On peut entendre l’universalité du déluge en ce sens que les eaux couvrirent toute la terre habitée par les hommes, mais non toute la terre habitable. Au moment où eut lieu la grande catastrophe, toute la terre habitable n’était pas encore peuplée. Noé et Moïse n’entendaient pas, par la terre entière, le globe terrestre tel qu’il nous est connu aujourd’hui, depuis la découverte de l’Amérique et après toutes les explorations modernes, mais la partie du monde alors habitée. " Nous ne sommes pas injustes envers Noé et ses fils, non plus qu’envers le libérateur d’Israël, dit le P. Pianciani, quand nous supposons que, comme leurs contemporains et leurs descendants, ils ignoraient l’existence de l’Amérique et de l’Australie, qu’ils ne savaient rien sur ces contrées et sur les parties les plus éloignées du monde ancien, par exemple, le cap de Bonne-Espérance, qu’ils n’avaient pas, en un mot, sur la forme particulière de ces pays et en général sur la géographie et la zoologie, des connaissances plus étendues qu’Aristote, Hipparque, Ptolémée et Pline. "
L’étude comparée des divers passages de la Bible, en particulier du Pentateuque, montre bien que c’est dans ce sens restreint qu’il faut entendre son langage. En parlant de la famine qui eut lieu du temps de Jacob, Moïse nous dit : " Dans tout l’univers, la famine prévalut… La famine augmentait chaque jour sur toute la terre… Toutes les provinces venaient en Egypte pour acheter des vivres. " Voir
Genèse, 41, vv. 54, 56-57. Ces passages ne doivent certainement pas s’entendre de l’univers entier, mais des peuples connus alors des Hébreux. Il en est de même de plusieurs autres passages de l’Ecriture.
Les termes employés par la genèse dans le récit du déluge s’appliquent donc seulement à la terre connue alors de Noé et des Hébreux, aux montagnes qu’ils avaient vues, aux animaux avec qui ils étaient familiers ou dont au moins ils avaient entendu parler. Par conséquent, rien n’oblige d’admettre que les plus hauts sommets de l’Himalaya, les volcans de l’Amérique centrale et méridionale et les montagnes de l’intérieur de l’Afrique ont été couverts par les eaux, puisque les anciens ne les connaissant pas. " Quand nous lisons que toutes les hautes montagnes, sous le ciel, furent couvertes par les eaux, nous ne sommes pas plus forcés de prendre ces mots dans un sens rigoureusement littéral, dit M. Reusch, que tant d’autres expressions analogues que nous lisons dans la Bible. En plaçant ces paroles dans la bouche de Noé, nous devons entendre par ces montagnes celles qu’il avait pu voir de ses yeux. " Pour Noé, toutes les montagnes qu’il connaissait avaient été inondées par le déluge.
Le déluge n’a donc été universel que pour la terre habitée ; cette hypothèse, plus en harmonie avec les donnes des sciences naturelles, coupe court à toutes les objections soulevées de ce chef contre le récit de Moïse.