à la pratique des devoirs de la Religion, et de leur inspirer pour Dieu un profond et inviolable respect. Ainsi, nous dit l’Ecriture, firent les parents de la chaste Suzanne.

Que le Pasteur ait donc soin de rappeler aux pères et mères qu’ils sont obligés de donner à leurs enfants des leçons de vertu, de justice, de continence, de modestie et de sainteté. Ils doivent surtout éviter trois défauts, qui ne sont que trop communs

Le premier, de les traiter trop durement, soit en paroles, soit en actions. Saint Paul, dans son Epître aux Colossiens ne dit-il pas (Col., 3, 21.): « Vous, pères, ne provoquez point vos enfants à la colère, de peur qu’ils ne tombent dans l’abattement. » Car s’ils craignent tout, ils sont en grand danger de perdre tout courage. Le Pasteur leur recommandera donc d’éviter une trop grande sévérité, et de corriger leurs enfants plutôt que de s’en venger.

Le second défaut, d’user d’une molle indulgence, quand les enfants ont commis quelque faute, et qu’il faudrait les réprimander et sévir contre eux. Il arrive souvent que la trop grande douceur, et la trop grande facilité des parents dépravent les enfants. Pour les détourner de cette indulgence mauvaise, le Pasteur n’hésitera pas à leur citer l’exemple du grand prêtre Héli qui, pour avoir été trop bon envers ses fils, fut frappé par Dieu du dernier châtiment (I Rois, 4, 18.).

Le troisième enfin, et c’est le plus honteux, de se proposer dans l’éducation et l’instruction de leurs enfants des desseins condamnables, comme le font, hélas ! un trop grand nombre de parents, qui n’ont d’autre pensée et d’autre soin que celui de laisser à leurs enfants des richesses, de l’argent, un vaste et magnifique patrimoine. Ils ne les forment point à la religion, à la piété, pas même à l’exercice d’un emploi honorable, mais au contraire à l’avarice et à l’augmentation de leur fortune, peu jaloux de la considération et du salut de leurs enfants, pourvu qu’ils soient riches et opulents. Peut-on dire, peut-on imaginer rien de plus déplorable ? C’est ainsi qu’ils en font plutôt les héritiers de leurs crimes et de leurs désordres que de leur opulence ; et au lieu de les guider vers le ciel, ils les entraînent aux supplices éternels de l’enfer.

Que le Prêtre donc fasse entendre aux parents les meilleures instructions ! qu’il les excite à imiter le saint homme Tobie et ses vertus, afin qu’ayant formé leurs enfants comme il convient au service de Dieu et à la sainteté, ils en recueillent à leur tour les fruits les plus abondants d’amour, de respect et d’obéissance.