Introduction
On trouve cette Épître comptée parmi les écrits inspirés dans presque tous les Canons. On ne saurait donc en nier l’inspiration et le caractère divin sans se mettre en opposition avec la croyance de l'Église et avec ses définitions. Mais on la met au nombre des livres deutérocanoniques, parce qu’il y a eu en Occident, au second et au troisième siècle, un certain nombre d’Eglises et de docteurs qui ne se tenaient pas assurés de son authenticité.
Saint Paul n’étant nulle part nommé dans cette Epître, on pouvait dire qu’elle n’est pas de lui, sans se mettre d’une manière expresse en contradiction avec elle. Les théologiens enseignent encore qu’il n’est pas de foi qu’il en soit l’auteur.
Néanmoins, on convient qu’il y aurait témérité à contester aujourd’hui cette Epître à l’Apôtre, contre le sentiment unanime des pasteurs et des fidèles.
Le sentiment de l’Eglise, exprimé dans ses Canons des Livres saints, a toujours été que cette Epître fut composée pour des chrétiens d’origine juive.
Mais à quelle partie du peuple hébreu l’Apôtre s’adresse-t-il ? Est-ce aux Hébreux convertis de Jérusalem ou à ceux de la dispersion ?
Le sentiment commun des Pères et des Docteurs est qu’il écrit à ceux de Jérusalem et de la Palestine. Il est vrai que le titre ad Hebræos n’exclut pas absolument les Juifs établis parmi les Gentils, mais il désigne spécialement les Hébreux de Judée, ceux qui parlaient le langage de leurs pères ; et quand on étudie la Lettre avec attention, qu’on examine les détails, on reconnaît que l’auteur les avait directement en vue. En effet, il écrit à une Eglise particulière dont les pasteurs ont souffert pour la foi, à laquelle il a été enlevé, qu’il se propose de revoir bientôt ; et il lui envoie les salutations d’une autre Eglise. Les détails dans lesquels il entre sur le temple et sur les cérémonies du culte, chapitres 9 et 10, semblent supposer que ses lecteurs les ont sous leurs yeux. Il en est de même de ses allusions à la passion et au crucifiement du Sauveur. Les fidèles auxquels il s’adresse ont été instruits par les disciples du Sauveur ; ils possèdent déjà depuis longtemps les éléments du christianisme. Ils ont été persécutés dès l’origine, et les persécutions qu’ils éprouvent encore les exposent à retomber dans le judaïsme. Il n’est question nulle part des Gentils, soit infidèles, soit chrétiens, au milieu desquels les Hébreux auraient à vivre.
Ce qui a porté saint Paul à écrire aux Hébreux, ç’a été : Sa charité pour tous les hommes et le zèle particulier qu’il avait pour le salut de ses compatriotes, selon le témoignage qu’il en rend en divers endroits. L’étendue de la mission qui lui avait été donnée. Les Gentils lui sont désignés comme premier objet de son apostolat, mais les Juifs ne sont pas omis. Dans sa prison de Rome, il pouvait se dire qu’il avait porté le nom du Sauveur devant les nations et devant les magistrats de l’empire ; mais il devait regretter de n’avoir pas pu jusque là le prêcher à ceux qui auraient dû le reconnaître avant tous les autres. Saint Pierre ayant fixé son siège au centre même de la Gentilité, la convention qu’il avait faite autrefois avec saint Paul ne devait plus empêcher celui-ci de s’occuper de la Judée. Arrêté à Jérusalem dans son dernier voyage, au moment où il espérait vaincre les préventions de ses compatriotes, il était naturel qu’au sortir de sa prison l’Apôtre reportât ses vues de ce côté, qu’il se proposât de faire aussitôt qu’il le pourrait ce qu’il avait tenté plus tôt, et que pour disposer les esprits à sa venue, il se fit précéder à Jérusalem, comme il l’avait fait à Rome, par une sorte de traité, composé à loisir et renfermant l’abrégé de sa doctrine ou le programme de ses prédications.
Ce qui a déterminé saint Paul à traiter dans sa Lettre la question qu’il y traite, c’est l’embarras où il savait que se trouvaient un grand nombre d’Hébreux convertis, relativement au culte extérieur. Les Juifs incrédules cherchaient à les détacher des réunions chrétiennes et à les ramener à eux. Ils représentaient aux fidèles la pauvreté de leur religion, sans éclat et sans prestige. Ils faisaient valoir la renommée du temple, la multitude des adorateurs aux grandes solennités, le nombre et l’autorité des prêtres, la pompe des cérémonies : autant d’objets pour lesquels les Israélites, même baptisés, avaient conservé beaucoup d’estime et d’affection. Aux sollicitations, ils joignaient les menaces, les vexations et quelquefois la violence. Saint Jacques venait de subir le martyre. On pouvait être en 62 ou 63. Saint Paul, justifié au tribunal de l’empereur, sortait de prison ou se voyait à la veille d’en sortir et songeait à repasser bientôt en Orient. Informé de l’état des esprits, il croit de son devoir d’instruire, d’exhorter, d’encourager les fidèles de Judée qui ont confiance en lui. Sans condamner ceux qui jugeraient devoir pratiquer encore quelques-unes des observances anciennes, il fait sentir à tous quelle serait l’erreur de s’y croire obligés et quel tort ils se feraient en revenant en arrière par respect humain, après les engagements qu’ils ont pris et les faveurs dont ils se voient comblés. Il montre que l’Ancien Testament n’était que la figure et l’ébauche de la religion véritable et que le christianisme en est la perfection. La gloire du peuple juif, c’était sa loi et son culte : sa loi qui lui venait de Dieu par les anges et par Moïse, son culte dont Aaron avait reçu la charge et exercé le Pontificat. Mais le peuple chrétien a, dans le Fils de Dieu, un législateur bien supérieur aux anges et à Moïse, et un Pontife bien plus parfait qu’Aaron et toute sa race. Cette dernière considération est celle sur laquelle l’Apôtre insiste le plus. Après avoir montré l’excellence du Pontificat du Sauveur et le mérite infini de son sacrifice, il arrive à cette conclusion que l’Ancien Testament n’avait que des ombres ; tandis que nous avons la réalité. Tel est l’objet de la première partie, du chapitre 1 au chapitre 10, verset 18. La seconde, moins étendue et toute morale, résulte de la première ; elle a pour but de faire sentir la nécessité de la foi, du chapitre 10, verset 18 au chapitre 11, verset 40, et des bonnes œuvres, du chapitre 12 au chapitre 13, verset 25. Elle est aussi énergique que la première est sublime. (L. BACUEZ.)